Cette dernière décennie, les terres ghanéennes destinées à nourrir ses populations ont été consacrées à la production de l’anacarde pour l’alimentation des marchés d’exportation. La production de noix de cajou est en train de transformer la région de Bono. Cette croissance positionne le Ghana comme l’un des plus gros producteurs des anacardes bruts en Afrique.
La production de noix de cajou a été multipliée par quatre sur tout le continent depuis 2000. Au Ghana, les circonstances sociales, économiques et politiques ont permis une expansion spectaculaire. Pour commencer, les gouvernements ont apporté un soutien important, ainsi que des donateurs internationaux. Des organisations telles que USAID et la Fondation Gates ont également joué un rôle déterminant dans le développement du secteur de l’anacarde au Ghana. Cela inclut des initiatives parrainées visant à augmenter la production. Fait à noter, plus de 98% des noix de cajou du Ghana sont exportées à l’état brut vers l’Inde et le Vietnam, où les noix sont traitées et réexportées aux États-Unis, en Europe, au Moyen-Orient, en Chine et en Australie. À l’échelle mondiale, la demande de noix de cajou a augmenté d’environ 7% par an. Sur cette base, les noix de cajou devraient représenter 29% du marché mondial des noix d’ici 2021.
Un défi pour la sécurité alimentaire
Au Ghana, l’expansion de la production de noix de cajou pour les marchés d’exportation est défendue dans le cadre de son plan de développement agricole. Mais cela pose des problèmes potentiels au niveau local, en particulier en ce qui concerne la sécurité alimentaire.
Selon des recherches entreprises dans le cadre d’un doctorat qui a cherché à comprendre les facteurs et les impacts de l’expansion du cajou au Ghana, on constate que les agriculteurs de la région Bono ont été incités à consacrer de plus en plus de leurs terres à la production de noix de cajou, une petite partie seulement étant réservée à la consommation locale. La conversion de terres fertiles en cultures de rente, et la transformation du panier à pain du Ghana en exportateur de noix de cajou, constitue un défi majeur pour la sécurité alimentaire à long terme du pays. Au cours des dernières années, le Ghana s’est appuyé sur des programmes ad hoc pour renforcer la sécurité alimentaire intérieure. Cependant, la plupart de ces programmes n’ont pas donné de résultats efficaces. Ceci est en partie dû à la prédominance des approches à court terme. Un de ces programmes est « Planter pour nourrir et créer des emplois », une initiative lancée en avril 2017 par le Président Nana Akufo-Addo. Le programme a été conçu pour améliorer la sécurité alimentaire et créer des emplois. Les critiques soutiennent qu’il s’agit d’un assemblage d’anciennes politiques ayant clairement échoué.
Priorité aux exportations
Le Ghana dépend désormais de la nourriture importée car sa production locale n’est pas suffisante. Ainsi, environ 70% de l’un des principaux produits de base du Ghana, le riz, est importé. Entre temps, environ 15% du maïs, autre aliment de base majeur, est également importé, aux côtés de plusieurs autres produits alimentaires transformés. En même temps, la production alimentaire nationale contribue de manière significative à l’approvisionnement alimentaire national. Les petits exploitants locaux jouent donc un rôle important dans l’alimentation des populations locales.
Ce qui est inquiétant, c’est que les petites exploitations agricoles soient de moins en moins compétitives. En effet, elles ont un accès limité à la technologie et sont freinées par des infrastructures médiocres, sans parler des autres obstacles sociaux, économiques et politiques. Ce n’est pas nouveau, le secteur des cultures vivrières a toujours été marginalisé sur le plan politique et les produits de base exportés sont la priorité du gouvernement à long terme. Dans un tel contexte, les petits exploitants agricoles ont de plus en plus
recours aux programmes d’aide gouvernementale qui leur permettent de convertir la terre en production de noix de cajou pour l’exportation.
Comment préserver la sécurité alimentaire ?
Compte tenu des défis actuels et futurs de la sécurité alimentaire intérieure du Ghana, il est urgent d’évaluer de manière critique les politiques de développement agricole et les initiatives des donateurs. Il est également urgent d’examiner les priorités axées sur les exportations, notamment la planification sectorielle de l’anacarde. Cela sera important pour que la croissance tirée par les exportations ne compromette pas la sécurité alimentaire locale.
À ce jour, la planification et les politiques agricoles nationales semblent donner la priorité à la production de denrées d’exportation et à la «modernisation» de l’agriculture au détriment la production alimentaire locale. Bien que le gouvernement national puisse continuer à soutenir le développement de l’industrie ghanéenne des noix de cajou à l’exportation, il est absolument nécessaire de mettre en place des programmes visant à renforcer l’aide aux producteurs de cultures vivrières et à l’approvisionnement local en aliments.
Le Ghana a également une opportunité non encore exploitée de bénéficier des investissements dans la transformation de l’anacarde dans le pays de manière à créer de la valeur ajoutée. De telles initiatives peuvent permettre au Ghana de bénéficier, socialement et économiquement, de la demande mondiale croissante de l’anacarde, tout en préservant sa sécurité alimentaire nationale à long terme.
James Boafo, doctorant à l’Université Queensland, Kristen Lyons, professeur d’environnement et de sociologie du développement à l’Université Queensland.
Article publié en collaboration avec Libre Afrique.
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