Sous le ciel étouffant de Kaloum, en ce 24 janvier 2025, une scène se déploie, théâtrale et solennelle, mais non sans une teinte de grotesque. Cinquante-sept agents de la marine marchande, alignés comme pour une peinture officielle, lèvent la main lors d’un serment qui résonne comme un écho désespéré dans les ruines d’un idéal trahi. Sous les traits feutrés de la cérémonie, un doute s’insinue : ce geste, en apparence noble, n’est-il qu’un ornement de plus, une façade destinée à masquer la véritable vacuité de l’engagement ? Le décor est planté, solennel mais figé, et derrière les uniformes impeccables, la réalité brute de la gouvernance guinéenne refait surface, implacable.
Ce qui se joue ici dépasse le simple rituel. Le serment, ce symbole de loyauté et de foi, devrait incarner une promesse sincère, un contrat moral entre les gouvernants et le peuple.Or, en Guinée, cette promesse est devenue une coquille vide, un simulacre dont la résonance s’évanouit avant même de traverser les murs épais de la bureaucratie.
Le Serment du Guinéen : Un Pacte Fragile dans le Vent?
Pour nous les Guinéens, ce qui devrait être un engagement sacré se mue en une mise en scène, un théâtre où les mots, privés de substance, dansent sur des lèvres entraînées à la déclamation, mais non à l’action. Ces cérémonies, empreintes d’une solennité étudiée, s’inscrivent dans une routine qui finit par éroder le peu de foi restant dans l’intégrité de nos institutions.
Le serment, censé incarner la vérité et la loyauté, se réduit à un artifice, un spectacle conçu pour apaiser les apparences. Pourtant, derrière le rideau, l’inaction persiste, les promesses s’effondrent, et les mots sacrés, vides de leur sens, s’éteignent comme des bougies sous toit
.Les Promesses : Feuilles Mortes dans le vent
Ah la Guinée ! Terre fière, riche de son histoire et de ses promesses, mais aujourd’hui engluée dans les méandres d’une politique qui semble n’avoir retenu du devoir que le mot. Ici, les discours officiels s’élèvent comme des chants d’oiseaux en cage, proclamant la refondation de l’État, la renaissance de la responsabilité, la réinvention d’un sens moral.
Mais quiconque a observé le ballet incessant des promesses non tenues sait que ces paroles ne sont que des feuilles mortes, emportées par le vent des ambitions égoïstes. Elles s’élèvent un instant, portées par des discours enflammés, avant de disparaître….
Ces engagements, proclamés avec ferveur devant une autoritécompétente, n’ont, en réalité ni racines pour s’ancrer dans la vérité ni substance pour nourrir l’espoir. Ils flottent, éphémères et vides, comme autant d’illusions qui finissent par étouffer.
Les serments prêtés par les figures politiques de ce pays – de Lansana Conté à Alpha Condé, jusqu’à Mamadi Doumbouya – ne sont plus que des spectres. Ces hommes, au moment d’endosser leurs responsabilités, ont foulé aux pieds les engagements solennels qui devaient sceller leur loyauté envers le peuple. Aujourd’hui, ce rituel, répété à l’envi par les nouveaux cadres adoubés par le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) oscille entre une solennité feinte et une comédie involontaire. Derrière le sérieux des uniformes et la gravité des serments prononcés, se dessine un tableau de contradictions, où les promesses affichées peinent à masquer l’absence d’engagement véritable pour rétablir les fondements d’un État digne au sens noble du terme.
Ces gestes, censés incarner une renaissance morale et politique, ne sont trop souvent que des manœuvres symboliques, des actes figés dans le cadre étroit de la mise en scène officielle. Ils ne convainquent plus une population habituée à voir les paroles solennelles se diluer dans les méandres des scandales financiers.
Un Cycle d’Illusions et de Déceptions
Un cycle sans fin d’illusions et de désillusions semble hanter la démocratie scène et la bonne gouvernance guinéennes. Les serments, solennels en apparence, se brisent rapidement sous le poids des scandales et de l’inaction. Chaque promesse, répétée avec emphase, n’est qu’un écho d’espoir vite remplacé par le désespoir et la déception.
Les citoyens, désabusés, observent cette mascarade avec un cynisme teinté de tristesse. Car à quoi bon prêter serment si, au bout du compte, ce dernier n’est qu’un artifice destiné à camoufler l’inertie et le mépris des élites pour leurs obligations ?
Le Serment : Pacte ou Cri dans le Vide ?
Un serment, pour avoir du sens, doit être soutenu par des actes. Mais en Guinée, les lois, censées incarner la solidité d’un État de droit, restent lettre morte. Les institutions elles-mêmes se fissurent sous le poids de l’inaction et des compromissions. Et tant que les dirigeants ne seront pas tenus de rendre des comptes, ces rituels solennels resteront des cérémonies vides, des pantomimes destinées à tromper un peuple en quête de justice.
Un Appel à la Renaissance de l’Engagement
Pour que la Guinée échappe à ce cercle vicieux, il est impératif de redonner aux serments leur véritable signification. Ils doivent cesser d’être de simples formules creuses pour devenir des pactes sincères entre les gouvernants et le peuple. Respecter les textes juridiques, appliquer les principes de transparence et d’intégrité, et exiger des comptes :Voilà les fondations nécessaires pour bâtir un avenir où le serment ne soit plus une simple formalité, mais un engagement profond et sincère. Le respect des lois, l’intégrité des actions et la transparence des actes doivent remplacer la rhétorique vide. Il est temps que le serment redevienne ce qu’il a toujours dû être : un pacte entre gouvernants et citoyens, porteur d’espoir.
En vérité, la Guinée mérite mieux. Elle mérite des engagements portés par une volonté authentique, un espoir tangible et une justice réelle. Que le serment, enfin, cesse d’être un simple rituel vide de sa substance, et qu’il devienne le fondement solide d’un véritable pacte de confiance entre le peuple et ses dirigeants. Ce n’est qu’à ce moment-là que les paroles prononcées prennent le poids d’une promesse irrévocable, capable de redonner sens et direction à une nation en voie de construction.
Oumar Kateb Yacine Analyste-Consultant Géopolitique
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