L’investiture de Mohamed Bazoum intervient dans un contexte tendu, alors que son élection est toujours contestée par l’opposition, qu’une tentative de coup d’État a échoué dans la nuit de mardi à mercredi et que le pays a connu ces quinze derniers jours les attaques terroristes les plus meurtrières de ces dernières année.
C’est ce vendredi 2 avril à Niamey que sera investi le nouveau président démocratiquement élu du Niger Bazoum Mohamed. Une investiture sous haute tension sécuritaire et politique, jamais égalée au Niger.
Au regard des derniers évènements, la sécurité est de mise avec un dispositif impressionnant de la Garde présidentielle, de la police et de la garde nationale, autour du centre de conférence Mahatma Gandhi, lieu d’investiture du nouveau chef de l’État.
Selon les services du protocole, treize chefs d’État sont attendus à Niamey. Aussi, pour empêcher tout embouteillage dans le centre-ville, la municipalité prévient les usagers de la route que la circulation sera fortement perturbée sur l’axe de l’aéroport au centre-ville, en passant par la voie express, le palais des Congrès, jusqu’aux villas présidentielles du Conseil de l’entente. Sur le périmètre du premier pont et du deuxième échangeur, la circulation sera totalement fermée aux usagers.
Les trois crises de Mohamed Bazoum
La cérémonie d’aujourd’hui est historique à plus d’un titre selon les observateurs, en ce sens qu’elle consacre l’alternance démocratique au Niger. C’est la première fois depuis 60 ans d’indépendance qu’un président élu passe le flambeau à un autre démocratiquement élu.
À peine installé dans son fauteuil de président, Mohamed Bazoum devra gérer trois crises majeures. D’abord politique, puisque le candidat de l’opposition à la présidentielle, Mahamane Ousmane continue de proclamer sa victoire. Une situation qui pourrait empoisonner durablement la vie politique du pays. Le 25 mars déjà, les 53 députés de l’opposition ont boycotté la première session parlementaire.
Ensuite, le Niger a connu une flambée de violence inouïe ces dernières semaines. Plus de 200 civils ont été massacrés dans deux attaques terroristes dans les régions de Tillabéry et de Tahoua. Un défi majeur pour Mohamed Bazoum qui a été l’architecte de la politique sécuritaire nigérienne sous la présidence de Mahamadou Issoufou.
La tentative de putsch, une « farce » pour l’opposition
Vient enfin la question militaire. La tentative de coup d’État menée mercredi à l’aube a rappelé de vieux souvenirs. Depuis son indépendance, le Niger a déjà connu quatre putschs. « Dans l’histoire du pays, dès qu’il y a eu instabilité, l’armée a été tentée d’intervenir, explique Abdoul Karim Saidou, politologue nigérien. Le verrouillage du jeu politique, les connexions de l’opposition avec l’armée, les scandales de corruption et l’insécurité grandissante pourraient générer des remous dans les rangs », conclut l’enseignant-chercheur à l’université Thomas Sankara à Ouagadougou.
Aujourd’hui les réactions de la classe politique nigérienne à cette tentative de putsch sont divisées. Du côté de la majorité, la condamnation est unanime. Les coups d’État militaire, le Niger en a soupé. Quatre, donc, ont réussi depuis l’indépendance. Le dernier remonte à 2010, marquant la fin de l’ère Mahamadou Tandja. Pour Maître Saley Djibrillou, secrétaire général du MNSD, le pays est passé à autre chose : « C’est une régression pour un pays qui aspire à la stabilité des institutions démocratiques. Il faut que l’armée comprenne que l’on n’est plus à cette phase-là où des capitaines ou je ne sais qui interviennent pour remettre en cause le choix souverain du peuple. »
Dans un communiqué publié hier, la coalition Cap 20/21, qui soutient la candidature de l’opposant Mahamane Ousmane, considère cette tentative comme une « farce » orchestrée par le pouvoir. L’objectif serait de détourner l’attention des Nigériens de la contestation électorale. « Nous avions organisé des marches le matin où s’est produit tout ça. Cela n’est qu’une diversion de plus, comme le régime a toujours eu à le faire. Nous soulignons que nous ne voulons pas que ce soit encore une occasion pour procéder à des arrestations arbitraires comme cela a été le cas à chaque fois », explique Kadaouré Habibou, président du Comité de coordination de Cap 20/21.
Cap 20/21 demande la mise en place d’une commission parlementaire pour enquêter sur cette tentative de coup d’État.
Le président sortant du Niger Mahamadou Issoufou a adressé hier soir sur les ondes de la radio et télévision nationales son dernier discours à ses compatriotes. Après les avoir remerciés pour la confiance que son peuple a placée en lui au cours des dix dernières années, il s’est exprimé pour la première fois sur la tentative de coup d’État : »C’est, à n’en pas douter, une tentative désespérée de reprendre par les armes le pouvoir des mains de ceux qui l’ont conquis dans les urnes. Malheureusement, il existe en leur sein une minorité compacte de putschistes qui lèvent le drapeau contre la loi, qui prétendent un arbitrage au-dessus du peuple souverain… Ces criminels, et leurs commanditaires intérieurs et extérieurs seront recherchés, identifiés et punis, conformément à la loi ».
RFI
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