Dans l’histoire politique et administrative récente de notre pays, certains noms résonnent comme des symboles de dérives et de malversations. Mandian Sidibé, récemment envoyé à la maison centrale pour un détournement présumé de 78 milliards de francs guinéens, est le dernier exemple en date.
Avant lui, Paul-Moussa Diawara, son prédécesseur à l’Office Guinéen de Publicité (OGP), avait été pris, jugé et condamné pour avoir détourné 39 milliards. Ces scandales, qui devraient provoquer l’indignation, semblent presque banals dans un système où la complaisance règne en maître. Mais soyons clairs : à qui la faute ?
Un système complice par négligence
Tout Kaloum savait. Tout le monde à Kaloum, même les mendiants et les aveugles de la mosquée sénégalaise, connaissait les pratiques douteuses de Mandian Sidibé à l’OGP et celles de quelques-uns de ses supérieurs hiérarchiques. Pourtant, rien n’a été fait pour stopper ces dérives. Les autorités de veille, surtout le Conseil d’administration, ont choisi de fermer les yeux. On pourrait blâmer l’individu pour ses actes, mais il est impossible d’ignorer que ce genre de dérives prospère dans un système laxiste, où l’impunité et l’irresponsabilité institutionnelle sont devenues la norme.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle situation se produit, et cela ne sera pas la dernière si rien ne change. L’erreur fondamentale réside dans les nominations irresponsables à des postes de responsabilité.
Des nominations sans moralité : une erreur structurelle
Comment un individu comme Mandian Sidibé ou Tierno Mamadou Bah (connus pour leurs pratiques douteuses dans le milieu médiatique) ont-ils pu être nommés à des postes aussi stratégiques de DG et de président du CA? Cette question soulève une problématique plus large : les « critères de sélection des cadres ».
Le problème ne réside pas seulement dans les individus nommés, mais dans l’absence totale d’une enquête de moralité avant toute prise de fonction. Il fut un temps où les services de renseignements généraux jouaient un rôle clé dans l’évaluation des profils destinés à occuper des postes sensibles. Aujourd’hui, ces bonnes vieilles méthodes semblent reléguées aux oubliettes.
L’État, premier responsable
La responsabilité première incombe à la tête de l’État et à ses institutions. Le président de la République, le Général Mamadi Doumbouya, ainsi que les membres du CNRD et du gouvernement, doivent rendre des comptes sur ces choix désastreux. En plaçant des « personnages loufoques » à des postes stratégiques sans évaluation préalable de leurs compétences et de leur intégrité, ils contribuent directement au maintien d’un système gangrené par la corruption.
Comment peut-on espérer un changement si l’État lui-même se montre complice, par négligence ou par complaisance ? Ces détournements massifs ne sont pas uniquement l’œuvre des individus : ils sont le produit d’un système défaillant, où le favoritisme et les nominations de convenance priment sur le mérite et l’éthique.
Un appel à la réforme
Il est urgent de repenser le processus de nomination aux postes de responsabilité. Voici quelques pistes :
1. Enquêtes de moralité systématiques : Les pouvoirs publics doivent reprendre leur rôle d’évaluation des cadres, en examinant leur passé, leurs compétences et leur intégrité.
2. Des critères clairs et transparents : Les nominations doivent être basées sur le mérite et non sur des affinités politiques ou personnelles.
3. Zéro tolérance pour la corruption : Toute personne impliquée dans des détournements doit être poursuivie, jugée et condamnée sans délai, fut-il conseiller personnel ou antipersonnel.
Un avenir possible, mais incertain
L’histoire de l’OGP est un microcosme des maux qui gangrènent notre administration. Tant que les responsables continueront à choisir la facilité au lieu de l’exigence, à nommer (et à protéger) des individus douteux à des fonctions stratégiques, notre pays restera prisonnier de cette spirale de corruption et de déclin moral.
La question est simple : allons-nous continuer à tolérer l’intolérable, ou allons-nous exiger des réformes structurelles pour bâtir une Guinée meilleure ? Le choix appartient à nos dirigeants, mais aussi à nous, citoyens, qui devons refuser de rester spectateurs de cette débâcle. Trop c’est trop.
Mamadi Kaba, membre de l’Association
Jeunes pour la convergence
et la réussite de la Transition «JCRT»