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La digitalisation pour accélérer l’inclusion financière en Afrique

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L’Afrique est parmi les régions sous-bancarisées dans le monde. Selon les statistiques de Global Findex, seulement 42,61% des personnes âgées de 15 ans et plus possèdent un compte bancaire en Afrique subsaharienne en 2017 contre 94,68% dans les pays de l’OCDE. Ce faible taux de bancarisation signifie que la majorité des Africains sont exclus du système financier classique.

À ce jour, dans le monde, 1,7 milliard d’adultes n’ont pas de compte en banque, dont les deux tiers disposent pourtant d’un téléphone mobile qui pourrait leur permettre d’accéder à des services financiers[1]. D’ailleurs, plus d’une décennie après le lancement de M-PESA au Kenya, l’utilisation de la monnaie mobile fait partie intégrante de la routine quotidienne de millions d’Africains. Alors comment la digitalisation et la numérisation permettront-elles de résoudre la problématique d’inclusion financière en Afrique?

La facilitation de l’inclusion financière par la digitalisation

L’éloignement des établissements financiers, le manque d’infrastructures, et surtout le coût des services constituent des obstacles majeurs à la bancarisation en Afrique. Les infrastructures sont assez coûteuses et lourdes à mettre en place, mais l’avènement de la digitalisation permet de lever cet obstacle, car pas besoin de se déplacer physiquement dans un établissement pour effectuer ses opérations financières (paiement, virement, etc.). Avec la digitalisation plusieurs de ces opérations pourraient être effectuées à distance soit via le mobile ou via internet. Cette proximité reconstituée virtuellement rapproche les services financiers des populations les plus éloignées, améliorant ainsi leur accès aux services financiers.

Aussi la digitalisation favorise l’accessibilité via la facilitation de l’usage même pour les analphabètes en adaptant les produits aux besoins spécifiques des clients. En ce sens, les banques développent de plus en plus des applications mobiles pour simplifier les opérations et faciliter leur relation avec les clients. A titre d’illustration, Ecobank a initié la création de comptes électroniques à distance. Cela lui a permis d’accroître sensiblement sa clientèle. Par ailleurs, les banques mettent en place des serveurs vocaux pour porter assistance aux analphabètes dans leurs transactions.

Enfin, la digitalisation permet de passer outre le modèle classique de l’agence bancaire exigeant de lourds investissements qui ne peuvent être rentabilisés qu’avec une certaine masse critique de clients. Cette contrainte explique la faible implantation des agences bancaires dans les zones peu peuplées et dans les régions enclavées. Or, avec la digitalisation, plus besoin de supporter tous ces coûts fixes, ce qui permet aussi à la banque de réduire ses tarifs, et inclure ainsi un plus grand nombre d’usagers.

La digitalisation exige des réformes structurelles

Pour faire de la digitalisation un outil puissant pour l’inclusion financière en Afrique, des réformes structurelles sont indispensables.

D’abord, il est urgent de construire des infrastructures indispensables à l’utilisation d’internet haut débit et de renforcer le réseau de la téléphonie mobile sur l’ensemble des territoires. Il s’agit d’améliorer la qualité et le coût d’accès à ces services. Pour y arriver, des partenariats publics privés pourraient permettre de lever les fonds nécessaires pour réaliser ces infrastructures très lourdes et coûteuses.

Ensuite, concernant le cadre institutionnel, différentes réformes doivent être entreprises pour le développement de ces services financiers digitaux. Il est fondamental que les régulateurs et les établissements financiers établissent des mesures de protection des consommateurs contre les risques relatifs à la fraude, à l’atteinte à la vie privée et aux menaces et activités criminelles. Il s’agit aussi de prendre des mesures
pour protéger les consommateurs grâce à des règles garantissant l’accès à l’information, le traitement équitable et les mécanismes de recours. Toutefois, il est aussi indispensable d’avoir un cadre réglementaire souple et intelligent afin de ne pas étouffer l’innovation dans ce secteur. Des approches réglementaires autorisant des modes de distribution peu coûteux, tels que des magasins de vente au détail locaux servant d’intermédiaires financiers peuvent contribuer au développement de l’inclusion financière. Il est connu de tous depuis longtemps que le fait de se cantonner aux agences bancaires traditionnelles est l’un des principaux obstacles à l’inclusion financière.

Par ailleurs, les réformes doivent contribuer à réduire la pression fiscale car la hausse de la taxation affecte négativement le développement des services financiers digitaux. À titre d’illustration selon GSMA (2019)[2] la nouvelle taxe sur le mobile money en Ouganda a eu un effet négatif presque immédiat. La valeur des transactions P2P a diminué de 50% dans les deux mois suivant sa mise en œuvre, tandis que la valeur de toutes les transactions a diminué d’environ 25%.

Enfin, la promotion de la concurrence saine sera de nature à favoriser l’inclusion financière en incitant les opérateurs à réduire leur marge. A ce titre, l’impossibilité de l’inter-opérabilité ou sa difficulté de fonctionnement entre les sociétés de mobile money à l’intérieur d’un pays et entre des régions du continent, qui constitue un frein à la concurrence, doit être levée. Aussi, il est impératif de lever les barrières à l’entrée dans ce secteur afin d’éviter la constitution de structures monopolistiques ou la fermentation d’ententes tacites sur les prix au détriment des usagers.

En somme, les technologies numériques sont en train de transformer le paysage des paiements et de l’activité bancaire en Afrique. L’argent mobile a été le grand déclic de ce mouvement, qu’il convient d’accompagner et d’amplifier pour plus d’inclusion financière en Afrique subsaharienne. Ceci prouve que des solutions par le marché sont tout à fait pertinentes pour répondre à des problématiques d’exclusion et d’inégalités socio-économiques et territoriales. L’accompagnement et la facilitation par l’Etat de l’entrepreneuriat et de l’innovation, sont la voie de salut pour relever le défi de l’exclusion financière des Africains.

  1. KRAMO, analyste économiste.

Article publié en collaboration avec Libre Afrique

 

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