C’est une nouvelle étape du bras de fer post-électoral en Guinée-Bissau. Umaro Sissoco Embalo qui se présente comme chef de l’État a investi samedi 29 février son nouveau Premier ministre, Nuno Nabian, le candidat arrivé 3e au premier tour de l’élection présidentielle. De son côté, le président de l’Assemblée, Cipriano Cassama, a été investi, vendredi soir, président par intérim. Le pays se trouve ainsi avec deux présidents.
C’est une situation inédite en Guinée-Bissau. Le pays a désormais deux présidents et deux Premiers ministres. Chaque camp accuse l’autre d’illégalité, alors que le candidat du PAIGC, Domingos Simões Pereira, conteste les résultats provisoires du second tour du 29 décembre et que le contentieux post-électoral n’est toujours pas tranché par la Cour suprême.
L’auto-proclamé président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo a ainsi démis de ses fonctions, vendredi, le Premier ministre Artistides Gomes et nommé Nuno Nabian. Son investiture en tant que Premier ministre vient d’avoir lieu, ce samedi, lors d’une cérémonie au palais présidentiel à laquelle RFI a assisté.
Nuno Gomes Nabian, vêtu de blanc, a prêté serment, en présence de la hiérarchie militaire – le chef d’état-major était présent – de l’ambassadeur du Sénégal, mais en l’absence de représentation diplomatique occidentale.
Nuno Gomes Nabian avait rallié Umaro Sissoco Embalo entre les deux tours de la présidentielle. Selon son entourage, il devrait, dans un premier temps, nommer un ministre de la Défense et un ministre de l’Intérieur, dans les heures qui viennent.
Ce samedi matin, Umaro Sissoco Embalo a une fois encore affirmé qu’il était le chef de l’État « légitime » et qu’une « nouvelle page s’ouvrait pour la Guinée Bissau ».
Le PAIGC dénonce «un coup d’État»
La cérémonie a été fêtée devant le palais par les militants du parti MADEM, rassemblés sur la place, avec des tambours, juste en face, en revanche, du quartier général du parti PAIGC de Domingos Simões Pereira.
Les militants du PAIGC font grise mise et dénoncent « un coup d’État » car pour le parti, c’est le président de l’Assemblée qui est désormais chef de l’État par intérim, jusqu’à ce que la Cour suprême tranche sur les résultats définitifs. Cipriano Cassama a été investi, vendredi soir, par les députés du PAIGC à l’Assemblée nationale populaire, ces derniers ayant constaté la « vacance du pouvoir » puisque le président sortant José Mário Vaz a quitté ses fonctions.
Le Premier ministre Aristides Gomes – démis vendredi soir par Umaro Sissoco Embalo – dénonce une démarche anti-constitutionnelle d’Umaro Sissoco et de ses alliés. Le PAIGC en appelle à la communauté internationale qui reste, pour l’instant, silencieuse sur les évènements de ces derniers jours qui s’accélèrent depuis vendredi soir.
Quant à l’armée – dont les plus hauts représentants étaient jeudi à la cérémonie d’investiture organisée par Umaro Sissoco Emabolo et ce matin à celle de son Premier ministre – elle contrôle le palais du gouvernement qui abrite plusieurs ministères, le palais de justice ainsi que la radio et la télévision nationale qui ont été fermées et qui ont cessé d’émettre.
Dans la capitale, de nombreux habitants disent leur lassitude
Au marché central de la capitale, un groupe s’est installé sous un parasol et sur des chaises en plasique. Un seul sujet de discussion : la situation politique. Pour Ousmane, les deux camps doivent se parler. « Le dialogue, c’est très important. »
L’élection présidentielle de fin 2019 était pourtant censée tourner la page de l’instabilité chronique. Les scrutins s’étaient déroulés dans le calme. Mais désormais, « tout est gâté », affirme Ziano,
32 ans, au chômage. « J’ai fait six ans d’études en Algérie. Ça fait deux ans que je suis ici, et je n’ai toujours pas trouvé de travail. J’aimerais un jour voir mon pays se développer. Quand je vois les autres pays africains, ça me fait mal. On est indépendants depuis 47 ans, et on n’a toujours pas l’électricité jusqu’à maintenant ! J’en ai marre, de tout ça. »
Deux présidents, deux Premiers ministres : les évènements se sont accélérés ces derniers jours. Sana Camara le reconnaît, il a du mal à suivre. « On s’y perd, maintenant. On ne sait pas ce qui se passe. On ne comprend rien. » Pendant ce temps, la situation sociale et sanitaire reste très critique. Les agents des services publics sont en grève depuis maintenant deux mois.
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