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Droits de l’homme en Guinée: voici le rapport d’Amnesty International

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Voici le rapport de l’ONG Amnesty International sur la situation des droits de l’homme en Guinée. Ledit document rendu public ce 8 mercredi avril brosse une situation sombre.

8 avril 2020                          AFR 01/1352/2020

République de Guinée

Chef de l’État : Alpha Condé

Chef du gouvernement : Ibrahima Kassory Fofana

Les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive pour disperser des manifestant·e·s en faveur de la démocratie. Des journalistes, des défenseur·e·s des droits humains et d’autres personnes qui s’étaient exprimées contre le gouvernement ont été arrêtés arbitrairement. Les prisons demeuraient surpeuplées et l’impunité était généralisée.

Contexte

Les tensions politiques ont continué à s’intensifier à l’approche de l’élection présidentielle de 2020. Le président Alpha Condé a lancé un processus de révision de la Constitution, alimentant ainsi, au sein de l’opposition et de la société civile, la crainte qu’il brigue un troisième mandat.

Les élections législatives, qui devaient avoir lieu en décembre 2018, ont été repoussées à 2020, après plusieurs reports.

Évolutions législatives, constitutionnelles ou institutionnelles

La Guinée a adopté des lois portant atteinte aux droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. En juin, l’Assemblée nationale a voté en faveur d’une loi sur l’usage des armes par la gendarmerie. Ce texte avançait plusieurs raisons pour justifier le recours à la force – notamment la défense de positions occupées par les gendarmes – sans indiquer clairement que les armes à feu ne pouvaient être utilisées qu’en cas de menace imminente de mort ou de blessure grave et si les autres moyens s’étaient avérés inefficaces ou ne pouvaient aboutir au résultat attendu.

Adoptée en juillet, la Loi portant prévention et répression du terrorisme contenait des dispositions vagues et excessivement générales, telles que celles concernant l’apologie du terrorisme et la contestation de la commission d’un acte terroriste, qui pourraient servir à ériger en infraction l’exercice légitime du droit à la liberté d’expression. Elle autorisait la/le ministre de la Sécurité et la/le ministre de l’Administration territoriale, en l’absence de tout contrôle par une autorité judiciaire, à ordonner la fermeture provisoire des lieux de culte dans lesquels « les propos tenus, les théories diffusées ou dont les activités incitent à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes ».

Le Code civil de 2019 a légalisé la polygamie, en dépit des préoccupations soulevées par des groupes de la société civile et des institutions des Nations unies.

Liberté de réunion et recours excessif à la force

Les autorités ont interdit plus de 20 manifestations organisées par des groupes d’opposition, des mouvements en faveur de la démocratie et des organisations de défense des droits humains pour des motifs flous et trop généraux. À plusieurs reprises, elles ont fait référence à une directive publiée en 2018 par le ministre de l’Administration territoriale qui interdisait toutes les manifestations. En juillet, des groupes guinéens de défense des droits humains ont demandé à la Cour suprême d’invalider cette directive, mais la requête a été rejetée pour des raisons de procédure.

Les forces de sécurité ont continué à alimenter les violences pendant les manifestations en faisant un usage excessif de la force. Au moins 17 personnes sont mortes lors de manifestations contre une révision de la Constitution qui pourrait permettre au président Alpha Condé de briguer un troisième mandat.

Le 31 mai, un étudiant, Amadou Boukariou
Baldé, a été battu à mort par des gendarmes qui dispersaient une manifestation à l’université de Labé. Ses proches ont déposé une plainte auprès du ministère public mais elle a été classée sans suite.

Au moins 11 personnes ont été tuées par des tirs à balles réelles les 14 et 15 octobre à Conakry. Parmi elles figuraient Boubacar Diallo (14 ans) et Mamadou Lamarana (17 ans). Au moins un autre manifestant et un gendarme sont morts durant des manifestations dans la ville de Mamou.

Le 4 novembre, trois personnes au moins sont mortes lors de la procession funéraire organisée pour les manifestant·e·s tués en octobre. Amnesty International a authentifié une vidéo qui montrait des policiers et des gendarmes lançant des grenades lacrymogènes autour de la mosquée et du cimetière où se déroulaient les obsèques, volant une moto et tirant au lance-pierre sur des manifestant·e·s.

Liberté d’expression 

Des journalistes et plus d’une soixantaine de membres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), un mouvement en faveur de la démocratie, ont été arrêtés arbitrairement.

Le 26 mars, Lansana Camara, administrateur général du site conakrylive.info, a été arrêté après avoir publié un article accusant des services ministériels de corruption. Il a été inculpé de diffamation et libéré sous caution le 2 avril.

Le 4 mai, la police a arrêté sept membres du FNDC qui avaient organisé une manifestation à Kindia, dans l’ouest de la Guinée. Ils portaient des tee-shirts arborant le slogan « Ne touche pas à ma Constitution ». Le 7 mai, ils ont été condamnés à trois mois d’emprisonnement et à une amende de 500 000 francs guinéens (environ 50 euros) chacun. Ils ont été remis en liberté après l’examen de leur appel le 13 mai.

Boubacar Algassimou Diallo, animateur de radio, et Souleymane Diallo, administrateur général du journal satirique Le Lynx, ont été convoqués à la Direction de la police judiciaire le 19 et le 20 août, respectivement. Ils étaient accusés, entre autres, de diffusion de données de nature à troubler l’ordre public. Les charges ont été abandonnées en septembre.

Huit cadres du FNDC ont été arrêtés le 12 octobre, alors qu’ils se préparaient pour une manifestation. Le 22 octobre, le tribunal de Dixinn a déclaré Abdourahamane Sano, Alpha Soumah (alias Bill de Sam), Ibrahima Diallo, Bailo Barry et Sékou Koundouno coupables de « provocation directe à un attroupement non armé ». Abdourahamane Sano a été condamné à un an d’emprisonnement et les autres à six mois. Ils ont été remis en liberté sous caution le 28 novembre dans l’attente de l’examen de leur appel.

À Kindia, cinq membres du FNDC, dont Alseny Farinta Camara, coordonnateur local du mouvement, ont été arrêtés le 14 novembre et inculpés de participation à un rassemblement non autorisé. Ils ont été remis en liberté le 19 décembre. Deux d’entre eux ont été relaxés et les trois autres ont été condamnés à quatre mois d’emprisonnement, dont trois avec sursis. Ils ont interjeté appel de leurs condamnations.

Des journalistes ont également subi des violences. L’animateur de radio Mohamed Mara a été frappé par des policiers à Conakry le 16 novembre. Quelques jours avant, il avait été menacé sur les
réseaux sociaux par un sympathisant du parti au pouvoir.

Détention

Une forte surpopulation régnait dans les prisons guinéennes, et les conditions de détention y étaient inhumaines. Au moins huit personnes sont mortes en détention en 2019. Selon l’administration pénitentiaire, en octobre, quelque 4 375 personnes étaient détenues dans 33 prisons, dont la capacité totale était de 2 552 prisonniers seulement ; 54 % de ces personnes étaient dans l’attente de leur procès. À la prison centrale de Conakry, qui pouvait accueillir 500 prisonniers, étaient détenues 1 468 personnes, dont 68 % n’avaient pas encore été jugées.

Droits des lesbiennes, DES gays ET DES PERSONNES bisexuelles, transgenres ou intersexes

Le Code pénal érigeait toujours en infraction les relations homosexuelles, qualifiées d’« acte contre nature », ce qui créait un climat de peur et servait à harceler des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes (LGBTI). Au moins deux personnes, dont un garçon de 14 ans, ont été arrêtées à Kankan, dans l’est du pays, le 18 août en raison de leur orientation sexuelle réelle ou supposée et inculpées en vertu des dispositions du Code pénal relatives à l’outrage public à la pudeur. En octobre, les charges contre cet adolescent ont été abandonnées et il a été relâché.

Impunité

Des affaires concernant des atteintes aux droits humains ont quelque peu progressé mais l’impunité demeurait globalement la règle.

En février, un capitaine de police a été déclaré coupable de l’homicide d’un homme lors d’une manifestation, en 2016. Il a été condamné à 10 ans d’emprisonnement et au versement de 50 millions de francs guinéens (4 864 euros) de dommages et intérêts à la famille de la victime pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Ses supérieurs n’ont pas été traduits en justice.

Toujours en février, un capitaine de la brigade anticriminalité de Kipé, un quartier de Conakry, a été condamné à six ans d’emprisonnement pour avoir torturé un homme en garde à vue, en mars 2016. Au moins 10 autres gendarmes et policiers avaient été suspendus à la suite des faits, mais ils n’ont pas été poursuivis.

Dans l’affaire du massacre perpétré en 2009 au stade de Conakry, le ministre de la Justice a promis en novembre que le procès débuterait en juin 2020 au plus tard, en précisant que cela nécessiterait de créer un tribunal spécial et de former des juges. Auparavant, la Cour suprême avait rejeté tous les appels interjetés à l’issue de l’enquête, y compris ceux des victimes contestant l’abandon des charges qui pesaient sur Mathurin Bangoura et Bienvenue Lamah. Plus de 150 manifestant·e·s avaient été tués et au moins 100 femmes avaient subi des violences sexuelles en septembre 2009.

Fin

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