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Est-il utile d’épargner en période d’inflation ? (Par Safayiou Diallo)

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Selon les dernières statistiques du Ministère du Plan, le taux d’inflation a atteint 12,6% en janvier 2021. Suivant le communiqué du Comité de Politique Monétaire qui a tenu sa première réunion ordinaire de l’année 2021 par visioconférence, le mercredi 31 mars 2021, l’accélération du rythme de progression de l’indice des prix à la consommation résulte de l’augmentation des prix de la composante alimentaire, elle-même tirée par les sous-groupes « pain et céréales », « viande », « poissons », « lait et fromage », « huiles et graisse », « fruits », « légumes autres que pommes de terre », et « sel, épices ». Selon le Ministère du plan, Cette flambée des prix est imputable essentiellement à la fermeture des différentes frontières entre la Guinée et les pays voisins cf. Bulletin mensuel sur les prix à la consommation des ménages parut en janvier 2021.

Toutefois, projeté à 12,8 % en moyenne au deuxième trimestre 2021, le taux d’inflation pourrait se maintenir à deux chiffres en décembre 2021 selon la Banque Centrale de la République de Guinée, avant de s’établir à 9,4 % au troisième trimestre de 2022. Il convient toutefois de souligner que l’action de la Banque centrale qui consiste à maintenir les taux d’intérêt directeur à un niveau supérieur à celui de l’inflation, est un moyen sûr pour lutter contre la répression financière que nous avons connue au cours des années passées et cela, à condition qu’il n’atteigne pas le niveau prévu de 12,8% pour un taux directeur qui tourne autour de 11,5%.

L’objectif de cette tribune est d’éclairer la lanterne des ménages guinéens sur l’inefficacité de constituer une épargne financière sur une monnaie qui continue à se déprécier du jour au lendemain mais aussi et surtout de donner quelques pistes de solutions qui nous semblent être juste afin de leur permettre de prendre les bonnes décisions pour un bon fonctionnement de notre économie.

Pour nous permettre de bien traiter le sujet et faciliter la compréhension de nos lecteurs dont la plupart ne sont pas forcément des économistes, remontons ne serait-ce que 10 ans en arrière pour observer la tendance et l’on se rendra compte que les prix de tous les produits urbains ont quasiment doublé. A titre d’illustration, le prix du sac de riz qui coutait GNF 150 000 en 2010 se vend à plus de GNF 300 000 aujourd’hui. Même chose pour le prix du pain dont la baguette qui se négociait à GNF 1 500 en 2010 se vend de nos jours à GNF 4 000 dans certains endroits et GNF 5 000 dans d’autres. S’agissant du prix du loyer, il a été multiplié à peu près par 10 passant de GNF 250 000 pour 2 Chambres et salons en 2010 à plus de GNF 2 500 000 dans certains quartiers de la capitale Conakry à l’image de Kipé ou Lambanyi. Enfin de comptes, la monnaie locale a tellement perdu de valeur à tel point que nous avons assisté à une hausse sans précédent du prix du transport rural et urbain (de moins de GNF 1 000 le tronçon à Conakry, on est passé à GNF 1 500 en 2021 contre GNF 150 en 2001), des denrées alimentaires (farine, sucre, lait, etc.) mais aussi des légumes (tomates, oignons, pomme de terre, carottes etc.).

Pendant ce temps, celui qui s’est contenté d’épargner en monnaie locale pendant ces 10 dernières années pour échapper à un emprunt bancaire en se croyant plus malin que les autres, a été certainement dévasté par l’inflation et de ses avatars car, ces épargnes sur ces 10 ans ne lui auront pas permis d’avoir les biens qu’il pouvait acheter il y’a 10 ans de cela. A titre d’illustration imaginons un individu X qui dispose d’un compte épargne avec une rentabilité financière de 10% en 2001, ce qui est plutôt bon à en juger l’apparence. Si pour une raison quelconque pour ce même livret, la Banque propose à cet individu une rentabilité de 4% en 2021, tout agent économique n’ayant pas une très bonne éducation financière va penser que la Banque vole Monsieur X et que la rentabilité de ce livret à trop diminuer en 20 ans. Pour quelqu’un qui s’y connait bien en la matière analyse avant tout d’abord l’évolution de l’Indice des Prix à la Consommation (IPC) avant de se prononcer sur ce sujet. Si après analyse, l’on se rend compte que l’IPC se situait à 14% en 2001, cela signifie que la rentabilité offerte à l’époque rendait M. X plus pauvre de 4% (10% -14%) alors qu’en 2021, au moment où la banque offre une rentabilité de 4%, si l’IPC se situe à 2%, donc, M. X gagne 2% en réalité (4%-2%) c’est-à-dire qu’il devient plus riche de 2% contrairement à la situation précédente. En conséquence, avoir une très bonne éducation financière mais aussi une connaissance rationnelle de l’IPC avant tout placement financier est très important sans quoi, on risque de payer l’impôt des pauvres communément appelé l’inflation.

C’est de la même manière que ceux qui sont victimes de l’illusion monétaire parce qu’ils ont vu leur salaire augmenter en un laps de temps et qui font des calculs rapides pour se réjouir avant même de vivre la vraie réalité par la suite. En principe, les augmentations des salaires ne servent qu’à compenser la perte du pouvoir d’achat occasionnée par l’inflation et cela à condition qu’elle ne soit pas inférieure à celle de l’inflation sans quoi, ladite augmentation n’aura servi à rien.  A titre d’illustration, prenons le cas d’un guinéen moyen qui est payé à GNF 10 000 000, une augmentation de 10% soit GNF 1 000 000 sera la bienvenue surtout en période d’inflation. Mais, dans le cas où l’IPC se situe à 14%, cela veut dire que la vie est de 14% plus chère, l’individu aura perdu 4% (14%-10%=4%) sur son pouvoir d’achat.  C’est pourquoi, les syndicalistes guinéens ont été largement dupés sur cet aspect par les économistes représentant le gouvernement, au cours des années passées notamment entre 2007 et 2020. Ce qui fait qu’en fin de compte, le salaire n’augmente même pas en réalité. Il devrait simplement permettre d’acheter les mêmes biens à deux intervalles de temps différents si jamais les négociations étaient bien faites.

Nous ne saurons terminer cette analyse sans pour autant proposer à l’image de beaucoup d’autres économistes soucieux de l’avenir de notre pays, quelques pistes de solutions pour la bonne marche de notre économie. D’autres solutions à l’image de l’or ne seront pas abordés dans cette partie car, cette pratique n’est pas tellement habituelle dans le cas guinéen pour en faire une solution.

1/ L’immobilier, arme anti-inflation :

Comme vous pouvez le constatez, l’immobilier ne perd jamais sa valeur du moins, c’est ce que l’on croyait avant la crise des subprimes de 2008 où certains biens mis sous hypothèque ont perdu plus de 50% de leur valeur. Etant donné que nous ne sommes pas sur le même marché, l’immobilier apparaît comme l’une des solutions pour éviter la perte de valeur réelle de votre patrimoine car, la valeur des biens que vous détenez évolue aussi avec l’inflation. Par ailleurs, l’inflation n’affecte pas le rendement réel d’un placement immobilier car, les investisseurs dans ce secteur économique peuvent choisir de corréler la rentabilité de leur bien immobilier à l’inflation dans le cas où ce dernier serait mis en location. Cependant, beaucoup d’agents économiques hésitent à placer leurs économies dans l’immobilier car le prix d’entrée est le plus souvent très élevé. Par ailleurs, il est conseillé à toute personne qui souhaiterait investir dans ce domaine non seulement de le faire avec ses propres fonds, mais aussi d’en financer une partie importante par un emprunt dans le cas où les taux d’intérêt sont bas. Au cas où le rendement locatif net est supérieur aux intérêts que vous payez sur le prêt, vous bénéficiez déjà d’un effet de levier financier. En outre, l’inflation érode le remboursement du prêt.

2/ Prendre des risques avec les actions :

Deux écoles de pensées s’opposent sur ce sujet. Les premiers déduisent que les actions sont des actifs réels, et donc elles constituent une couverture naturelle contre l’inflation, les chiffres d’affaires des entreprises devant grimper avec la hausse des prix. Les seconds estiment que l’inflation va peser sur la demande, donc sur la croissance, et sur le coût du capital qui n’est rien d’autre que le taux d’intérêt.

Toujours est-il qu’historiquement, achetez des actions offre une bonne garantie contre la hausse des prix. Sur la durée, les placements en actions ont prouvé par le passé qu’ils étaient très performants. Évidemment, avant d’investir sur les actions, il faut toujours être prêt à prendre des risques mais aussi bien définir son profil de risque.

3/ Les obligations d’Etat :  

Contrairement aux actions, les obligations sont des titres qui représentent un prêt octroyé par les détenteurs à l’émetteur (Etat dans le cas présent). Malgré sa nature plus sure, les obligations comportent le risque de faillite de l’émetteur et aussi celui de l’inflation. Lorsque cette dernière est bien anticipée, elle est peut-être incorporée dans le taux d’intérêt de l’obligation.  Depuis 2015, la Guinée est à son troisième emprunt obligataire d’une durée de trois ans, est à 12,5% de taux d’intérêt donc supérieur à l’inflation. C’est qui est très bénéfique pour les agents économiques qui ont décidé de se lancer dans une telle activité.

Au bout de cette analyse, nos lecteurs auront compris que les solutions qui s’offrent aux ménages en période d’inflation sont multiples. Mais, l’une des meilleures solutions c’est de créer de la richesse en entrant dans le jeu capitaliste à travers la réalisation des projets d’investissements qui les tiennent à cœur. A défaut, faire des placements financiers rentables car, ces alternatives leur permettent de profiter avec l’inflation. Une autre solution seraient d’épargner d’opportunité en devises en cas de dépréciation de la monnaie nationale et d’en faire des opérations de cession de devises dans le cas où la monnaie nationale s’apprécierait afin de se prémunir contre l’inflation qui érode le pouvoir d’achat.

Safayiou DIALLO

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