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Qu’est-ce que le remdesivir, ce nouveau médicament contre le Covid-19?

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Après l’hydroxychloroquine et le tocilizumab, c’est désormais le remdesivir qui serait un remède efficace contre le virus. Une étude présentée brièvement par Anthony Fauci, immunologue qui gère la cellule de crise du président Trump, montrerait les résultats positifs de cet antiviral déjà utilisé contre Ebola. Ces injections permettraient de réduire considérablement le temps de guérison. RFI a posé trois questions sur cette molécule au professeur Gilles Pialoux, chef de service des maladies infectieuses à l’hôpital Tenon à Paris.
RFI : Professeur Pialoux, pouvez-vous présenter ce qu’est le remdesivir et expliquer son fonctionnement ?
Gilles Pialoux : Avant toute chose, il faut préciser qu’avec le Covid-19, nous sommes face à une maladie complexe, qui a plusieurs facettes. Pour simplifier, au début c’est une maladie qui est essentiellement virale. Dans les formes bégnines par exemple, c’est le virus qui agit. Puis, lorsque l’on observe des formes plus graves, ce n’est plus le SARS CoV2 (le virus du Covid-19) qui domine le tableau, mais la réponse immunitaire qui est trop importante et cela crée ce qu’on appelle un orage cytokinique. Le système respiratoire et d’autres organes sont inondés par la réponse immunitaire. C’est comme une gomme qui à force de frotter ferait un trou dans le papier, la réaction immunitaire devient trop forte pour que l’organisme puisse supporter.
Le remdesivir lui, s’attaque à l’infection virale, donc plutôt à des formes modérées. Il agit de manière assez classique pour un antiviral c’est-à-dire qu’il bloque la réplication, la multiplication du virus. Le remdesivir a déjà montré son efficacité en laboratoire contre Ebola et d’autres coronavirus.
RFI : Quelle est la différence avec les autres traitements qui ont été médiatisés ?
Si on prend le tocilizumab dont on a parlé récemment par exemple, c’est complètement différent. C’est un anticorps qui cible une protéine de l’inflammation en particulier. Il empêche l’hyperactivité du système immunitaire responsable d’une partie des formes graves de Covid 19. Sur ce sujet on a eu un essai très pragmatique qui a montré des résultats, on teste 60 patients avec le produit et d’autres sans et on voit quand les résultats sortent. Il y a une efficacité sur les formes modérées et sévères, mais nous n’avons pas encore de données pour la réanimation. Ces résultats ont été obtenus très rapidement. Nous avons commencé le 30 mars et les résultats sont arrivés le 25 avril, c’est rare que ça soit aussi rapide.
Pour l’hydroxycholoroquine qui a été très médiatisée aussi c’est très compliqué. Car il y aurait un effet antiviral, mais aussi anti-inflammatoire ; on ne sait pas encore lequel des deux aspects fonctionnerait. Ceux qui en font la promotion jouent sur les deux champs. En réalité, nous n’avons toujours aucun essai contrôlé qui démontre son efficacité.
RFI : Que pensez-vous de l’étude américaine ? Est-ce que le temps de rétablissement réduit de 31% est significatif ?
Anthony Fauci dit qu’il y a des arguments pour affirmer que l’on peut bloquer le virus. Ce n’est pas n’importe qui, c’est quelqu’un de sérieux donc c’est tout de même assez fort. Mais il faut prendre tout cela avec des pincettes, avoir de la prudence et de l’humilité sur les résultats. La question du raccourcissement du temps de guérison est très importante, et surtout quel est son poids dans la réalité clinique ? C’est utile car moins la maladie est longue, moins le virus circule, en clair moins le virus est présent moins le patient sera contagieux. Ensuite, il faut voir si cela agit sur la mortalité. Pour l’instant, ce n’est pas significatif et l’on manque de données. Il faut se rappeler que l’on discute sur des communiqués de presse, d’habitude c’est sur des données scientifiques,
mais la recherche est tellement à visibilité mondiale que l’on se presse de publier.
Les résultats sont contrastés. Du côté des études américaines, on réduit le temps de guérison mais pas la mortalité. Une autre étude, chinoise, sur un nombre de patients moindres, a des résultats négatifs.
Pour l’instant on est surtout dans l’attente de Discovery, l’essai clinique européen, où 5 traitements sont testés, ce qui va nous permettre de comparer leur efficacité entre eux. Mais attention, il faut bien comprendre que l’on n’est pas dans la compétition entre les traitements antiviraux et ceux qui agissent sur le système immunitaire. Ils peuvent très bien être complémentaires.
RFI

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