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Afrique du Sud : l’inflation législative menace l’État de droit

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L’idée selon laquelle une législature n’est efficace que si elle adopte de nombreuses lois en peu de temps doit être contestée. La qualité d’une assemblée législative ne peut pas dépendre du volume de lois produites.

La grande quantité et la piètre qualité des lois émanant du Parlement sud-africain sont inquiétantes. Aucune personne ordinaire ne peut espérer en maîtriser les contours du fait de cette hyperinflation de textes. Dans un tel contexte, comment parler d’État de droit ?

La tyrannie de la quantité

Moira Levy, du site web de surveillance parlementaire, félicite le Parlement sud-africain d’avoir agi rapidement au cours des dernières semaines de 2018, en adoptant 9 projets de loi contre 14 le reste de l’année. Aux États-Unis, en 2013, Josh Huder s’est plaint, dans un article du Government Affairs Institute, que le congrès avait été «le moins productif depuis la guerre civile [1865]». Les deux derniers congrès, a-t-il soutenu, ont été «historiquement incompétents». En août 2017, Business Insider a rapporté une lettre diffusée par le consultant en investissements Michael Arone dans laquelle il affirmait que le congrès n’avait pas fait grand chose et que seules 45 lois avaient été promulguées cette année-là.

L’obsession d’avoir des législatures qui produisent en masse de nouvelles lois juste pour des lois, devrait interpeller tous ceux qui attachent de l’importance à la vie dans une société libre où le gouvernement est un serviteur plutôt que le maître du peuple. L’Afrique du Sud et les États-Unis souffrent de la sur-législation: il y a trop de lois, mais surtout trop de lois de faible qualité.

La responsabilité du législateur ?

Dans son ouvrage magnifique sur la sécurité juridique et l’état de droit, « La liberté et le droit », Bruno Leoni raconte l’histoire de l’élaboration des lois à Athène dans l’antiquité. Le problème à l’époque était que si l’élaboration des lois était du ressort des assemblées législatives populaires plutôt que de dictateurs arbitraires, personne n’aurait su si les lois votées un jour étaient toujours les mêmes le lendemain, ou si elles avaient été abrogées ou modifiées. Tysamenes a donc introduit une réforme constitutionnelle rendant les auteurs de projets de loi directement responsables des conséquences et de l’efficacité de ces lois. S’il ressortait qu’un projet de loi avait un impact négatif ou s’il contredisait d’autres lois existantes, son auteur pouvait être déclaré coupable et, s’il était reconnu coupable, il pouvait se voir infliger une lourde amende où, ultimement, la peine de mort.

Si dans l’analyse de Leoni la «sécurité juridique» était liée à des textes clairs, il a rajouté que, la multiplication des textes et leur changement incessant, sont des entraves majeures à l’État de droit.  Lorsque la sécurité juridique est compromise, les personnes sont en situation de faiblesse et sont contraintes à vivre dans l’incertitude.

Ainsi, les législateurs n’existent pas simplement pour légiférer. Ils doivent également représenter les intérêts de leurs électeurs et contrôler l’exécutif. Le Parlement doit donc veiller à ce que la loi  promulguée soit claire, succincte et compréhensible pour le profane (contrairement aux centaines de pages que les lois contiennent aujourd’hui). La loi est censée être accessible, ce qui va bien au-delà de la simple possibilité d’obtenir un fichier PDF d’une nouvelle loi et de la lire. L’accessibilité signifie que la loi doit être raisonnablement compréhensible pour ceux auxquels elle s’applique.

Le carcan juridique

Imaginez que vous soyez un nouveau diplômé cherchant à vous lancer dans les services financiers. Le Parlement étudie actuellement deux nouvelles lois concernant ce secteur: le projet de loi sur la conduite des institutions financières et le projet de loi portant modification de la législation relative au secteur financier.
Cela s’ajoute à la loi de 2017 sur la réglementation du secteur financier. Outre ces lois, il existe également des milliers de pages de réglementations qui concernent d’une manière ou d’une autre les services financiers.

Autre exemple : le nouveau projet de loi sur la prévention et la lutte contre les crimes et discours de haine. La Constitution sud-africaine définit de manière simple un discours haineux comme : «Un appel à la haine fondé sur la race, l’ethnie, le sexe ou la religion et constituant une incitation à causer du tort». Le projet de loi sur le discours de haine, quant à lui, conçoit le discours de haine comme « La communication intentionnelle, la publication, la propagation ou la promotion de quoi que ce soit auprès d’une ou de plusieurs personnes d’une manière qui pourrait raisonnablement être interprétée comme portant une intention claire de nuire ou d’inciter au mal ou de promouvoir ou propager la haine fondée sur un ou plusieurs des quinze motifs énumérés ». Pas du tout simple, la différence d’accessibilité est claire. Le projet de loi sur le discours de haine illustre à merveille le problème de la législation excessive qui s’est emparée de l’Afrique du Sud. La définition constitutionnelle du discours de haine est claire, juste et raisonnable. La définition du projet de loi est longue, énoncée dans un jargon juridique prétentieux, et va bien au-delà de la limitation d’expression inscrite dans la Constitution.

En 2019, nous devrions chercher à réduire, et non à augmenter, le nombre de lois qui dominent tous les aspects de nos vies. Nous devrions nous consacrer à la clarté du droit: moins de lois mais bien écrites, concises et fondées sur des principes jurisprudentiels solides. C’est le seul moyen de redonner sa noble place à la loi, et c’est le seul moyen pour l’Afrique du Sud de respecter son engagement, énoncé à la section 1 c), à savoir la suprématie de l’état de droit.

Martin Van Staden, analyste pour the Free Market Foundation.

Article publié en collaboration avec Libre Afrique

 

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