La situation se dégrade dans le centre du Mali sans réponse adéquate pour protéger les populations civiles. Le cumul des défaillances sécuritaires, judiciaires et administratives engendrent des violences massives et l’impunité, a affirmé mercredi un expert indépendant de l’ONU.
Devant le Conseil des droits de l’homme, l’expert indépendant des Nations Unies sur la situation au Mali, Alioune Tine, s’est notamment dit inquiet de la situation dans le centre du pays, notamment dans la région de Mopti, où les populations civiles sont de plus en plus piégées par des organisations criminelles transnationales et des groupes armés extrémistes. Ces populations sont aussi à la merci « de milices armées fondées sur l’appartenance communautaire qui s’assurent de plus en plus le contrôle de cette zone où les enjeux économiques de la transhumance avec le vol de bétail sont devenus un des grands défis de la région ».
Les violences armées sur fond de tensions communautaires ont ainsi gravement augmenté et les groupes extrémistes armés profitent de l’absence de l’État dans ces zones pour exploiter et aggraver les fractures entre les communautés. « Un cycle infernal de violence et de représailles se succèdent dans cette région du Centre », a alerté depuis Dakar, l’Expert indépendant, dans une visioconférence organisée avec le Conseil.
Selon des chiffres de l’ONU, de janvier à mars 2020, les groupes armés fondés sur l’appartenance communautaire et les groupes extrémistes violents ont été respectivement responsables de 36.45% et 17.22% des 598 violations et abus des droits de l’homme documentés. Les groupes armés signataires et non-signataires de l’Accord de paix au Mali ont quant à eux été responsables de 10.03% des cas.
« Presque tous les interlocuteurs que j’ai rencontrés, y compris des représentants de l’État ainsi que des forces de défense et de sécurité, ont souligné que les auteurs d’attaques similaires antérieures dans différentes régions n’ont jamais répondu de leurs actes », a regretté M. Tine, ajoutant que « ce cancer de l’impunité est l’un des facteurs aggravants de la violence et des confusions actuelles de la situation sécuritaire et politique au Mali ».
Au cours des trois premiers mois de l’année, les Forces nationales de défense et de sécurité maliennes – dont certaines opérant dans le cadre de la Force conjointe du G5 Sahel – ont été responsables d’au moins 36,45% des violations des droits de l’homme documentées, avec notamment 119 exécutions extrajudiciaires et 32 disparitions forcées, a indiqué M. Tine, rapportant des chiffres de l’ONU.
La détérioration de la situation sécuritaire a contribué à une détérioration continue de la situation humanitaire, a-t-il poursuivi. Le nombre de personnes déplacées internes a plus que doublé, passant de 84.300 en janvier 2019 à 218.000 en mars 2020.
Dans ses conclusions au débat interactif du Conseil des droits de l’homme sur le Mali, qui s’est poursuivi jeudi matin, M. Tine a indiqué que « désarmer les milices est une autre priorité pour pacifier le pays ».
La destruction de l’école est une tactique de guerre idéologique, a également affirmé l’expert. Il faut dès lors trouver une alternative pour que les enfants qui ne peuvent plus aller à l’école puissent avoir accès à l’éducation. Le cas contraire, ils représenteront une bombe sociale pour l’avenir.
La participation des femmes dans le processus de
paix est quasi inexistante, a regretté M. Tine. Il faut renforcer les programmes de formation sur la question de genre et s’inspirer des bonnes pratiques dans les autres pays de la région, a-t-il plaidé.
Bamako rappelle son attachement à la lutte contre l’impunité
Face au tableau dépeint par l’Expert indépendant, le représentant du Mali s’est dit préoccupé par les récentes allégations de violations des droits de l’homme mettant en cause les forces de défense et de sécurité maliennes.
« C’est le lieu de dire, sans ambiguïté, que les autorités maliennes restent pleinement attachées à leur politique de tolérance zéro et à la lutte contre l’impunité », a déclaré mercredi l’Ambassadeur du Mali à Genève, Mamadou Henri Konaté. Selon le diplomate malien, des enquêtes sont en cours pour faire toute la lumière sur ces allégations.
Bamako a toutefois appelé à se garder des conclusions hâtives sur les dernières exactions imputées aux forces armées maliennes. « A cet égard, les groupes terroristes ayant enlevés de nombreux véhicules de l’armée, il se pourrait qu’ils soient responsables de certains massacres de civils », a conclu M. Konaté.
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