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Tribune] Trente-six mois de transition : est-ce un délai raisonnable ?

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Avant le coup d’État militaire du 5 septembre 2021, les guinéens dans leur écrasante majorité avaient presque les mêmes cris de cœur, les mêmes revendications et les mêmes ras-le-bol. Dans chaque coin et recoins du pays, les citoyens manifestaient leurs désarrois, leurs malaises, leurs remords et leurs déceptions vis-à-vis de l’appareil étatique, des organismes de la société civile et des partis politiques d’où justement leur forte adhésion aux idéaux du CNRD.

A l’évidence, l’état piteux dans lequel notre pays se retrouve aujourd’hui n’est pas imputable à la seule responsabilité de l’ancien régime dirigé par M. Alpha Condé, loin s’en faut. Il est inéluctablement dû à l’incapacité de l’élite guinéenne de pouvoir proposer une alternative crédible permettant à notre pays d’amorcer son processus de transition démocratique, son décollage économique et sa stabilité sociale, politique et institutionnelle.

En effet, le malheur de la Guinée, c’est d’avoir une classe politique affairiste, des organismes de la société civile clientélistes, une jeunesse désœuvrée et manipulable à souhait, et une population en grande majorité amnésique et versatile. Ce constat qui, à la fois désastreux et révoltant ne peut nous laisser de marbre en regardant honteusement notre pays retomber dans les mêmes erreurs du passé. Nous aurons une responsabilité morale devant l’histoire en ne daignant aucun mot étant donné que le pays a besoin du soutien de ses vaillants et valeureux fils et filles.

Reconnaissons-le, les défis de cette transition sont nombreux et ses enjeux sont considérables. De ce point de vue, plus rien ne doit nous désorienter, plus rien ne doit faire échouer et aucun sacrifice ne sera de trop pour que cette transition réussisse. Si elle échoue, c’est toute la Guinée qui aura échoué. Mieux, elle doit être la dernière dans l’histoire politique de notre pays. Faisons donc le serment de ne pas manquer cet autre rendez-vous de notre histoire. Écrivons-la (l’histoire) avec l’ancre de nos sueurs, s’il le faut nos sangs.

Nous avons l’obligation de protéger cette transition contre les businessmen des crises ; nous devons la défendre contre les fauteurs de trouble et contre la mélodie alarmiste et pleurnicharde des vautours et des troubadours qui ne cessent de parler au nom du peuple sans même en avoir la moindre légitimité.

Répétons-le, durant tout le long de cette transition, rien ne doit se faire dans l’impréparation, dans la précipitation et dans l’improvisation. Car nul besoin de rappeler que les problèmes de la Guinée sont loin d’être électoraux. Ils sont à bien des égards systémiques.

Les guinéens demandent un climat social apaisé, un accès rapide aux soins de santé, une autosuffisance alimentaire ; ils demandent les infrastructures modernes de transports et d’industries, des routes, des hôpitaux, l’énergie, la sécurité, la justice sociale.

Par ailleurs, ils demandent la construction des centres de formation modernes, des universités qui répondent aux standards internationaux ; ils demandent l’emploi des jeunes, l’autonomisation des femmes et la prise en charge des couches vulnérables etc. Certes, me dira-t-on que ce n’est pas à un pouvoir issu d’un coup d’État militaire de faire tous ces travaux gigantesques. Je suis bien d’accord avec ceux et celles qui soutiennent cette hypothèse.

Mais les questions que l’on devait se poser sont les suivantes : allons-nous laisser notre pays dans les mains de ceux qui se sont illicitement enrichis sur le dos du peuple sans qu’ils ne subissent les rigueurs de la loi ? Allons-nous laisser notre pays dans les mains de ceux qui se sont servis du peuple au lieu de le servir ? Allons-nous refaire les mêmes erreurs du passé en voulant organiser des élections tout suite et maintenant dont les résultats seront contestés pendant et après le scrutin ?

En attendant de trouver la réponse à ces questions suscitées, l’urgence pour la junte de nos jours est de doter la Guinée d’une Constitution qui répond aux critères d’originalité et de singularité, d’un fichier électoral consensuel et d’un organe de gestion des élections moins budgétivore et conflictogène, des institutions capables de résister aux intempéries du temps, de repenser notre modèle de société, de panser les plaies les plus profondes de notre passé politique récent, de créer les conditions d’une Guinée débarrassées de tous les vieux démons de l’ethno-stratégie et du régionalisme.

Aly Souleymane Camara (Analyste politique, Enseignant-Chercheur à L’Université Général Lansana Conté de Sonfonia-Conakry).

Email : alysouleymanecamara66@gmail.com

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