Le « Podha » est un genre musical local qui fait sensation en Guinée depuis fin 2009. Inspirée du folklore du Foutah Djallon, une des quatre régions de la Guinée, la rythmique est basée sur l’accordéon, d’où l’appellation de Podha (du peulh, instrument à tirer).
Patrimoine musical du Foutah Djallon où, au temps colonial, il était joué pour les adultes et les mariés, le Podha berce aujourd’hui tous les Guinéens. Surtout les jeunes, lassés d’écouter les sonorités étrangères.
A Conakry, le Podha est apprécié dans les boîtes de nuit de la banlieue comme dans celles des quartiers périphériques de la capitale : « Kaporo » derrière l’Ambassade des USA, « Chez les intimes » à Lambanyi ou « Ex-Aldo », « Marifaala », « Nongo-Taady », « First, Albanie », « La Cigale », etc.
Cependant, les boîtes de nuit n’ont pas l’exclusivité de la danse qui fait fureur en Guinée. Ses adeptes n’hésitent pas quand ils ont les fourmis dans les jambes d’aménager un espace en plein air pour danser sans retenue, de 16 heures jusqu’à minuit. Les modérés, se trémoussent tous les week-ends là où les accros se défoncent tous les jours, du lundi au dimanche.
Le comédien Mamadou Thug, organisateur du célèbre Festival des arts et du rire (FAR) et animateur du Podha dans deux cabarets très fréquentés de Conakry, affirme : « +Le Podha+ monte en force. En ce qui me concerne, j’anime dans deux cabarets. A +Kaporo+ depuis un an, c’est le +Rire non-stop+. Là, nous faisons rire le public en caricaturant des thèmes de l’actualité. L’autre, c’est +Chez Aldo+ depuis deux ans».
A chaque fois, l’animateur fait salle comble en drainant des inconditionnels dont Mamadou Sadio Baldé. Pour rien au monde, ce dernier trouvé en train de siroter un jus d’orange, ne rate une soirée de Podha. Et pour cause, dit-il, l’ambiance et les sonorités lui rappellent son enfance au village. Même si tout n’y était pas rose.
A en croire Mamadou, quatre catégories de Guinéens sont des inconditionnels du Podha.Il y a, d’abord, les femmes divorcées, celles dont les époux sont à l’étranger ou en voyage et celles en proie à des difficultés au sein de leur ménage.
Hadja Bobo, une mère de deux enfants, domiciliée à Coza et vendeuse de tissu basin, confie : « Comme mon mari est un chauffeur qui fait de longs voyages, je profite d’une de ses absences pour aller au Podha, avec sa permission bien entendu. J’adore le Podha parce qu’il y a l’ambiance. En plus, je comprends les chansons ».
Les jeunes de la diaspora qui rentrent au pays, après des années de dur labeur à l’étranger, raffolent également du Podha. Rentré récemment de Madrid où, dit-t-il, il travaillait comme « un robot», Telly Diallo n’a qu’une seule envie : se trémousser au son de la danse qui lui rappelle son village natal.
Jeune comme Telly, El Hadj Diallo, banquier de profession, est un fan du Podha pour d’autres raisons. « Tous les jours, dans les boites de nuit de Conakry, il y a une nouveauté musicale étrangère. On a tendance à oublier la musique du terroir. Au Podha, tu vis des moments forts avec ton artiste préféré », explique-t-il.
Pour jouir du Podha, les tickets d’entrée vont de 5000 FCFA à 30.000 FCFA par couple, si le concert se passe dans une boîte de nuit huppée.
Une fois à l’intérieur de la boîte de nuit, on se laisse bercer par la musique, en sirotant une boisson payée sur commande ou en se joignant aux danseurs qui se trémoussent sur la piste. Les spectateurs fortunés peuvent, moyennant quelques billets, demander aux artistes de leur dédier une chanson.
Aliou Diallo, un jeune guinéen résidant en Hollande, a eu les honneurs d’une chanson. Venu passer la soirée avec ses amis à ‘’Chez First’’ à Lambanyi, il a eu la surprise d’entendre le DJ clamer son nom, donnant ainsi au chanteur l’opportunité de le citer dans ses envolées.
Un ami qui l’avait reconnu à son arrivée avait donné discrètement son nom au DJ et le tour était joué. Grand seigneur, Aliou s’est rendu sur la scène pour
couvrir de billets de banque les musiciens…
Comme Aliou, il est difficile de résister aux belles voix du Podha assurées généralement par de grands noms de la musique pastorale peuhle : Lamah Sidibé, Binta Laly Sow, Léga Bah, Alphadio Dara et Mamadou Thug.
Du côté des DJ aussi, ces chanteurs font un tabac comme le confirme Oury Diallo, animateur dans un cabaret de Conakry.
« Si nous, explique-t-il, voulons amasser de l’argent, nous invitons un artiste de renom comme Lama Sidibé, l’idole des femmes. Ensuite, nous dédions chaque morceau joué à une ville. Et les ressortissants de cette ville se lèvent pour danser et distribuer de l’argent. Si une ville ne se présente faute de ressortissants, elle est huée. Celle qui déboursera assez d’argent sera applaudie ».
Tout ceci se passe dans une ambiance festive, rehaussée par l’habillement décent des spectateurs et artistes. Loin des casquettes à l’envers, des grosses chaussures et chaînes ainsi que des pantalons débrayés qu’arborent dans d’autres endroits quelques jeunes adeptes du look étranger.
APA
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