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Guinée : 29 ans après la mutinerie de février 1996, un souvenir encore vivace

Ce 3 février 2025, la Guinée se souvient. C’est le 29e anniversaire des événements tragiques des 2 et 3 février 1996, lorsque le pays a été secoué par une mutinerie de l’armée qui a failli renverser le président Lansana Conté. Cette révolte, initialement motivée par des revendications salariales, a rapidement dégénéré en une tentative de coup d’État, révélant les fractures au sein de l’armée et les tensions politiques sous-jacentes. Alors que le pays se remémore ces jours tumultueux, il est temps de réfléchir aux leçons tirées de cette période et aux défis persistants qui continuent d’affecter la Guinée.

Les 2 et 3 février 2025 marquent le 29e anniversaire des événements tumultueux de 1996, lorsque la Guinée a frôlé le chaos à la suite d’une mutinerie militaire qui s’est rapidement transformée en tentative de coup d’État. À l’époque, le président Lansana Conté, au pouvoir depuis 1984, a dû faire face à une révolte inattendue de ses propres troupes, qui réclamaient des augmentations de salaire et le limogeage de leur ministre de la Défense, le général Abdourahamane Diallo, colonel à l’époque.

Une révolte inattendue

Les premières manifestations, qui ont éclaté dans la matinée du vendredi 2 février, ont pris une tournure violente alors que des centaines de soldats se sont répandus dans les rues de Conakry, tirant en l’air et bloquant la circulation. Les tensions ont rapidement escaladé, culminant avec des attaques répétées contre le palais présidentiel, touché par des obus. Les violences ont fait au moins vingt morts, essentiellement des innocents civils. La situation est devenue si critique que le président Conté a dû se réfugier dans un bunker sous le palais, protégé par sa garde personnelle, les « bérets rouges ».

La panique s’installe dans la cité

Dans un climat de panique, la radio nationale est restée silencieuse, et l’aéroport de Conakry a été fermé, tandis que les ambassades occidentales conseillaient à leurs ressortissants de rester chez eux. Les mutins, qui avaient pris le contrôle du camp Samory et de la radio nationale, ont proclamé la création d’un « comité de salut national ».

Une tentative de coup d’État avortée

Les mutins, qui avaient initialement exprimé des revendications légitimes, se sont retrouvés en position de force, mais leur tentative de coup d’État a échoué en raison de divergences internes et d’un manque de coordination. Parmi les principaux officiers meneurs de cette mutinerie figuraient le commandant Kader Doumbouya, le commandant Gbago Zoumanigui, le commandant Yaya Sow, le lieutenant Mory Laye Kébé et le sous-lieutenant Mohamed Lamine Diarra. Après la destruction par des obus du Palais des Nations, où se trouvait le président Conté, ce dernier s’est rendu courageusement, sous la pression des mutins, au Camp Alpha Yaya Diallo en haute banlieue pour accéder aux revendications des mutins. Cette décision a permis de mettre fin à la mutinerie, mais non sans conséquences. En effet, les jours de troubles ont également été marqués par de nombreux pillages et destructions de biens privés, notamment des magasins et des boutiques, laissant des traces indélébiles sur le tissu économique de la capitale.

Promesses suivies des arrestations

Le 4 février, alors que les violences s’apaisaient, le président Conté a confirmé le limogeage du colonel Diallo et a promis d’augmenter les soldes des militaires. Cependant, cette promesse est intervenue trop tard pour apaiser les tensions. Les événements de ces deux jours ont laissé une empreinte indélébile sur la mémoire collective guinéenne. Des mutins, dont certains auraient déjà tenté de renverser le régime en 1994, ont été arrêtés peu après les événements. Tandis que d’autres officiers supérieurs tels que Bago Zoumanigui, Souleymane F. Camara ou Amara Oularé ont pris le chemin de l’exil. Les rapports sur la torture et les violences infligées aux détenus militaires ont également soulevé des préoccupations parmi les organisations de défense des droits de l’homme.

Un héritage complexe

Lansana Conté, bien qu’affaibli, a réussi à maintenir son pouvoir jusqu’à sa mort en 2008. Cependant, les événements de février 1996 ont mis en lumière les profondes fractures au sein de l’armée et la nécessité d’une réforme structurelle. Les promesses de réformes n’ont pas été tenues jusqu’à la fin du régime, et la Guinée continue toujours de faire face à des crises politiques et économiques.a

Réflexions sur le passé

Aujourd’hui, alors que le pays se remémore ces événements, il est essentiel de réfléchir aux leçons tirées de cette période tumultueuse. La quête de justice et de réconciliation demeure un enjeu crucial pour la Guinée, alors que les cicatrices du passé continuent d’influencer le présent. Les Guinéens aspirent à un avenir où les voix des militaires et des civils seront entendues, et où les promesses de changement ne resteront pas lettre morte. La mémoire de ces événements tragiques doit servir de fondement pour construire une nation plus unie et résiliente, capable de surmonter les défis du présent et de l’avenir.

 

Oumar Kateb Yacine

Analyste-Consultant Géopolitique

Contact : bahoumaryacine777@gmail.com