Nul »! annonce un scrutateur à Ouagadougou en inspectant un bulletin de vote à la lumière de son téléphone portable. Le dépouillement de l’élection présidentielle de dimanche au Burkina Faso s’effectue à la bougie, à la lampe-torche ou à la lampe-tempête.
Le dépouillement du double scrutin présidentiel et législatif a commencé à la tombée de la nuit peu après 18H00 à Ouagadougou. Le président Roch Marc Christian Kaboré, qui a voté dans cette même école, est le favori de cette élection sous haute tension, en raison de la spirale des attaques jihadistes dans laquelle le pays est aspiré depuis 2015.
Institutrice, Fatimata Kaboré était dimanche dans son école, mais en tant que présidente de bureau de vote N.7 du quartier de la Patte-d’Oie de la capitale du Burkina Faso, pays sahélien parmi les plus pauvres du monde.
L’urne est posée sur une table de classe sortie pour l’occasion.
La journée a été relativement calme après l’excitation survenue lors du vote du président Kaboré.
Fatimata a passé la plus grande partie de la journée à attendre patiemment les électeurs. Un calme et un ennui qui contrastent avec le ballet d’hélicoptères qui survolent en permanence l’école située en bout de la piste de l’aéroport.
Les appareils transportent urnes et personnel depuis les bureaux des zones enclavées où les groupes jihadistes font la loi. Dans le nord et l’est du pays, des bureaux de vote ont dû fermer sous la menace d’hommes armés.
Début novembre, la Cour constitutionnelle avait constaté que l’élection ne pourrait se tenir sur 17,7% du territoire, faute d’une présence de l’Etat, administrative et sécuritaire, suffisante
« Dieu merci à Ouagadougou, ça va! » dit, sans révéler son nom, un surveillant pénitentiaire en uniforme gris, reconverti ce dimanche en surveillant de bureau de vote.
Au moment, du dépouillement, il y a un léger flottement.
« La Commission électorale (CENI) a fait une formation, la semaine passée, ils nous ont tout expliqué », assure Iboudo Abdoulraïm, élève de première de 18 ans tiré au sort pour participer au processus dans ce pays qui a connu de nombreux coups d’Etat ou tentatives.
« Il manque les scrutateurs! On ne fait rien! », intervient Nana Boureima, délégué du bureau.
4000 F CFA
Fatimata Kaboré part, sac à main en bandoulière, dans la cour de l’école chercher des électeurs qui accepteraient de remplir ce rôle. En vain.
Finalement, on brise quand même le sceau de l’urne et on extirpe les bulletins, de grandes feuilles pliées en quatre où figurent les portraits des 13 candidats.
Les électeurs ont du tremper leur doigt dans de l’encre indélébile, et l’apposer dans la case à côté de la photo de leur champion.
Lentement, les scrutateurs annoncent solennellement le nom inscrit sur chaque bulletin tandis qu’un assesseur note les résultats sur un petit calepin aux couleurs de la CENI, sous le regard attentif de Fatimata.
Roch Marc Christian Kaboré semble se détacher mais le chef de file de l’opposition Zéphirin Diabré, et Eddie Komboïgo, candidat du parti de l’ancien président Blaise Compaoré, recueillent aussi de nombreuses voix.
Derrière les délégués occupés au dépouillement, Adama, un étudiant de 21 ans représentant un petit parti d’opposition, observe.
L’opposition a accusé samedi le pouvoir d’avoir organisé une « fraude massive » pour garantir une réélection du président Kaboré au premier tour.
« Pour être franc, je m’intéresse peu à la politique, mais je m’y retrouve dans le programme de ce candidat aux législatives », explique-t-il d’abord. Avant d’avouer que le parti lui a promis 4.000 francs (8 euros) pour ses services.
« C’est important d’être là, pour qu’on ne puisse pas dire ensuite qu’il y avait fraude », dit-il.
AFP
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