Dans l’exercice de sa profession, l’avocat est libre. Cette liberté lui donne aussi le droit de prendre ou de refuser un dossier. Mais comme toute liberté, cette liberté reconnue à l’avocat n’est pas absolue. En effet, elle peut être limitée par un certain nombre de règles. Ainsi, lorsque l’avocat se trouve face à un conflit d’intérêts ou un risque de conflits d’intérêts, il a l’obligation de « s’abstenir » de prendre un dossier. Le manquement à cette règle peut lui valoir des sanctions disciplinaires. Les notions de conflits d’intérêts et de risques de conflits d’intérêts sont définis de manière à ce qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur leur sens et pour éviter d’exposer à l’avocat à l’arbitraire en cas de poursuites exercées contre lui devant le conseil de discipline. En l’absence d’un conflit d’intérêts ou d’un risque de conflit d’intérêts, l’avocat est libre de prendre en charge un dossier.
Il y a aussi la question de la spécialisation de l’avocat. Il est évident qu’aucun avocat, aussi brillant soit-il, ne peut avoir une maîtrise de toutes les disciplines juridiques. D’où la nécessité d’une certaine spécialisation. Mais il faut admettre aussi que dans la plupart des pays africains, pas seulement la Guinée, la spécialisation n’est pas une réalité très courante. Cela s’explique en partie par le fait que les contentieux ne sont pas variés. En d’autres termes, ce sont les mêmes types de contentieux que l’on retrouve devant les juges. L’avocat qui se spécialise, par exemple, en droit du sport, peut n’avoir aucun dossier à traiter au cours d’une année judiciaire. Il est vrai qu’on ne peut pas dire qu’il existe une absence totale au niveau des avocats d’une spécialisation. Mais, pour la plupart des cas, cette spécialisation est plus imposée par la réalité du terrain que réellement voulue par l’avocat. En effet, un avocat qui reçoit fréquemment des dossiers relatifs à un type de contentieux donné finit par avoir des connaissances pointues et se spécialiser dans ce domaine, à condition bien sûr que ce soit lucratif. Être le meilleur spécialiste dans un domaine précis ne peut rien apporter à l’avocat s’il n’existe pas de contentieux dans ce domaine. Sauf si l’avocat fait du conseil puisque le contentieux n’est pas la seule activité de l’avocat.
Par ailleurs, il faut relever que dans les pays où les avocats se spécialisent, des critères sont définis en terme de spécialisation. On ne s’attribue pas au hasard le titre de spécialiste de telle discipline juridique. Et on est rarement spécialiste dans un seul domaine.Se spécialiser dans un seul domaine alors qu’il n’est pas rentable est un risque qu’aucun avocat avisé ne peut prendre. Les cabinets d’avocats sont aussi des entreprises. Ne l’oublions pas.
Mais quelles que soient les raisons que l’on peut invoquer pour expliquer l’absence presque totale de spécialisation chez les avocats, il faut être conscient du fait que celle-ci est nécessaire et permet de protéger non seulement le client mais aussi l’avocat lui-même. L’avocat spécialiste est censé fournir une meilleure prestation à son client et il se met à l’abri d’une faute professionnelle susceptible de l’exposer au paiement de dommages-intérêts. En effet, même si l’avocat n’est tenu que d’une obligation de moyens, le client attend de lui compétence et professionnalisme. Il faut d’ailleurs relativiser cette notion d’obligation de moyens de l’avocat.
Certains avocats choisissent d’ailleurs de créer des cabinets multidisciplinaires au sein desquels peuvent se retrouver un plus grand nombre de spécialités afin de répondre aux besoins de la clientèle.
Enfin, relativement à la liberté de l’avocat dans le choix des dossiers à prendre en charge, il peut décider en toute conscience de rejeter tel ou tel dossier en invoquant par exemple la clause de conscience. Il peut même refuser un dossier qui pourrait lui apporter de l’argent, pour des raisons d’éthique personnelle, en l’absence de toute contrainte textuelle.
Me Mohamed Traoré, ex-bâtonnier
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