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Allah n’est pas obligé » : Une enfance volée, une voix qui résonne

Dans son roman « Allah n’est pas obligé », Ahmadou Kourouma nous plonge au cœur d’une Afrique déchirée par la guerre, à travers le regard innocent et lucide de Birahima, un jeune garçon malinké enrôlé de force dans une milice. Ce récit poignant, qui mêle l’horreur de la guerre à la beauté de la langue française, interroge le coût de la violence sur les plus vulnérables : les enfants.

Le choix de raconter l’histoire à travers les yeux d’un enfant est une décision audacieuse de Kourouma. Birahima, avec sa candeur et sa soif de comprendre le monde, nous offre un accès direct à l’absurdité de la guerre. Ses descriptions simples et directes, souvent teintées d’un humour noir déconcertant, soulignent l’impuissance des enfants face à la violence. Le lecteur est ainsi confronté à une réalité cruelle, filtrée par le prisme d’une innocence perdue.

Kourouma s’approprie le conte traditionnel pour mieux dénoncer les atrocités de la guerre. En mêlant les codes du récit oral à une langue française enrichie de mots et d’expressions malinké, il crée un univers singulier où le réel et le fantastique se côtoient. Les contes qui rythment le récit servent de miroir à la violence du monde réel, permettant à Birahima, et au lecteur, de trouver refuge dans l’imaginaire tout en soulignant l’importance de la transmission orale et de la mémoire collective.

« Allah n’est pas obligé » est bien plus qu’un simple récit de guerre. C’est une réflexion profonde sur l’identité, la perte de l’enfance et la résilience de l’esprit humain. Malgré les épreuves qu’il traverse, Birahima conserve une part d’humanité qui le pousse à remettre en question les ordres reçus et à chercher un sens à ce chaos. Cette œuvre majeure de la littérature africaine nous confronte à la face sombre de l’humanité tout en célébrant la force de l’esprit.

En donnant la parole à un enfant-soldat, Kourouma nous rappelle que la guerre a des conséquences durables sur les individus et les sociétés. Ce roman, à la fois bouleversant et nécessaire, nous invite à réfléchir sur notre propre responsabilité face aux conflits qui secouent le monde.

« Allah n’est pas obligé » est également une immersion profonde dans la culture malinké, marquée par l’oralité et les croyances ancestrales. Kourouma tisse habilement un récit où le réel et le mythique se confondent. Les contes, proverbes et formules magiques intégrés au langage de Birahima donnent une dimension universelle à son expérience, tout en ancrant fermement le récit dans un contexte socioculturel précis.

La guerre, loin de détruire cette culture, la met au défi. Les croyances ancestrales, les rites et les cérémonies sont détournés, voire parodiés, par les belligérants. Cette profanation des valeurs traditionnelles est une autre facette de la violence subie par les personnages. Kourouma utilise ainsi la culture malinké comme un miroir pour refléter les contradictions et les absurdités de la guerre.

L’humour noir, omniprésent dans le roman, est un outil puissant pour dénoncer l’absurdité de la situation. Les personnages, confrontés à l’horreur, réagissent parfois avec une désinvolture déconcertante. Cette forme d’humour, tout en étant grinçante, permet au lecteur de garder une certaine distance par rapport à l’horreur, tout en étant profondément touché. C’est une manière de survivre psychologiquement à l’indicible.

En conclusion, « Allah n’est pas obligé » est une œuvre complexe et riche qui interroge notre rapport à la violence, à la culture et à l’humanité. Kourouma, en donnant la parole à un enfant-soldat, nous invite à une réflexion profonde sur les conséquences des conflits armés sur les individus et les sociétés. Son roman, empreint d’une grande humanité, est un témoignage poignant de la résilience de l’esprit humain face à l’adversité.

 

Fatoumata Camara/Lejour.Info