Etes-vous au courant ? On ne dit plus d’une femme qu’elle est belle. On dit qu’elle est «méchante». On est en 2022 (au fait, bonne et heureuse année, pendant que j’y pense !), tout doit évoluer : les modes, les moteurs, les mots, etc. La dure loi du progrès ne s’impose pas seulement à nos mœurs politiques ou alimentaires, elle s’impose à notre manière de parler aussi. Alors, tenons-nous-le pour dit : toutes les Guinéennes sont méchantes dans nos quartiers, dans nos communes, dans toutes nos sous-préfectures. «Les Guinéennes sont les plus belles femmes du monde». Ce n’est pas moi qui le dis, c’est un musicien congolais, écouté récemment sur les ondes de RFI.
Mais d’après vous, pourquoi je reviens sur un sujet que j’ai déjà évoqué ici dans une autre chronique. Pour deux raisons que me fournit l’actualité : la recrudescence des viols dans notre pays et la première participation de la Guinée au célèbre concours «Miss Monde» qui était censé se dérouler à Porto–Rico et qui a malheureusement été reporté pour des raisons sanitaires.
Selon un médecin-légiste du cru, rien qu’en 2021, 390 jeunes filles de moins de 15 ans ont subi des abus sexuels. Nous sommes une société malade. Nous sommes une société perverse. Une perversité qui traverse toutes ses couches. Après les taxis-motos et les flics, les médecins, les professeurs et les imams s’y sont mis aussi. Et je suppose que bientôt les magistrats vont s’y mettre à leur tour, eux qui sont passés maîtres dans l’art de violer la loi.
Heureusement que nous avons la « très méchante » Saran Bah pour nous faire oublier l’insupportable tableau de nos mœurs primitives. Avec sa silhouette de sylphide et son auguste visage de pharaonne, elle fait l’unanimité autour d’elle. Artificiellement divisés par les maudits dirigeants qui, de 1958 à ce jour, se sont succédé à la tête de leur pays, les Guinéens ne se regroupent aujourd’hui que derrière trois symboles : le drapeau tricolore, le Syli National et Saran Bah. On a l’unité que l’on peut. En attendant que le sort nous fasse grâce d’autres facteurs de cohésion nationale et de fraternité, j’apporte mon soutien à notre belle égérie et demande à tous mes compatriotes de voter massivement pour elle. Une Guinéenne, «Miss Monde» serait une source inépuisable de prestige et de renommée pour notre pays qui, en bientôt 64 ans d’indépendance, n’a rien d’autre à présenter au monde que ses prisons politiques, ses rues défoncées et ses taudis.
Dire que l’on a failli rêver avec le Lieutenant-Colonel Doumbouya, notre putschiste du 5 Septembre. On avait naïvement pensé qu’il aurait profité de la chute d’Alpha Condé et de l’unanimité faite autour de son nom pour nous faire oublier les démons du passé et nous placer sur une nouvelle orbite. Mais non, ce n’est pas le Rawlings nouveau que l’on espérait. C’est Sékou Touré-bis. Nous voilà replongés jusqu’au cou dans les temps bénis des injures ethniques, des faux complots et des pendaisons publiques.
Bravo, mon colonel Doumbouya ! Vous avez fait plus vite que vos prédécesseurs. Vous avez raté votre destin en moins de cent jours.
Question : la monstrueuse société qui est la nôtre, apprendra-t-elle un jour à faire autre chose que mentir et tuer, violer et voler ? Rien n’est moins sûr !
Tierno Monénembo
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