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La double casquette de l’avocat : peut-on défendre l’État et son opposant dans deux dossiers distincts ?

La profession d’avocat repose sur des principes fondamentaux tels que l’indépendance, la loyauté et la confidentialité. Cependant, il arrive que des situations complexes surgissent, comme celle d’un avocat représentant l’État dans une affaire, puis un opposant dans une autre. Cette dualité soulève des questions éthiques et juridiques importantes.

 

▪︎Une problématique de double représentation.

Un avocat peut légalement représenter différents clients, même opposés idéologiquement, à condition de respecter certaines règles :

▪︎Absence de conflit d’intérêts : L’avocat ne doit pas se retrouver dans une position où les intérêts de ses clients entrent en contradiction directe. Par exemple, défendre l’État dans une affaire de corruption, puis représenter un opposant accusé dans le même dossier, constituerait un conflit manifeste.

▪︎Confidentialité absolue : Les informations obtenues d’un client ne doivent jamais être utilisées au bénéfice d’un autre. Si un avocat a eu accès aux informations sensibles en défendant l’État, il ne peut les exploiter pour défendre un opposant dans une autre affaire.

▪︎Loyauté envers le client : Chaque client a droit à une défense vigoureuse et sans ambiguïté. Une double représentation peut donner l’impression que l’avocat manque de loyauté envers l’un de ses clients.

▪︎Les enjeux éthiques et l’image de l’avocat.

Au-delà des règles légales, cette situation peut nuire à la perception publique de l’intégrité de l’avocat. Dans le contexte de l’État, où les affaires sont souvent hautement médiatisées, la double représentation peut être perçue comme un acte d’opportunisme ou de compromission.

Par exemple, défendre l’État dans un dossier de litige foncier, puis quelques jours plus tard, représenter un opposant contestant une décision de l’État peut semer le doute sur la neutralité de l’avocat. Ce dernier pourrait être accusé d’avoir des intérêts partisans ou de trahir la confiance placée en lui.

▪︎Est-ce également possible ?.

Oui, cette situation est possible, mais strictement encadrée par les règles de déontologie. Selon les codes de déontologie des avocats, notamment ceux en vigueur dans les pays francophones :

-Si les dossiers sont totalement distincts et n’impliquent pas les mêmes faits, cela pourrait être toléré.

-L’avocat doit toutefois l’accord explicite des deux parties s’il existe un risque d’obtention de conflit d’intérêts perçu.

Les limites à respecter.

▪︎Transparence :

L’avocat doit informer ses clients de toute situation susceptible d’affecter leur confiance.

▪︎Recul stratégique : Dans les cas où le risque de conflit est trop élevé, il est souvent préférable pour l’avocat de se retirer de l’un des dossiers.

▪︎Veille éthique : Les ordres d’avocats veillent activement au respect des règles déontologiques et peuvent sanctionner toute violation.

▪︎Entre éthique et professionnalisme.

Être l’avocat de l’État dans un dossier, puis représenter un opposant dans un autre, est possible, mais reste délicat. La clé réside dans la séparation stricte des dossiers, le respect des règles de déontologie et la transparence.

Cependant, sur le plan moral et stratégique, une telle pratique peut fragiliser la confiance des clients et ternir l’image de l’avocat.

Dans un contexte où les enjeux politiques et juridiques sont souvent imbriqués, l’avocat doit faire preuve d’une vigilance extrême pour préserver son intégrité et celle de sa profession.

 

Par Aboubacar SAKHO 

Juriste-journaliste