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Kenya : absurdité de la préférence nationale pour les artistes locaux

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L’appel, lancé récemment aux stations de radio et de télévision kenyanes afin de donner aux artistes locaux une préférence accrue dans la diffusion des morceaux de musique au détriment de leurs homologues étrangers, est la dernière tentative désespérée de l’industrie du divertissement du pays pour redorer le blason de la musique kenyane. Malheureusement, ils s’y prennent mal.

Au lieu de chercher à éliminer, à tout prix, la concurrence dans l’industrie de la musique, les artistes kényans devraient considérer la musique comme un business. S’ils veulent devenir des vedettes, ils doivent investir dans la popularité individuelle, et non pas chercher la facilité de la protection gouvernementale. Aider les artistes locaux à trouver un public plus large est une bonne intention, cependant, la majorité des médias kényans sont des sociétés privées. Une telle demande pour la préférence nationale va à l’encontre de leur indépendance.

La musique est un business comme les autres

Il est vrai que les industries de la musique dans les principaux marchés de divertissement en Afrique (notamment au Nigéria, au Ghana, en Afrique du Sud et en Tanzanie) connaissent une croissance rapide en raison de la mobilisation considérable des médias locaux. Cependant, réduire la raison d’être de l’industrie de la musique Kenyane au favoritisme envers les musiciens locaux confirme l’image d’une industrie locale paresseuse et en manque de créativité.

La préférence pour un fournisseur de musique plutôt qu’un autre, comme pour tout autre produit d’ailleurs, est largement déterminée par la qualité du mixage et de la production, ainsi que par les goûts personnels des consommateurs. Le manque de considération porté par les musiciens locaux à ces déterminants explique pourquoi les vidéos musicales kényanes sont moins visionnées, sur des plateformes de diffusion en continu comme YouTube, que celles d’artistes nigérians et ghanéens. Ainsi, les artistes kényans doivent améliorer la qualité de leurs productions. Tout le monde conviendra que si un produit est attrayant, il n’y a aucune raison de forcer quiconque à l’acheter. Les artistes kenyans devraient mieux organiser leurs concerts afin d’attirer le public local ; et surtout faire mieux que leurs concurrents étrangers qui excellent dans ce registre. Au Kenya, il n’y a presque plus de concerts à guichets fermés. Même les grands évènements tels que les festivals Mashujaa, SawaSawa et Jamhuri ont eu du mal à vendre leurs billets au cours des dernières années.

L’amélioration de la qualité est incontournable

Les promoteurs de l’idée de préférence nationale, doivent savoir que les listes de lecture (Playlist) des médias sont déterminées en fonction de l’intérêt actuel de leur public, et parfois par la qualité d’un enregistrement. On ne peut rien faire contre ce choix spontané. Ainsi, les artistes devraient cesser de compter sur l’illusion d’un quelconque patriotisme afin de s’assurer des débouchés à leur musique dans un secteur concurrentiel. Seule l’amélioration de la qualité et du packaging est de nature à leur permettre de survivre à la rivalité des artistes étrangers.

Interdire d’écouter de la musique étrangère est inutile en l’absence de bonnes alternatives locales. De plus, cette campagne va réduire le niveau de concurrence dans le secteur, ce qui freinera encore la croissance. Or, la concurrence est nécessaire pour stimuler la créativité des artistes, laquelle conduit toujours à offrir plus et de meilleures options au public. La concurrence entre artistes kényans et internationaux en matière de diffusion ne profitera qu’à long terme à l’industrie musicale kényane. Cela entraînera une augmentation de la demande de directeurs de studio, de mixeurs et d’ingénieurs du son, à mesure que les artistes feront preuve d’esprit entrepreneurial. En effet, la production musicale moderne exige un niveau élevé de recherche et de créativité, non seulement par l’artiste mais aussi par
les auteurs-compositeurs, les promoteurs et les producteurs.

Bien sûr, faire appel à ces talents pour aider l’artiste peut coûter très cher et il est compréhensible que de nombreux artistes kényans ne disposent pas des ressources nécessaires. Cependant, il faut préparer le terrain dans le sens de réunir les préalables afin d’avoir un atterrissage en douceur. Ils devraient également embrasser la culture locale, et non se réduire à l’imitation du style des artistes étrangers, en particulier les genres nord-américains. Si les artistes veulent que les Kenyans achètent leur musique, ils doivent leur donner le meilleur de la musique locale. C’est aussi simple que ça! C’est exactement ce que la plupart des artistes nigérians et sud-africains font.

Les artistes kényans devraient néanmoins élargir leurs rôles à l’ensemble du secteur du divertissement en collaborant avec des stars de cinéma, des animateurs de télévision et d’autres acteurs. La collaboration avec d’autres acteurs de l’industrie du divertissement leur offrira davantage d’opportunités et augmentera leur popularité.

Musila Muoki, analyste pour Africanliberty.org.

Article publié en collaboration avec Libre Afrique

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