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Ghana : une démocratie de première classe (Par Tierno Monénembo)

Le Ghana est un pays mûr qui conjugue avec sérieux démocratie et développement loin de l’infantilisme politique dans lequel végètent encore certains de nos pays, (tous francophones, curieusement !) et où à l’exception du Bénin et du Sénégal, la vie politique s’écoule au rythme des coups d’Etat, des dynasties présidentielles et de la cacophonie du troisième mandat.

Normal, c’est le premier pays décolonisé d’Afrique et c’est la patrie de Kwame Nkrumah et de Jerry Rawlings, les deux figures les plus emblématiques de l’Afrique contemporaine après Mandela et Lumumba.

La dernière élection présidentielle tenue dans ce pays le 8 décembre dernier, n’a pas fait la Une des journaux et pour cause, on ne parle pas des trains qui arrivent à l’heure. Tout s’y est déroulé à bas bruit, la campagne électorale comme le scrutin, le dépouillement comme la proclamation des résultats. Aucun éclat de voix, aucune manifestation de rue, aucun recours devant les juridictions en vigueur ! De quoi faire maigrir de jalousie le Guinéen que je suis !

Regardez donc ! Mahamadu Bawumia, le vice-président sortant est battu par un ancien président, John Mahama, éliminé lui-même en 2017 après un premier mandat. Le vaincu a adressé un message de félicitations à son challenger avant même la proclamation officielle des résultats : « Le peuple ghanéen s’est exprimé, il a voté pour le changement et nous le respectons en toute humilité. Je fais ce discours de concession avant l’annonce officielle de la Commission électorale pour éviter de nouvelles tensions et préserver la paix de notre pays….Il est important que la communauté mondiale des investisseurs continue de croire au caractère pacifique et démocratique du Ghana.».

Qu’un homme politique place les intérêts nationaux au-dessus de sa misérable carrière personnelle, c’est suffisamment rare en Afrique pour qu’on le souligne au fluo !

La défaite du candidat du NPP (Nouveau Parti Patriotique), le parti au pouvoir, s’explique aisément : inflation galopante, augmentation du coût de la vie, scandales politico- financiers à rebondissements, accroissement de la dette etc. Le pays a même dû céder sa place de deuxième puissance économique de la Cedeao à la Côte d’Ivoire qui arrive dorénavant juste derrière le géant nigérian. Le genre de bévue que les Ghanéens ne pardonnent pas !

Malgré ce coup de pompe économique, ce pays dynamique, aux institutions solides, bénéficie toujours d’une solide réputation et pas seulement auprès des investisseurs. La stabilité politique attire parfois bien plus que les gisements de cobalt ou de diamant. C’est le gage le plus sûr de la prospérité : elle favorise le climat social et encore mieux, le climat des affaires.

Il n’est pas exagéré de dire que depuis 1992, il flotte à Accra comme un air de Scandinavie : les élections s’y déroulent avec la même régularité que les saisons. Nous dansons même si ce n’est pas encore tout à fait la fête. En Afrique Centrale, c’est toujours l’immobilisme. Au Cameroun, Biya est encore là, de même que Sassou au Congo. Au Tchad, il y a bien eu des élections mais sous les bottes de celui qu’il faut bien appeler le « maréchal-fils ». Quant au Gabon, on attend de voir bien que Bongo soit tombé…En Afrique de l’Ouest, les expériences démocratiques ont toutes, viré au cauchemar.

Mais bon, l’Afrique a connu pire que ça. Et quoique l’on dise, elle est mieux armée aujourd’hui pour affronter la montée des périls. En un an, l’opposition a gagné les élections présidentielles dans pas moins de cinq pays. Ce n’est pas rien quand on regarde le champ de ruines que nous ont laissé nos guides éclairés et nos responsables suprêmes. Les amateurs du 3ème mandat et les professionnels de la transition n’y peuvent rien, l’Afrique suit son bonhomme de chemin, elle sort doucement des méandres du pouvoir absolu et c’est le Ghana qui tire les autres.

Tierno Monénembo.