Par Saliou Samb
Selon certaines indiscrétions, la commission éthique de la Fédération guinéenne de football pourrait se saisir du dossier lié à la participation de la Guinée à la 32è édition de la Coupe d’Afrique des Nations. Le ministère des sports devrait suivre l’exemple. A l’heure des comptes, tous les acteurs impliqués dans le plus révoltant scandale jamais mis au jour dans le football guinéen doivent s’expliquer.
Je me suis frotté les yeux pour être sûr qu’on ne me tirait pas d’un mauvais rêve quand, par un détour sur le web, j’ai vu l’actuel président de la Féguifoot, Mamadou Antonio Souaré, animer un point de presse, où il alignait les révélations aussi affligeantes les unes que les autres, au sujet du staff technique de l’équipe nationale de Guinée. Selon lui, l’entraîneur Paul Put est le principal responsable de l’humiliation subie au Caire par la délégation guinéenne, après une CAN qui a viré à la bérézina.
La Féguifoot a exigé un rapport détaillé à l’entraîneur de nationalité belge. On ne sait pas si le fameux rapport a été déposé, par celui qui, en 2014 a été condamné à 2 ans de prison avec sursis dans une scandaleuse affaire de paris sportifs truqués, quand il était entraîneur de Lierse (Belgique). Voir le lien suivant https://www.sudinfo.be/art/1136395/article/2014-10-30/proces-des-paris-truques-paul-put-ancien-entraineur-du-lierse-condamne-a-deux-an.
On remarque que si Put a, au cours de sa sulfureuse carrière, dirigé des équipes nationales comme la Gambie, le Kenya, le Burkina Faso, et la Jordanie, il a également été entraîneur de Lokeren (de 2001 à 2003), le club cité dans cette affaire d’arnaque et de racket. A l’analyse, puisque selon Souaré le coach Put a admis du bout des lèvres le système de racket, deux hypothèses se dégagent : soit au-dessus du Belge, à l’insu des dirigeants guinéens ( ?), une tierce personne plus puissante que Put profitait des « pourcentages » versés par les membres du staff technique qui ont dénoncé la manœuvre (et qui sait ce qui s’est passé avec certains joueurs !), ce qui serait extrêmement grave, soit Paul Put himself est lui-même la tête de gondole de ce réseau mafieux installé en Belgique, en feignant de fermer les yeux sur les pratiques d’un parrain imaginaire, ce qui serait impardonnable. Pour le moment, il refuse de communiquer mais, de toute évidence, il ne s’agira pas seulement de limoger un technicien qui a manqué lamentablement à ses objectifs et étalé un niveau d’irresponsabilité notoire : il doit être poursuivi en justice.
Paul Put n’a pas daigné informer à temps les membres de la Feguifoot des « pressions » et des « menaces » subies par son staff, il ne les a pas non plus prévenus à temps de la fuite des membres de son staff technique (comme par hasard !) ; à ce stade des informations rendues publiques par Souaré, il demeure clair que l’homme, qui a démissionné du Kenya pour foncer vers la Guinée, a du mal à abandonner ses pratiques qui lui ont valu des déboires judiciaires. Pourquoi ? Il serait bon de le savoir. Il y a de quoi enquêter sur cet homme « amoureux de l’Afrique » (mon œil !), mais également sur celui qui l’a mis en contact avec la Féguifoot. Il faudra surtout découvrir l’identité du « parrain » qui se cache derrière un entraîneur qui révèle un visage de mercenaire pathétique et sans scrupules.
Toutefois, Put ne devrait pas être l’agneau du sacrifice, le mouton noir sur lequel tout le monde est libre de tirer à loisir pour se défausser. La Féguifoot a une grande part de responsabilité dans cette tragi-comédie qui a sérieusement affecté l’image de l’équipe nationale A. Et les questions ne manquent pas.
Pourquoi n’avoir pas enquêté en amont autour d’un technicien controversé, condamné dans son pays pour des histoires de paris truqués, avant de
décider de son recrutement ? Pourquoi lui avoir laissé isoler la sélection de la Direction technique nationale au point d’abandonner les internationaux guinéens entre les griffes d’une organisation mafieuse où on rackette et menace ? Quand est-ce que Antonio Souaré a pris connaissance des textos compromettants échangés entre Put et les membres de son staff en fuite ? Pourquoi Antonio Souaré, après avoir pris connaissance des textos et des rumeurs autour de toutes ces pratiques n’a pas pris de mesures conservatoires pour éviter ce genre de situation catastrophique ? Pourquoi n’a-t-il pas réagi vigoureusement quand le Belge lui a présenté une sélection bancale pour la CAN ? Il est clair que si Paul Put avait l’obligation d’informer les dirigeants sportifs des pratiques peu orthodoxes autour de l’équipe nationale, le président de la Féguifoot aurait dû se montrer beaucoup plus réactif et ferme au regard des enjeux.
Je préfère ne pas revenir sur les sommes débloquées par l’Etat (Ndlr : notre confrère Guinéenews a indiqué un montant de plus de 60 milliards GNF) et renforcées par la collecte d’environ 7 milliards GNF (selon les chiffres connus) en faveur du Syli au compte de cette CAN, car un simple audit pourrait donner une idée exacte du montant total réel, des dépenses et du reliquat, mais le ministère des Sports, et au-delà le gouvernement, devraient prendre beaucoup plus au sérieux cette affaire scandaleuse. L’équipe nationale n’est pas une équipe de copains de quartier : elle incarne des valeurs fondamentales et devrait se retrouver dans tout sauf dans une spirale malhonnête où la cupidité de certains apprentis sorciers ridiculise tout un pays.
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Morceaux choisis du POINT DE PRESSE DU PRESIDENT DE LA FEGUIFOOT (à vous de désigner la déclaration la plus hallucinante !) :
« Il y a eu des manquements et ces manquements je les fais savoir à l’entraîneur et j’ai informé le bureau exécutif. (…) J’ai dit à l’entraîneur qu’il y a des informations qui circulent et il faut qu’il nous dise la vérité »
« J’ai jamais vu ça dans l’histoire du football. Qu’un match qui se joue la nuit et qui se termine à minuit, le matin on vient qu’on nous dise que tout le staff (technique) a disparu. Où ils sont partis, pourquoi ils sont partis ? (…) Et c’est pas nous qui avons payé les billets de retour. Donc c’était prémédité. Pourtant nous on ne les connait ni d’Adam ni d’Eve, c’est toi qui les a amenés. Et tous ont été payés »
« J’ai dit ça à l’entraîneur et il était absolument obligé de le reconnaître. Et la réponse qu’il nous a donnée ne m’a pas satisfait. Pour dire que lui-même n’était pas informé et que ces gens-là lui ont envoyé un texto à 2 heures du matin pour dire qu’ils s’en vont et qu’il a tout fait que ces gens sont partis. C’est un manque de respect, c’est une irresponsabilité qui ne dit pas son nom »
« Chaque fois qu’on parle d’un joueur il (Put) dit non. Ce joueur-là il ne joue pas, il vient d’avoir un club, il n’a joué que 2 matches, 3 matches, Sadio (Diallo), joue en deuxième division, des trucs. Mais d’ici là tu vas prendre des joueurs de National (Ndlr : 3è et 4è division française)… Il y a un bruit pertinent et persistant que moi je n’arrive pas à comprendre dans le football sur le plan éthique : c’est le problème des primes. »
« J’ai dit (à Paul Put) il faut nous dire: il paraît que tes membres du staff technique disent qu’ils sont rackettés sur les primes qu’ils reçoivent. J’ai des est-ce que c’est vrai ? Est-ce que c’est faux ? Parce que ça vient de chez toi-même et c’est toi qui les as amenés : nous on ne les connait pas. Ils dépendent de toi, ils ne dépendent pas de la Guinée et après le match ils ont tous disparu. Nous voulons comprendre pourquoi (…) Et ils le disent même : il y a
des gens qui sont prêts faire des témoignages là-dessus (…) Qu’on leur dit même si tu ne paies pas ici, tu paieras en Belgique. J’ai d’abord c’est une menace, c’est très grave. Au point de vue éthique c’est très très grave. Mais si ça s’avère vrai, tu ne pourras plus jamais entraîner dans ta vie. Il faut que tu fasses maintenant un rapport immédiatement et que vous me remettez ou bien vous prenez la décision ; c’est un choix la vie. Parce qu’en ce moment, nous avons été trahis »
« Il (Put) a dit tout simplement que lui aussi, il a appris comme ça. Que mais c’est pas lui mais qu’il y a quelqu’un qui est dans le clubs là-bas en Belgique qui les a envoyés et qui certainement leur prend des pourcentages. Que le gars se trouve dans le club de Lokeren »
« C’est des choses irréfutables : il n’a pas la main sur le groupe, il n’a pas la main sur l’équipe, ni sur son staff et que les choses qu’on lui reproche il y a quand même une part de vérité. Quand vous dites que c’est pas moi mais c’est quelqu’un qui est derrière moi qui les rackette c’est qu’il y a une part de vérité ».
« Je lui ai même dit Paul, moi j’ai des informations sur les textos que tu as envoyés : j’ai vu des textos où tu dis ne demandez pas 20000 (USD), c’est 30000 (USD)… J’ai dit ils sont prêts à témoigner contre toi. Parce que quand les choses ses gâtent les langues se délient »
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