C’est avec une émotion profonde que la République de Guinée pleure la disparition d’Elhadj Boubacar Biro Diallo, ancien Président de l’Assemblée Nationale sous le régime du feu Général Lansana Conté, décédé samedi, le 8 février 2025 dans son village natal de Mamou, à l’âge vénérable de 105 ans. Pour beaucoup d’entre nous, je compte parmi eux, cet homme fut bien plus qu’un homme d’État : il fut un véritable guide, un mentor et un défenseur inflexible de la vérité.
Durant son mandat à la tête de l’Assemblée Nationale, Elhadj Biro Diallo s’est illustré par son intégrité et son franc-parler. À une époque où l’idéologie du régime, incarnée par le feu Général Lansana Conté et son Parti de l’Unité et du Progrès (PUP), dominait les institutions, il prit position en toute conscience. En se mettant en porte-à-faux avec le pouvoir d’alors, il choisit la vérité, quitte à en payer le prix. Ses discours tranchants et son refus de céder aux compromis furent tels que le régime décida de démanteler sa garde rapprochée, tant dans son bureau qu’à son domicile.
Je me souviens encore de la visite que je lui ai rendue après ma libération, alors que j’étais poursuivi pour « délit de presse » par le Ministre de la Justice de l’époque, M. Abou Camara. Interrogé sur l’absence de protection à ses côtés, il me répondit d’une voix calme et assurée :
« Mon fils, ma sécurité se trouve dans les mains de Dieu. »
Ces mots, empreints d’une foi inébranlable et d’un courage rare, continuent de m’inspirer. En effet, alors que je subissais les répercussions de mes engagements journalistiques, le Président Boubacar Biro Diallo était monté sur le créneau pour défendre non seulement ma personne, mais surtout la vérité et la liberté de la presse.
Dans une interview accordée à mes confrères Abdoulaye Condé et Mamadou Sacko, publiée dans la Nouvelle Tribune numéro 98 du 27 mars 2001, il déclarait avec conviction :
« Je vous félicite, vous les journalistes, vous avez été fouineurs. C’est vrai, vous prenez des risques. On vient de libérer Aboubacar SAKHO, Directeur de publication du journal L’Observateur. Mais ce sont des risques qu’il faut accepter, qu’il faut même rechercher, c’est ce qui encourage le citoyen à mener le combat. Maintenant, celui-là qui a accepté d’aller en prison pour sauver la vérité… Vous croyez que les gens ne vont pas se mobiliser pour lui donner toutes les informations ? Depuis des temps immémoriaux, c’est la presse qui porte les nouvelles, c’est la presse qui mobilise l’opinion face à un problème donné du pays. Donc, elle joue un rôle prépondérant, à condition qu’elle assume parfaitement, avec tous les risques, son rôle… »
La disparition d’Elhadj Boubacar Biro Diallo représente une perte immense pour notre Nation. Compagnon de l’indépendance et digne fils de la Guinée, il a toujours renoncé aux privilèges du pouvoir pour se battre aux côtés des opprimés. Son engagement indéfectible pour la justice, sa défense des libertés fondamentales et son soutien inlassable à la presse libre laissent une empreinte indélébile dans l’histoire politique de notre pays.
Aujourd’hui, alors que nous lui disons adieu, je tiens à lui rendre un ultime hommage, en lui adressant ces mots personnels :
« Dors en paix, mon père. »
Je prie le Très-Haut de m’accorder la force et la santé nécessaires pour honorer ta mémoire et prier pour le repos de ton âme à chaque fois que j’accomplirai mes obligations religieuses.
Elhadj Boubacar Biro Diallo restera à jamais l’emblème d’un combat pour la vérité et la dignité, et son exemple continuera d’inspirer toutes les générations futures. La Guinée, et le monde entier, lui doivent un profond respect et une reconnaissance éternelle.
Aboubacar SAKHO
Journaliste-juriste