Il est des jours où le ciel, exaspéré par la duplicité des puissants, déchire son silence et intervient dans la comédie funeste que certains hommes voudraient imposer à l’histoire. Ce 26 avril 2025, à Mamou, la nature elle-même, lassée de l’insolence de ceux qui confisquent la voix du peuple pour mieux la profaner, a envoyé ses éclaireurs : non pas des tonnerres ni des éclairs, mais une armée ailée, minuscule et implacable — des abeilles, frémissantes et fatales.
Sous les tentes de la propagande, tandis que la musique, prostituée au service d’une ambition solitaire, vibrait à la gloire d’un général devenu son propre dieu, les hymnes artificiels à la grandeur d’une junte ivre de pouvoir furent brusquement engloutis par la panique. La fête du mensonge, soigneusement orchestrée pour peindre en or les chaînes qu’on impose au peuple, fut balayée par la seule irruption de l’ordre naturel, rappelant aux vaniteux que nulle imposture ne reste impunie, que nulle tyrannie ne prospère éternellement sous le regard de l’Éternel.
Que célèbre-t-on donc à Mamou, sinon l’agonie de la République, l’enterrement clandestin de la démocratie, la marchandisation honteuse des âmes guinéennes ? Après avoir méthodiquement démantelé les partis politiques, cloué au pilori la presse libre, pourchassé les opposants et verrouillé toutes les issues du débat public, les nouveaux maîtres de Conakry tentent désormais, dans un ultime outrage, d’extorquer au peuple l’apparence d’un consentement. Mais un consentement arraché sous le poids de la peur et de la misère n’est qu’une abdication honteuse, une tache indélébile sur la conscience nationale.
À travers cette farce sinistre que fut la célébration de Mamou, se profile l’ombre d’un projet autrement plus lugubre : l’instauration d’une monarchie militaire déguisée en république, adoubée par une constitution falsifiée, où l’élection promise ne sera qu’une mise en scène grossière pour sacrer l’usurpateur.
Or, l’histoire universelle enseigne que lorsque les tyrans s’aveuglent au point de croire que leur règne est infaillible, c’est alors que les signes les plus humbles deviennent leurs premiers bourreaux. Car Dieu, dans sa sagesse insondable, n’a que faire des armées clinquantes et des armes lourdes : Il mobilise ce que l’orgueil humain méprise — une poignée d’abeilles — pour humilier l’arrogance des trônes de sable.
“Nul ne connaît les armées d’Allah si ce n’est Lui”, nous rappelle le Livre Sacré. Et à Mamou, ce ne sont pas seulement des ailes qui ont bourdonné dans le vent de l’après-midi ; c’est un avertissement solennel qui a traversé les foules et que seuls les cœurs éveillés sauront entendre : quiconque trahit son serment de justice pour bâtir son empire sur les larmes d’un peuple, sera tôt ou tard balayé — non par la force brute, mais par l’inflexible mécanique du destin.
La Guinée, notre Guinée, mérite mieux que cette imposture sordide, mieux que ces mascarades où l’on célèbre le bâillon et l’on acclame la servitude. Et si, aujourd’hui, les abeilles sont venues sonner la fin de la récréation, demain viendra le peuple, dans sa majesté retrouvée, pour balayer la pourriture et rétablir l’honneur.
Aboubacar Fofana, chroniqueur
