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Île Maurice : pourquoi les femmes sont-elles politiquement sous-représentées ?

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Maurice est une île célèbre pour ses belles plages et pour sa success story. Depuis son indépendance du Royaume-Uni en 1968, elle a connu d’énormes progrès économiques, a consolidé sa démocratie et maintenu sa stabilité politique. Maurice a tenu 11 élections générales depuis l’indépendance. Mais les plus récentes ont mis en évidence un grave échec politique: la faible représentation des femmes. En effet, alors que Maurice a excellé dans la plupart des indicateurs démocratiques, le pays est lent à améliorer l’égalité des sexes en politique.

Quelle est la place des Mauriciennes en politique ?

La représentation des femmes au Parlement mauricien était de 5,7% en 1983 et 1987, 17% en 2005 et 11,6% en 2014. Lors des dernières élections, ce chiffre est passé à 20%. Le système politique mauricien est une démocratie parlementaire basée sur le modèle anglais dit de Westminster. Elle a une assemblée composée de 62 membres élus, un Premier ministre, qui est le chef du gouvernement, et un président. Il n’y a pas de quota pour la représentation des femmes au Parlement. Maurice avait une femme présidente entre 2015 et 2018 et une femme vice-présidente entre 2010 et 2016. Mais, jusqu’à présent, tous les premiers ministres du pays étaient des hommes. La Constitution mauricienne garantit pourtant l’égalité de tous les citoyens et garantit aux femmes les mêmes droits que les hommes. Mais, les barrières culturelles et sociétales empêchent toujours les femmes d’exercer pleinement leurs droits. Les partis politiques et le système électoral du pays ne sont pas favorables au genre.

Symboliquement, il est important d’avoir une représentation égale des femmes au Parlement car les femmes représentent un peu plus de la moitié de la société. De plus, les femmes forment un groupe politique distinct avec des intérêts spécifiques qui les concernent. Les femmes parlementaires peuvent également servir de modèle pour encourager davantage de femmes à s’engager en politique.

Faible représentation dans les instances politiques

Au cours des 50 dernières années, la vie des femmes s’est améliorée sur plusieurs plans. En ce qui concerne l’éducation, les filles comme les garçons ont accès à une éducation gratuite du niveau primaire à l’université et les taux de réussite sont plus élevés pour les filles. Les femmes ont un meilleur accès aux possibilités d’emploi, en particulier dans les secteurs de la fabrication et des services, et elles sont plus indépendantes financièrement. Toutefois, la représentation politique est toujours restée faible malgré le fait que Maurice ait ratifié plusieurs traités internationaux. Ceux-ci couvrent les droits des femmes et l’égalité des sexes. Il s’agit notamment de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, du Protocole facultatif sur la violence à l’égard des femmes et du Protocole de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique.

Contrairement à de nombreux autres pays africains, Maurice n’a adopté aucune politique de discrimination positive pour accroître la présence des femmes au Parlement. Lors des dernières élections, 12 candidatures féminines sur un total de 60 ont été présentées par chacun des trois principaux groupes politiques en lice. Sur les 24 ministres nommés, seulement trois étaient des femmes. Il y avait également trois femmes ministres dans le gouvernement précédent.

Une société patriarcale

Pour mes recherches, j’ai interviewé des femmes politiques et des dirigeantes d’organisations féminines pour examiner les facteurs qui ont affecté la participation politique des femmes. Un obstacle majeur à la participation politique des femmes est que Maurice est une société conservatrice et patriarcale. Ces valeurs régissent les notions de féminité respectable, ce qui décourage les
femmes à aller vers ce qui est considéré comme un comportement et des rôles masculins. Cela devient problématique dans la sphère politique où les aspirants politiciens doivent être sur le terrain et diriger des réunions publiques où la foule est principalement composée d’hommes. En tant que telle, la politique est considérée comme inappropriée aux femmes et, par conséquent, mauvaise pour la réputation d’une famille.

La société mauricienne est également fortement axée sur la famille et les femmes devraient assumer la majeure partie des responsabilités domestiques. Cela leur laisse moins de temps que les hommes pour les activités politiques. Ceux qui finissent en politique bénéficient généralement d’un solide soutien familial et d’une sécurité financière. La culture patriarcale qui prévaut mène également à la discrimination contre les femmes politiques à la fois ouvertement et secrètement. Un exemple récent est celui où Joanna Bérenger, une nouvelle politicienne, a été décrite dans un titre de l’un des journaux les plus lus du pays comme venant au Parlement avec «ek zak dan tant». Cette expression créole signifie littéralement «du fruit dans le panier», car Bérenger est enceinte. De nombreux Mauriciens, en particulier des femmes, ont trouvé le titre offensant et cela a provoqué une vague de protestations sur les réseaux sociaux et ailleurs sur Internet. Le principal problème mis en évidence est le fait que la société mauricienne fait encore référence aux rôles reproductifs des femmes malgré leur succès en tant que dirigeantes politiques.

Comment aller de l’avant

Bon nombre des femmes candidates aux dernières élections étaient jeunes, ce qui indique un intérêt naissant des jeunes femmes pour les carrières politiques. C’est encourageant.

L’une des manières de contester la domination masculine consiste à coordonner les actions des mouvements de femmes. Malheureusement, les organisations de femmes n’ont pas été en mesure de forger un consensus national sur l’importance de la représentation des femmes au Parlement mauricien. En tant que tel, le lobby des femmes est resté faible. De plus, Maurice n’a pas réussi à mettre en place et à mettre en œuvre des mécanismes pour accroître la participation des femmes à la politique. Ainsi, il est besoin d’un nouveau système électoral pour assurer une représentation plus équitable à tous les niveaux.

Romola Ramtohul, sociologue et spécialiste des questions du genre, Université de Maurice. Article initialement publié en anglais par The Conversation – Traduction réalisée par Libre Afrique

Article publié en collaboration avec Libre Afrique.

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