Quand la Justice s’invite dans la Gestion d’un Parti Politique : le Bras de Fer entre l’UFDG et Ousmane Gaoual
La récente ordonnance de la justice guinéenne suspendant les congrès prévus en avril prochain par l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) pose une question essentielle : dans quelles conditions la justice peut-elle intervenir dans la gestion interne d’un parti politique ?
Les partis politiques, en tant qu’associations, sont régis par des statuts et règlements intérieurs qui définissent leur fonctionnement.
Toutefois, en vertu du principe de légalité, leur gestion ne saurait être soustraite du contrôle juridictionnel. Ainsi, la justice peut être amenée à statuer dans plusieurs situations, notamment :
▪︎Lorsqu’une décision du parti est prise en violation des règles qu’il s’est lui-même données, un membre lésé peut saisir la justice pour contester ladite décision.
▪︎Toute décision portant atteinte aux droits d’un militant peut faire l’objet d’un recours devant les juridictions compétentes.
▪︎La justice peut intervenir pour garantir l’indépendance des Partis face à d’éventuelles pressions politiques.
▪︎Lorsque des litiges internes risquent de porter atteinte à la stabilité et au fonctionnement démocratique du parti, la justice peut être saisie.
La suspension des congrès de l’UFDG intervient dans un contexte de tension entre la Direction du Parti et Ousmane Gaoual Diallo, ancien membre influent et actuel ministre des Transports et porte-parole du Gouvernement. Exclu du Parti, il avait contesté cette décision devant le Tribunal de Première Instance (TPI) de Dixinn, qui, le 27 juillet 2024, a jugé son exclusion « nulle » et ordonné sa réintégration.
Cette décision, qui aurait dû mettre un terme au différend, a été contestée par la Direction du Parti qui a fait appel. L’affaire étant pendante devant la Cour d’appel, la tenue des congrès internes de l’UFDG risquait d’exacerber le conflit et d’engendrer de nouveaux contentieux, d’où la suspension judiciaire des assises prévues en avril 2025.
●Conséquences juridiques et politiques de ce bras de fer
■Sur le plan juridique :
•La décision de suspension des congrès pourrait être motivée par la nécessité d’éviter toute prise de décision qui compromettrait les droits d’Ousmane Gaoual Diallo, en attendant que la Cour d’appel rende son verdict sur son exclusion.
•En cas de confirmation de la nullité de son exclusion, toute décision prise par le congrès sans sa participation pourrait être considérée comme illégitime.
▪︎À l’inverse, si la Cour d’appel valide son exclusion, il ne pourrait plus prétendre à aucun droit au sein du parti, et l’UFDG serait libre de poursuivre son processus interne sans entrave.
●Sur le plan politique :
Cette crise interne fragilise l’image de l’UFDG, qui apparaît comme un parti divisé, à l’approche d’échéances politiques majeures.
Le positionnement d’Ousmane Gaoual Diallo, ministre en fonction, alimente les spéculations sur d’éventuelles interférences entre pouvoir exécutif et vie des Partis.
La justice, en tranchant ce litige, joue un rôle déterminant dans la définition du leadership futur de l’UFDG et dans l’affirmation de l’indépendance des Partis politiques vis-à-vis des institutions étatiques.
Ce bras de fer entre l’UFDG et Ousmane Gaoual Diallo met en lumière les tensions entre le droit et la politique dans la gestion des partis. Si l’intervention judiciaire est légitime pour garantir la légalité des décisions prises au sein d’un parti, elle ne doit pas être perçue comme une ingérence susceptible de remettre en cause l’autonomie des formations politiques.
En attendant la décision de la Cour d’appel, cette affaire illustre la complexité des dynamiques internes aux partis et les enjeux d’un équilibre entre justice et vie politique en Guinée.
Par Aboubacar SAKHO
Juriste-journaliste