Sanctions de la CEDEAO contre le Mali : Une « chance » pour le Colonel Doumbouya (Par Abdoulaye Condé)
L’organisation sous-régionale réunie en sommet extraordinaire à Accra, au Ghana, le dimanche 09 janvier 2022, a entériné les décisions prises par l’Union monétaire ouest-africaine, quelques heures plus tôt.
Ces très lourdes sanctions adoptées contre la junte Malienne devraient être pour le Président de la Transition Guinéenne une autre source d’inspiration pour se construire le destin que l’histoire retiendra comme l’un de ses plus glorieux récits, au dessus même de sa non moins bravoure déclaration de prise de pouvoir, le 05 septembre 2021.
Pour obliger les putschistes du Camp militaire de Kati, qui ont renversé, le 18 août 2020, le Président Ibrahima Boubacar Keïta (IBK), à accélérer le pas vers un retour à l’ordre constitutionnel, les Chefs d’État des pays ouest-africains réunis en sommet à Accra ont décidé de nouvelles sanctions économiques et financières très dures venant s’ajouter aux précédentes. La CEDEAO a ainsi décidé de geler les avoirs maliens au sein de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), de couper les aides financières, de fermer les frontières entre le Mali et les États membres de l’organisation, de retirer les ambassadeurs des pays membres du Mali, de geler des actifs et des avoirs de la République du Mali dans toutes les banques centrales des pays membres de la CEDEAO, de geler des avoirs du Gouvernement et des entreprises d’États maliens dans toutes les banques commerciales de l’espace géographique économique.
Dans les prochains jours ou semaines, il faut pas s’étonner que ces sanctions, au demeurant prévisibles, soient également adoptées par l’Union Africaine, l’ONU, l’Union Européenne etc si la situation n’évolue pas dans le sens d’un chronogramme dit raisonnable.
Et l’arbre ne doit pas cacher la forêt, ce durcissement de la CEDEAO contre le régime instauré à Bamako par l’ancien Chef des Forces Spéciales Maliennes, est aussi un signal clair lancé au Gouvernement du CNRD dirigé par son homologue de Conakry, avant la prochaine réunion de l’organisation sous-régionale sur le cas Guinéen.
Mais, il est évident que le Colonel Mamadi Doumbouya n’est pas le Colonel Assimi Goïta. Même si les deux pays forment les 2 poumons du même corps, la situation sociopolitique au Mali était différente de celle de la Guinée. Certes, le régime du Président Ibrahima Boubacar Keïta a été confronté à secoué plusieurs manifestations parfois très violentes, mais l’ancien locataire de Koulouba était pratiquement au début de son second et dernier mandat et n’avait entamé aucune action de modification constitutionnelle pour rempiler.
En Guinée, outre la récurrence de la crise socio-économique, la modification constitutionnelle de presque derrière minute en mars 2020, la présidentielle du 18 octobre 2020 et le 3ème mandat ont donné lieu à des contestations avec de lourds bilans humains et matériels.
Aussi, Colonel Malien, président du Comité national pour le salut du peuple du 19 août 2020 au 18 janvier 2021 et chef de l’État du 24 août au 25 septembre 2020, puis vice-président de la Transition à partir du 25 septembre 2020, après un premier coup d’état, etant demeuré l’homme fort du pays, s’est à nouveau emparé du pouvoir suprême, en mai 2021, à la suite d’un second putsch contre son propre régime par la destitution du Président de la Transition, Bah N’Daw et de son Premier ministre, Mouctar Wann que ses collaborateurs compagnons et lui-même avaient choisis après la chute du Président IBK. Ces faits ont rassuré les chefs d’État que l’ancien pensionnaire du Prytanée militaire de Kati était un interlocuteur turbulent et instable.
Ainsi, face aux conseils, avertissements et mises en garde de la communauté internationale par rapport au retour à l’ordre constitutionnel, il a souvent fait la sourde oreille en ne proposant pas une alternative acceptable au chronogramme initial violé et dont le terme était le 27 février 2022 avec l’organisation des élections générales.
Contrairement à son homologue Malien, le Président de la Transition Guinéenne n’a encore fait aucune promesse encore moins pris des engagements, donc impossible de lui reprocher une quelconque violation ou de défiance envers la communauté internationale pour l’instant.
Mais, il devrait agir afin qu’aucune fronde n’éclate à l’intérieur et que la communauté internationale ne se radicalise pas contre son rythme.
En effet, la CEDEAO s’acharne à dissuader les militaires de la sous-région sur le fait que les coups d’état florissants dans les années 60, 80, 90 ont été proscrits par l’Organisation de l’unité africaine (OUA), ancêtre de l’union africaine (UA) depuis son sommet de juillet 1999 à Alger.
Même si, cette même année, des militaires ont renversé les gouvernements dans 3 pays d’Afrique de l’Ouest : Niger, Sierra Leone, Côte-d’Ivoire, puis en Guinée, en 2008, au Niger en 2009 à nouveau, au Mali en 2013. Mais, à chaque fois, le retour à l’ordre constitutionnel a été exigé et obtenu.
L’ancien Commandant des Forces Spéciales Guinéennes, devenu Président de la Transition, ainsi prévenu, devrait dès à présent tirer les leçons et s’éviter le début de commencement d’un bras de fer avec la communauté internationale.
Sans doute que ses stratèges politiques et collaborateurs, probablement de bonne foi, étudient, analysent, évaluent la question et envisagent des solutions.
Cependant, le Colonel Mamadi Doumbouya, comme il aime si bien à le dire, qui est « allé à la mort » seul, demeure sa première propre conscience et son premier Conseiller pour lui-même.
Dans un pays où la deïfication du Chef est l’art le plus populaire chez les esprits malins, le Colonel Doumbouya devrait rester lucide et interrogé l’histoire non seulement de la Guinée mais aussi du monde. Intégrer le fait qu’il sera le principal acteur de la réussite, du succès de la Transition, mais l’unique responsable d’un éventuel échec non souhaitable.
L’un de ses prédécesseurs, le Capitaine Moussa Dadis Camara en l’occurrence, médite aujourd’hui non sans regrets les causes de son dérapage. En effet, le tombeur du dernier Gouvernement du Général Lansana Conté, qui a bénéficié d’une véritable adhésion nationale de Conakry à Yomou de la part des populations aspirant à un vrai et profond changement, s’est vite laissé séduire et convaincre par des thuriféraires à la langue très mielleuse
qui lui ont aidé à dévier de la belle trajectoire tracée par sa déclaration de prise du pouvoir du 22 décembre 2008.
Conséquence pour le généreux ancien patron des carburants de l’armée Guinéene : il n’a gardé ni le pouvoir, ni la paternité de la Transition réussie et doit prochainement faire face à la justice par rapport aux événements meurtriers du 28 septembre 2009 au stade du même nom.
Aujourd’hui, le Capitaine Moussa Dadis Camara paraît comme un objectif Conseiller pour le Colonel Mamadi Doumbouya. L’ancien chef de la junte de la promotion 2008 est bien placé pour expliquer à son cadet de 2021, comment des Guinéens notamment des cadres l’ont minutieusement et graduellement entraîné vers ces tragiques événements du stade du 28 septembre qualifiés de « viols et crimes contre l’humanité » aux lendemains douloureux sur le plan personnel avec l’accident handicapant au Camp Makanbo, la perte du pouvoir, le long exil forcé et l’avenir suspendu à un procès.
En lui faisant croire qu’il était descendu du Ciel avec un Destin que nul ne pouvait contrarier ou arrêter, en lui faisant faire une annonce le matin et son contraire le soir, prendre une décision aujourd’hui et une autre le lendemain. Kabinet Komara, ancien Premier ministre du Capitaine Moussa Dadis, cité parmi les Conseillers du locataire du Palais MOHAMMED VI peut également aider son nouveau Patron, le Colonel Mamadi Doumbouya en lui expliquant pourquoi et comment son ancien Boss a raté le coach et échoué.
Le jeune Conseiller Thierno Mamadou Bah pourrait également donner le degré de solitude qui tempère les journées de l’ancien bouillant Maître absolu des nuits chaudes et débordées du Camp Alpha Yaya Diallo.
Pour sa part, le Général Sekouba Konaté, rusé mais expérimenté davantage par les épreuves de son compagnon du coup d’état de décembre 2008, peut aussi contribuer à la réussite du Colonel Doumbouya en lui expliquant comment il a pu se méfier ou résister à ceux qui le tenaillaient d’allonger le temps de la Transition à défaut de confisquer le pouvoir et conduire à terme le processus de 2010 l’avènement du Président et candidat du RPG à la magistrature suprême.
Même le déchu Président Alpha Condé, dans son isolément, pourrait être utile si, bien entendu, ses 4 mois de solitude l’ont permis de comprendre que son sort non enviable et sa sortie humiliante auraient pu être évités n’eut été l’entêtement aux conseils, la défiance à toute épreuve et son amour pour le discours flateur.
Il est difficile pratiquement impossible aujourd’hui de sortir d’une épreuve de force généralisée.
Partout en Afrique et dans le monde, la grande majorité de ceux qui se sont essayés ont fait les mauvais frais.
Comme le 3ème Reich Allemand Adolphe Hitler, convaincu de sa puissance qui était réelle, a lamentablement perdu la 2ème guerre mondiale après s’être attaqué au monde entier à la fois.
Le Colonel Mamadi Doumbouya, est le seul conducteur du train qu’il a mis sur les rails le 05 septembre 2021.
À la croisée des chemins, le Colonel Mamadi Doumbouya a rendez-vous avec l’histoire dans le sens que lui seul fixera.
Le Général Robert Geuï s’est cassé les dents en voulant confisquer le pouvoir en Côte d’ivoire en 2000, mais le Capitaine d’aviation Jerry John Rawlings, en 1979 puis en 2001 au Ghana, et le Général Amadou Toumany, Touré, en 1992, ont su conduire la Transition et réussi à restaurer l’ordre constitutionnel dans l’intérêt de leurs pays, à la satisfaction des populations et les félicitations de la Communauté internationale.
Les collaborateurs, compagnons et autres, aussi longtemps que la Transition donnera l’occasion de profiter des Ors du pays, seront toujours là présents et prêts à l’encourager dans la direction qu’il voudra suivre. À partir de là, nul doute qu’il le sait, il demeure le Leader qui doit immédiatement tirer les leçons de la sanction contre le Mali comme une menace contre la Guinée mais aussi une chance que le Colonel Doumbouya devrait mettre à profit pour éviter à la Guinée et à lui-même les coûteuses erreurs et maladresses de son homologue Colonel ancien Commandant des Forces Spéciales pour le Mali et sa junte.
Dès à présent, sans forcément attendre un CNT si convoité par les uns et les autres rien que pour arrondir les angles donc disposés à toutes les compromissions, le Colonel Mamadi Doumbouya devrait prendre les devants en élaborant avec ses collaborateurs et toute autre ressource disponible un chronogramme à discuter et à négocier sur la base des tâches et objectifs concrets et justifiables auprès de chacun des autres 13 chefs d’état de la sous-région ( Mali et Guinée hors de course) avant la convocation d’un sommet de la CEDEAO sur la Transition Guinéenne.
Le salut pourrait être à ce prix.
Le nom du militaire qui est sorti victorieux de l’expédition meurtrière du 05 septembre peut ainsi vivre éternellement en se faisant inscrire glorieusement dans les Livres d’histoire de la Guinée et de l’Afrique si le Colonel Mamadi Doumbouya résiste et annihile les nombreux assauts et tentatives de déroute et de diversion des démagogues thuriféraires, conduire, en harmonie avec soi-même, la Transition vers les objectifs qui ont motivé le renversement du régime du Président Alpha Condé.
Les Forces Spéciales, la structure militaire la mieux organisée et la plus influente à l’heure actuelle, peuvent jouer le rôle essentiel de garant de l’état de droit revendiqué par les Guinéens de toutes sensibilités.
Abdoulaye Condé
Editorialiste
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