Attaques au Tchad, au Niger, au Mali et au Burkina Faso… Rien qu’en mai 2019, la quasi-totalité des pays du G5 Sahel ont été la cible des terroristes. Une recrudescence des activités terroristes plus inquiétante qui appelle une réponse urgente et forte. La Force G5 du sahel, la réponse commune estimée « capable » de réduire la force de nuisance des mouvements terroristes sur le terrain, tarde et éprouve des difficultés quant à son déploiement effectif sur le terrain. Quels sont donc les obstacles à cette opération ?
Le financement : Un casse-tête interminable
Sur les 414 millions d’euros promis lors de la Conférence de Bruxelles en février 2018, l’ONU annonce que 190,7 millions ont été déjà décaissés. La France annonce un chiffre beaucoup moins important avec seulement 93 millions qui ont été recouvrés. Du côté du G5 Sahel, le Secrétariat Permanent déclare n’avoir reçu qu’environ 20 millions d’euros en équipements et services. Au delà de cette cacophonie des chiffres, la question de fonds décaissés ou non, cache en elle-même un autre problème qui est la complexité et l’opacité du mécanisme de financement. L’UE et ses pays membres, la France en tête, préconisent que tous les financements transitent soit par le canal européen qu’est l’African Peace Facility, soit par la France. C’est ainsi que les 100 millions de dollars de l’Arabie Saoudite sont versés à la France qui à son tour doit les rendre aux pays du G5 Sahel sous forme d’équipement et matériels militaires. Un mécanisme inconcevable par les pays concernés qui ont décidé de mettre sur pied un fonds fiduciaire censé recueillir toutes les contributions. Actuellement, les USA et la France préfèrent chacun de leur côté, convertir directement leurs contributions en matériels, équipement et formation des troupes sur le terrain, craignant l’utilisation des fonds à d’autres fins. A l’heure actuelle, les autres donateurs hésitent entre ces différents canaux de financement. L’autre point à ne pas oublier c’est que les contributions promises visent à la fois le financement des opérations militaires et celui du développement des zones marginalisées au sein de chaque pays membre. C’est d’ailleurs ce volet qui attise la guerre du leadership entre les dirigeants du G5 Sahel.
Une guerre de leadership préjudiciable
Après les attaques contre le QG de la FCG5S en 2018, le malien Didier DACKO commandant de la force, jugé laxiste, est remplacé par le mauritanien Hanena Ould SIDI, secondé du tchadien Oumar Bikimo. Bien que déplorable, l’attaque a constitué pour les présidents tchadien et mauritanien une occasion pour couper l’herbe sous les pieds d’IBK difficilement accepté surtout par le Idriss Deby qui s’estime victime de l’ingratitude du président malien. Deby accuse donc son homologue d’être plus tourné vers la France que vers ses frères africains et que les efforts tchadiens ne sont pas reconnus comme il se doit.
L’autre point de discorde entre les dirigeants du G5 Sahel, c’est la concentration des efforts internationaux au Mali plus touché par les attaques terroristes. Les présidents Deby et Youssoufou s’estiment lésés auprès de la communauté internationale qui pour eux, ne soutient pas assez leurs efforts dans la lutte contre le terrorisme au sahel. Cette guéguerre renvoie donc à la question de la réelle volonté des Etats membres à combattre le terrorisme.
Existe t-il une réelle volonté d’inertie?
A part les problèmes de financement et de leadership, il est à se demander si les Etats membres du G5 sahel ont la volonté de se mettre ensemble pour combattre le terrorisme. Dans sa récente parution, la lettre du Continent révèle que depuis 2016, le Tchad n’a versé aucun fonds de sa contribution annuelle de 400 millions de FCFA. Ceci explique pourquoi le niveau d’engagement des dirigeants n’est pas le même d’autant qu’entre 18 à 32% des budgets nationaux sont déjà consacrés à cette cause. Pour certains de ces dirigeants, l’
étendard de la lutte contre le terrorisme n’est brandi que pour mobiliser des fonds afin de combler les vides dans les trésors publics d’une part et comme moyen de pression sur les puissances occidentales qui reprochent chaque fois à ces dirigeants leurs dérives de gouvernance. En outre, bien qu’engagée sur le terrain avec l’opération Barkhane, la France constitue un blocus. Ses manœuvres visant les intérêts économiques à travers le commerce d’armes n’avantagent guère l’avancée du processus.
La Libye, un casse-tête supplémentaire
L’Algérie et la Libye sont deux maillons importants qui peuvent contribuer à stopper l’expansion du terrorisme mais ils ne sont pas membres du G5 Sahel. Si leur absence est à déplorer, la situation sécuritaire en Libye pose des soucis supplémentaires puisque l’Etat y est absent. Partageant de larges frontières avec le Niger et le Tchad, deux pays membres du G5 Sahel, la Libye est actuellement sous l’emprise de plusieurs groupes armés aux motivations douteuses. Combattre le terrorisme au Sahel sans résoudre la question libyenne est donc peine perdue puisque en interne, il est impossible de contrôler les frontières afin de contrecarrer les mouvements des groupes armés. Il est donc évident qu’à chaque fois que les terroristes seront traqués, ils se replieront en Libye avec la possibilité de nouer des alliances avec d’autres groupes, ce qui les rendra encore plus forts. Un casse-tête que la communauté internationale essaie de solutionner mais en vain. Les tentatives du président Deby auprès du maréchal Haftar n’ont jusqu’à là rien donné et la situation sécuritaire en Libye demeure fragile.
Bref, les obstacles à l’opérationnalisation de la FCG5 Sahel ne sont pas seulement financiers. Toutes ces difficultés sont pourtant surmontables et le plus dur a été déjà la naissance de la force conjointe. Il faut cependant renforcer l’inertie entre les pays membres en laissant de côté les intérêts individuels car après tout, ce sont eux les premiers concernés. La communauté internationale quant à elle doit revoir ses engagements afin d’éviter que le Sahel plonge dans le désastre. Au delà c’est toute l’Afrique qui est menacée.
Narcisse OREDJE, Bloggeur tchadien.
Article publié en collaboration avec Libre Afrique.
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