« Les Écailles du Ciel », publié en 1986, est l’un des romans marquants de l’écrivain guinéen Tierno Monénembo. Il nous plonge au cœur de l’histoire tourmentée de la Guinée à travers le regard d’un personnage confronté aux bouleversements de son temps.
1. RÉSUMÉ DE L’OUVRAGE
Le roman retrace le destin de Keïta, depuis son enfance dans le village fictif 
de Donghol, niché dans les montagnes du Fouta Djallon, jusqu’à sa vie d’adulte marquée par l’exil. L’histoire s’étend sur plusieurs décennies cruciales : la fin de la période coloniale française, l’enthousiasme suscité par l’indépendance, puis la rapide désillusion face à l’instauration d’un régime dictatorial brutal et répressif qui broie les individus et les distinctifs. Keïta, comme beaucoup d’autres, est témoin et victime des purges, de la paranoïa politique et de la décomposition sociale. Son parcours est celui d’une perte : perte de l’innocence, perte des repères traditionnels, perte de la patrie, le forçant à un exil douloureux.
2. ANALYSE DE L’OUVRAGE
« Les Écailles du Ciel » est une œuvre dense et puissante qui fonctionne à plusieurs niveaux.
Fresque historique et politique : Le roman offre une lecture critique de l’histoire guinéenne post-indépendance. Sans préciser Sékou Touré, Monénembo dépeint avec une lucidité féroce les mécanismes de la dictature, la terreur d’État, la destruction du tissu social et la faillite des espoirs révolutionnaires.
Choc des cultures et modernité : L’ouvrage explore l’impact de la colonisation puis de la modernité politique sur une société traditionnelle aux structures ancestrales. Il montre la difficile cohabitation entre les anciennes coutumes et les nouvelles idéologies imposées.
Thème de l’exil et de la mémoire : L’exil n’est pas seulement géographique pour Keïta, il est aussi intérieur. Le roman interroge la manière dont l’histoire violente façonne les identités et comment la mémoire, individuelle et collective, porte les stigmates du passé.
Style littéraire : L’écriture de Monénembo est riche, imagée, mêlant un certain lyrisme pour évoquer la beauté des paysages du Fouta Djallon ou la nostalgie de l’enfance, à une crudité parfois brutale pour décrire la violence politique et la souffrance humaine. Le langage est précis, souvent poétique, mais sans concession. Le titre lui-même, « Les Écailles du Ciel », est polysémique, évoquant peut-être la beauté déchue, une protection illusoire ou le poids d’un destin implacable.
3. LES PERSONNAGES DU LIVRE
Keïta : Le personnage central, narrateur implicite d’une grande partie de son histoire. Il est avant tout un témoin, souvent dépassé par les événements. Son évolution de jeune villageois à exilé désenchanté incarne le parcours tragique de toute une génération. Il n’est pas un héros au sens classique, mais plutôt un homme ordinaire broyé par l’Histoire.
Les figures villageoises : Les anciens, les membres de la famille de Keïta, représentent le monde traditionnel du Fouta Djallon, avec ses codes, ses croyances et sa sagesse, mais aussi ses limites face aux bouleversements extérieurs.
Les figures du pouvoir : Qu’ils soient administrateurs coloniaux ou cadres du nouveau régime dictatorial (symbolisé par le « Guide Suprême » et ses sbires), ces personnages incarnent les forces qui détruisent l’ordre ancien et instaurent la terreur. Ils son
QUELQUES CITATIONS FORTES DE L’OUVRAGE
« L’histoire officielle n’était qu’une interminable litanie de mensonges. »
« On n’ensevelit pas un peuple vivant sous les discours. »
« Ce n’était pas un pays, c’était une prison à ciel ouvert. »
« Le pouvoir ne pensait plus ; il surveillait. »
« Ce n’est pas la colonisation qui a tué nos rêves, c’est ce que nous en avons fait après. »
5. CONCLUSION
« Les Écailles du Ciel » est un roman essentiel pour comprendre non seulement l’histoire spécifique de la Guinée sous la première république, mais aussi les dynamiques complexes et souvent douloureuses de la décolonisation et de la construction nationale en Afrique. Avec une force narrative remarquable, Tierno Monénembo livre une œuvre poignante sur la désillusion politique, le poids de l’histoire et la résilience face à l’oppression. C’est une lecture exigeante mais profondément marquante.
6. BRÈVE PRÉSENTATION DE L’AUTEUR
Tierno Monénembo, de son vrai nom Thierno Saïdou Diallo, est né en 1947 à Porédaka, en Guinée. Contraint à l’exil en 1969 pour fuir la dictature de Sékou Touré, il a vécu dans plusieurs pays d’Afrique (Sénégal, Côte d’Ivoire) et en France, où il a poursuivi des études et enseigné. Son œuvre littéraire est largement inspirée par l’histoire guinéenne, la figure de Sékou Touré, l’expérience de l’exil et les questions d’identité. Il est l’auteur de nombreux romans acclamés, dont « Les Crapauds-brousse » (1979), « Peuls » (2004), et surtout « Le Roi de Kahel » qui lui a valu le prestigieux Prix Renaudot en 2008. Tierno Monénembo est considéré comme l’une des voix majeures de la littérature africaine francophone contemporaine.
Fatoumata F.Camara in Lejour.Info
