DÉFINITION
Selon l’article 63 du Code de procédure pénale (CPP), le crime flagrant ou le délit flagrant est celui qui :
– se commet actuellement ou qui vient de se commettre. Le premier cas est celui du sujet pénal pris » la main dans le sac ou dans le pot de confiture » comme on le dit dans le langage courant.
– le crime flagrant ou le délit flagrant existe aussi lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique ou est trouvée en possession d’objets ou présente des traces ou indices laissant penser qu’elle a participé au crime ou délit. Il s’agit dans cette hypothèse de ce qu’un auteur appelle « crime ou délit réputé flagrant ».
En cas de crime ou délit flagrant, le problème de preuves ne se pose pratiquement pas. C’est pourquoi, la procédure tendant au jugement de l’agent pénal peut être plus rapide que s’il s’agit d’un crime ou d’un délit non flagrant. Dans cette dernière hypothèse, il y a une nécessité absolue de rechercher les preuves de l’infraction et de la responsabilité de la personne poursuivie.
2- PROCÉDURE EN CAS DE DÉLIT FLAGRANT
Aux termes de l’article 114 du CPP » En cas de flagrant délit, si le juge d’instruction n’est pas saisi et lorsque le fait est puni d’une peine d’emprisonnement, le procureur de la République interroge le suspect sur son identité et sur les faits et, s’il décide de le poursuivre, saisit le tribunal par la procédure de flagrant délit et peut décerner mandat de dépôt contre lui. »
Et l’article 461 d’ajouter, comme pour compléter l’article 114, que » L’individu, arrêté en flagrant délit et déféré devant le procureur de la République, conformément à l’article 114…, est, s’il a été placé sous mandat de dépôt, traduit sur-le-champ à l’audience. «
Si une audience ne se tient pas ce jour, l’agent pénal est déféré à l’audience du lendemain. Et le tribunal est spécialement réuni.
Donc en cas de flagrant de délit, la personne doit être jugée le jour J, ou au plus tard, le jour J+1.
Passé ce délai, le procureur de la République doit immédiatement saisir un juge d’instruction.
À noter que cette procédure ne s’applique pas en matière criminelle, même si le crime est flagrant. En cette matière, l’instruction préparatoire est obligatoire c’est-à-dire qu’une information judiciaire doit être ouverte à travers la saisine d’un juge d’instruction.
Par ailleurs, et c’est très important de relever, le procureur de la République peut opter pour la procédure de flagrant délit même s’il s’agit d’un délit qui ne répond pas à la définition du délit flagrant. C’est le cas de » toute infraction correctionnelle passible d’une peine d’emprisonnement qui, à la suite d’une enquête officieuse, ne paraît pas devoir faire l’objet d’une instruction préalable, en raison soit des aveux de l’inculpé, soit de l’existence de charges suffisantes.
En d’autres termes, lorsqu’il s’agit d’un délit passible d’une peine d’emprisonnement, le procureur de la République a le pouvoir d’user de la procédure prévue pour le jugement des délits flagrants même s’il ne s’agit d’un délit flagrant au sens de la loi. Cela est possible dans deux cas :
– soit l’inculpé a avoué les faits ;
– soit Il y existe des charges suffisantes contre lui.
C’est peut-être l’option qu’a choisie le procureur spécial de la CRIEF dans le dossier de l’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana et trois anciens ministres. Il a dû estimer qu’il existe des charges suffisantes contre eux et qu’il pouvait donc se passer de la saisine d’un juge d’instruction. C’est la seule explication plausible que l’on peut trouver- du moins au plan strictement juridique- au choix de la procédure de flagrant délit dans cette affaire, alors que l’on s’attendait plutôt à l’ouverture d’une information judiciaire.
Qu’est-ce qui explique alors le « rétropédalage » qui a consisté à renoncer à la procédure de flagrant délit et à réorienter le dossier en information judiciaire? Il faut reconnaître que ce n’est pas très courant. Très généralement, lorsque l’affaire a été portée devant la juridiction de jugement et qu’il apparaît que les éléments d’appréciation ne sont pas suffisants, un supplément d’information peut être demandé. C’est sans doute le fait de changer l’orientation du dossier alors qu’un procès était déjà programmé qui explique la colère des avocats de la défense.
À rappeler encore une fois qu’en matière de crime, et quand bien même ces deux éléments ou l’un d’eux existe, la procédure de flagrant délit ne peut s’appliquer. C’est toujours l’instruction préparatoire.
En résumé, il faut faire la distinction entre le crime ou le délit flagrant et la procédure de flagrant délit.
Me Mohamed Traoré
Ancien Bâtonnier
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