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Les révélations d’Adrien Poussou sur le coup du 5 septembre (Jeune Afrique)

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Acclamé lors de son coup d’État contre Alpha Condé, le chef de la Transition guinéenne révèle au fil des mois un visage de plus en inquiétant qui lui promet des lendemains peu glorieux, selon Adrien Poussou, ancien ministre centrafricain et opposant au régime de Bangui.

L’extrême brutalité avec laquelle les membres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) ont été arrêtés le 5 juillet, en pleine conférence de presse, en dit long sur la nature du régime de Mamadi Doumbouya, lequel risque de s’achever comme il a commencé : dans la violence et un bain de sang.

Assoiffé de pouvoir

Il n’est pas vain de rappeler que cette junte militaire qui a renversé le président Alpha Condé s’est installée à la tête de la Guinée sous les applaudissements de ceux qui sont aujourd’hui persécutés, après avoir bercé le peuple de promesses d’un lendemain meilleur. C’est un curieux retour de bâton qui démontre, si besoin en était encore, qu’on ne déjeune pas innocemment avec le diable, même avec une longue cuillère.

L’idylle entre le coordinateur national du FNDC, Oumar Sylla alias Foniké Mengué, libéré de prison par les Forces spéciales de Mamadi Doumbouya, et les militaires qui se sont emparés du pouvoir ce 5 septembre 2021 à Conakry, n’aura même pas duré une saison, tant les sujets de frictions sont nombreux. Moralité : il faut savoir raison garder et rester circonspect face aux sirènes de ces militaires qui se considèrent comme des hommes providentiels en se plaçant au-dessus des institutions et en s’arrogeant les pleins pouvoirs. Alors qu’ils n’ont ni la légitimité ni la légalité d’agir au nom des peuples dont ils usurpent la souveraineté.

D’ailleurs, il faut être le dernier des aveugles pour ne pas s’apercevoir qu’en dépit de ses prétentions, Mamadi Doumbouya est un assoiffé de pouvoir, décidé à s’éterniser à la tête de la Guinée. Dès le départ, notamment avant sa prise du pouvoir par la force, il a caché son jeu, avançant par la ruse. C’est ainsi qu’il a pu abuser de la confiance d’Alpha Condé qui ne jurait que par lui et qu’il est parvenu à déjouer la vigilance des tenants du précédent régime.

Changement de ton à la Cedeao

Pour l’anecdote, entre les mois de juillet et août 2021, j’ai été témoin de l’aveuglement des plus hautes autorités guinéennes à défendre et à protéger le colonel putschiste, contre lequel pesaient de forts soupçons d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État. Pour tout dire, à la veille d’un rendez-vous avec l’ex-Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, j’avais été prié par un officier guinéen de porter à sa connaissance des informations précises et circonstanciées sur les préparatifs d’un coup d’État fomenté, selon ce même officier, par le patron des Forces spéciales… un certain Mamadi Doumbouya.

Réponse de l’ancien chef du gouvernement : « Vous pouvez être tranquille. Nous sommes habitués à la jalousie de ces gens qui en veulent à ce jeune officier compétent, qui doit tout au président de la République. Pour nuire à sa carrière, ses ennemis, parfois autour du professeur [Alpha Condé], inventent des projets de coups d’État imaginaires qu’ils lui attribuent. » Malheureusement pour le dernier Premier ministre d’Alpha Condé, je me trouvais encore sur place quand les faits lui ont donné tort : Doumbouya s’était emparé du pouvoir qu’il entend maintenant conserver par tous les moyens.

Mais depuis le dernier sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui s’est tenu à Accra le dimanche 3 juillet – soit quarante heures à peine avant l’arrestation musclée des leaders du FNDC –, l’anxiété a gagné les rangs de la junte. En effet, les chefs d’État membres de l’organisation sous-régionale ont sifflé la fin de la récréation. Désormais, Mamadi Doumbouya et sa suite, qui ont jusqu’ici bénéficié de la mansuétude des dirigeants de la Cedeao, ne disposent plus que de quelques semaines pour « mettre en place des actes concrets en guise de garantie d’un retour à l’ordre constitutionnel ». Ce changement de ton pourrait expliquer en partie la brutalité des putschistes de Conakry face à l’activisme du FNDC contre leur velléité hégémonique et la fin rapide de la transition.

Plans contrariés

Il ne fait pas l’ombre d’un doute qu’en exigeant « un chronogramme clair et raisonnable », les chefs d’État de la Cedeao contrarient les plans de Mamadi Doumbouya. Lui qui pensait que le temps jouait en faveur de ses ambitions personnelles, que l’organisation sous-régionale, trop occupée à résoudre les problèmes domestiques des États – provoqués par une inflation galopante et la perspective d’une crise alimentaire –, allait capituler devant ses oukases. Dès lors, il s’apprêtait lui aussi, à l’instar de son homologue malien Assimi Goïta, à proposer à l’adoption un texte électoral lui permettant de se porter candidat à la future présidentielle.

Et pour y parvenir, le chef de la junte était prêt à tout pour éliminer de la course les principaux leaders politiques considérés comme les favoris de la prochaine élection présidentielle et les voix discordantes comme celles du FNDC, qui l’ont pourtant applaudi à la chute d’Alpha Condé, ignorant la haine atavique qu’il voue à l’ensemble de la classe politique. Au point d’infliger à Cellou Dalein Diallo et à Sidya Touré, deux poids lourds de la politique guinéenne, comme l’a si justement relevé François Soudan, l’affront que même l’ex-président n’avait pas osé : « les expulser de leur domicile considéré comme bien mal acquis et les sommer de rendre des comptes sur leur gestion passée ».

Dans ces conditions, l’Histoire est déjà écrite d’avance : la Guinée fonce inéluctablement vers le chaos, et Mamadi Doumbouya risque de finir comme Moussa Dadis Camara, avec tout ce que ce nom a dorénavant de détestable.

Par Adrien Poussou

Ancien ministre centrafricain de la Communication 

Jeune Afrique

 

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