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Guinée : La montée des identités traditionnelles et patronymiques, un défi pour la République ?

En République de Guinée, un phénomène aux implications profondes prend de l’ampleur : la résurgence des identités traditionnelles et des regroupements patronymiques. Chaque jour, dans les quatre régions naturelles du pays, l’émergence de chefs traditionnels et la multiplication des regroupements par patronyme deviennent des réalités visibles, souvent organisés sous le regard passif des autorités administratives. Cette dynamique suscite des interrogations majeures sur son impact sur la République et les principes d’unité nationale.

▪︎Un retour marqué des chefs traditionnels : Que ce soit en Basse-Guinée, en Moyenne-Guinée, en Haute-Guinée ou en Guinée forestière, l’émergence de chefs traditionnels réclamant une autorité morale et parfois politique est de plus en plus affirmée. Investis lors de cérémonies grandioses, ces chefs sont souvent perçus comme des garants des traditions et des valeurs culturelles. Toutefois, leur rôle interroge dans un État moderne où l’administration républicaine est censée être le seul garant de la légalité et de la cohésion nationale.

▪︎La montée des regroupements patronymiques : En parallèle, les regroupements basés sur les patronymes, tels que les associations de Condé, Diallo, Cissé, Soumah, Sylla, Soumaoro, Sakho, Barry, Bangoura ou Camara…, gagnent du terrain. Ces structures, souvent motivées par un objectif de solidarité et d’entraide, organisent des événements publics, des campagnes sociales et même des mobilisations politiques. Cependant, cette montée des identités patronymiques pourrait devenir un vecteur de division si elle n’est pas accompagnée d’un discours inclusif et respectueux de l’unité nationale.

▪︎Au vu et au su des autorités administratives : Ces pratiques, bien que tolérées, mettent en lumière un certain relâchement de l’autorité administrative. Les cérémonies d’intronisation des chefs traditionnels et les grandes manifestations patronymiques se déroulent souvent en présence de représentants de l’État, donnant ainsi une légitimité tacite à ces structures parallèles. Cette situation pose une question essentielle : quelle place accorde-t-elle à ces identités traditionnelles et patronymiques dans une République moderne ?

▪︎Un danger pour l’unité nationale ?

Si la reconnaissance des cultures locales est un signe de respect pour la diversité, il convient de rappeler que la République de Guinée repose sur des principes d’égalité et de cohésion nationale. L’émergence de ces nouvelles dynamiques pourrait renforcer des clivages ethniques, régionaux ou sociaux si elles ne sont pas régulées. Le danger réside dans le risque de fragmentation de l’identité nationale, où chaque groupe pourrait privilégier ses intérêts au détriment de l’intérêt collectif.

▪︎Que faire ?

Il est urgent que l’État guinéen réaffirme son rôle de régulateur et veille à ce que ces pratiques ne contredisent pas les principes républicains. Des campagnes de sensibilisation, un cadre juridique adapté et une politique inclusive doivent être mis en place pour canaliser ces dynamiques dans une direction positive, favorisant à la fois l’expression des identités culturelles et l’unité nationale.

En ce 21ᵉ siècle, il est crucial que la République de Guinée trouve un équilibre entre tradition et modernité, afin de préserver l’harmonie sociale et de consolider les bases d’un État de droit où chaque citoyen se sent appartenir à une même Nation.

 

Par Aboubacar SAKHO

Juriste-journaliste