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Discours prononcé par le Président Issoufou à la clôture du sommet de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO : «J’accorderai une grande priorité à la sécurité régionale, la consolidation des institutions démocratiques et l’intégration économique de nos Etats», déclare SEM Issoufou Mahamadou, nouveau Président de la CEDEAO

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Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,

Monsieur le Président de la Commission de la CEDEAO

Monsieur le Président de la Commission de l’UEMOA

Monsieur le Représentant du Secrétaire Général des Nations-Unies

Je voudrais vous remercier pour l’honneur que vous me faites de me porter à la tête de notre organisation régionale. En me confiant cette responsabilité c’est le Niger et son peuple que vous honorez.

Permettez-moi de remercier plus particulièrement mon prédécesseur, le Président Muhammadu Buhari, hôte de notre sommet pour les efforts inlassables qu’il a déployé et les résultats indéniables atteints par notre organisation au cours de son mandat. Permettez-moi aussi de lui réitérer mes félicitations suite à sa brillante réélection à la tête de la République Fédérale du Nigéria.

Présider la CEDEAO à cette étape de son évolution est une lourde mission et je souhaiterai être à la hauteur pour poursuivre son œuvre et faire faire à notre communauté un pas supplémentaire sur la voie de l’intégration politique, économique et sociale de nos pays. Je voudrais aussi féliciter les dirigeants et le personnel de notre commission pour leurs efforts inlassables dans la conduite de notre processus d’intégration et pour les résultats obtenus.

Mes chers collègues ;

Nous arrivons bientôt au terme du délai imparti pour la réalisation de la vision 2020 que nos pays avaient adopté en 2007, la vision qui consiste à passer « d’une CEDEAO des Etats à une CEDEAO des Peuples ».

L’évaluation de nos différents programmes révèle que nous avons enregistré des progrès importants mais nous sommes encore loin d’atteindre les objectifs fixés de faire de notre espace communautaire «une région sans frontière, paisible, prospère et cohérente, bâtie sur la bonne gouvernance et où les populations ont la capacité d’accéder et d’exploiter ses énormes ressources par la création d’opportunités de développement durable et de préservation de l’environnement.» conformément aux aspirations exprimées dans la vision 2020.

Certes pour y parvenir les défis sont nombreux mais je m’attèlerai, au cours de ce mandat, à faire en sorte que des avancées significatives soient enregistrées sur au moins trois domaines auxquels j’accorderai une grande priorité : la sécurité régionale, la consolidation des institutions démocratiques et l’intégration économique de nos Etats.

Concernant la sécurité, notre région est confrontée à la piraterie maritime, aux exactions de Boko Haram dans le bassin du lac Tchad, aux attaques des organisations terroristes et criminelles dans le Sahel ainsi qu’à la résurgence des conflits communautaires. Ces menaces qui prennent un caractère stratégique sont de nature à remettre en cause, si nous ne prenons garde, l’existence même de nos Etats. La multiplication des attaques et leur survenance dans des zones situées de plus en plus au Sud du Sahel font craindre la métastase du terrorisme sur l’ensemble de la région. La menace est d’autant plus sérieuse que nous n’avons, pour le moment, aucune visibilité sur la sortie de crise en Libye, ce pays voisin « somalisé » devenu le sanctuaire des organisations terroristes et criminelles qui alimentent tous les trafics à destination et au départ de notre région.

Ce mandat, qui coïncide avec l’entrée au conseil de sécurité de mon pays comme membre non permanent, sera mis à profit pour amener notre organisation à développer la collaboration entre les forces de défense et de sécurité de nos pays, à réactiver les organes et les arrangements de sécurité régionale existants et à renforcer l’appui de la communauté internationale à notre région dans le domaine sécuritaire. D’ores et déjà nous allons nous atteler à la préparation du sommet extraordinaire sur la sécurité que notre conférence vient de décider.

Le second défi que je considère comme une priorité pour notre organisation est celui de la consolidation des institutions démocratiques. J’ai noté qu’en comparaison
avec les autres régions du continent, notre région semble avoir une longueur d’avance en matière de respect des règles démocratiques. Nous disposons depuis 2001 d’un protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance fixant les principes constitutionnels communs à tous les Etats membres et réaffirmant que toute accession au pouvoir doit se faire à travers des élections libres, honnêtes, et transparentes. Nos pays disposent de constitutions les plus avancées, et nos processus électoraux sont de moins en moins objet de contestation. Sur ce point je voudrais rappeler que les processus électoraux conduits dans certains de nos états membres ont même conduit à des alternances. C’est le cas pour le Mali, le Ghana, le Sénégal, la Sierra Leone, le Nigéria, le Cap Vert, la Gambie, etc. C’est le lieu de féliciter Monsieur Macky Sall pour sa récente réélection. Des élections législatives et présidentielles seront organisées dans notre région en 2019 et 2020, nous devons veiller à ce qu’elles soient crédibles, transparentes et qu’elles ne donnent lieu à aucune contestation. Avec votre soutien je veillerai à ce que notre communauté conserve son leadership en matière de consolidation des institutions démocratiques.

Concernant les questions d’intégration économique de notre région, qui constituent le troisième défi, nous avons fait des avancées importantes en matière de libre circulation des personnes et des biens avec la suppression des visas, l’institution d’un passeport CEDEAO, la mise en œuvre du schéma de libération des échanges et l’institution d’un tarif extérieur commun. J’ai noté aussi que malgré ces avancées les échanges intracommunautaires ne représentent que 10% de notre commerce en 2018. Nous devons profiter de l’adoption au niveau de l’Union Africaine, du traité instituant la Zone de Libre Echange Continentale, pour relever le niveau de nos échanges intracommunautaires.

Notre processus d’intégration souffre de l’extraversion de nos économies, du faible développement des chaines de valeurs régionales, de la faiblesse de nos réseaux d’infrastructures de transports, d’énergie et de télécommunication ainsi que de l’absence d’une monnaie commune.

Sur ce dernier point, il vous souviendra que nous avions mis en place une task-force présidentielle dont le leadership a été confié conjointement aux chefs d’Etats du Ghana et du Niger pour accélérer le projet de monnaie commune de la CEDEAO en vue de sa finalisation en 2020. Nous avions, mon collègue Nana Ado et moi, accordé à cette mission la plus grande priorité. Grace à l’élargissement du comité aux présidents Muhammadu Buhari du Nigeria et Alassane Dramane Ouattara de Cote d’Ivoire, des avancées significatives ont été enregistrées sur ce projet. Nos ministres des finances et nos banques centrales s’activent à définir et arrêter les modalités de création de cette monnaie commune. Nous devons prendre toutes les dispositions pour que la date butoir de 2020 soit respectée car cela correspond aux aspirations de nos citoyens.

En ma double qualité de co-président de la task-force présidentiel et de président en exercice, j’attacherai un grand prix à la réalisation de ce projet. Il y a encore des efforts à faire en matière de convergence de nos économies respectives et je sais que je peux compter sur le soutien et l’engagement de chacun de vous afin que l’échéance de 2020 pour la monnaie unique soit respectée. Je sais que cela est possible avec notre niveau d’engagement pour l’intégration de nos Etats comme nous venons de le démontrer au niveau continental avec la signature en Mai 2018 de l’Accord instituant la zone de libre-échange continentale et son entrée en vigueur en Mai 2019 suite au dépôt du nombre minimum requis de ratification en moins d’un an. Pour ce faire nous devons accélérer la cadence de la mise en œuvre de la feuille de route.

La faiblesse des infrastructures constitue une véritable barrière non tarifaire aux échanges intra-communautaires. Les hommes et les biens ne peuvent circuler librement que si nos Etats sont reliés par des routes
carrossables, des chemins de fer, des liaisons aériennes fiables et des moyens de télécommunications modernes. De même nos entreprises ne peuvent être compétitives dans un contexte de rareté et de cherté de l’électricité s’ajoutant aux couts prohibitifs de transports. En liaison avec l’agenda continental du programme de développement des infrastructures en Afrique (PIDA), notre communauté a identifié des projets régionaux prioritaires dans le cadre de son Programme de développement communautaire (PDC) et s’évertue à travers son Unité de préparation et de développement des projets (PPDU) à accélérer leurs études et la mobilisation de leur financement. C’est le cas notamment de la construction en 2×3 voies de

l’autoroute Lagos-Dakar, de la boucle ferroviaire Cotonou-Niamey-Ouagadougou-Abidjan, du tronçon ferroviaire Ouangolodougou en Côte d’Ivoire, Bamako au Mali, du projet de création de la compagnie maritime Sealink, du projet d’interconnexion des réseaux électriques ouest-africains dorsale Sud et dorsale Nord. Nous devons œuvrer ensemble pour la réalisation de ces projets si indispensables à notre programme d’intégration.

En liaison avec le programme détaillé pour le développement de l’agriculture en Afrique (PDDAA), un autre programme de l’Union Africaine, notre communauté a adopté en janvier 2005 sa politique agricole –ECOWAP en anglais – avec  pour objectif général de contribuer de manière durable à la satisfaction des besoins alimentaires de la population, au développement économique et social et à la réduction de la pauvreté dans les États membres, ainsi que des inégalités entre les territoires, zones et pays. Il me parait indispensable que notre région puisse assurer la sécurité alimentaire de sa population rurale et urbaine, de réduire sa dépendance vis à vis des importations alimentaires en accordant la priorité aux productions alimentaires locales et de favoriser une intégration économique et commerciale équitable des exploitations agricoles sur l’ensemble des marchés. En matière agricole, des initiatives positives sont en cours dans nombre de nos pays et j’encouragerai notre commission à favoriser les échanges d’expérience dans ce domaine.  Les succès enregistrés par le Sénégal et le Nigéria en matière de production du riz méritent d’être partagés. Il en est de même pour l’Initiative 3 N du Niger « Les Nigériens Nourrissent les Nigériens » reconnue au niveau international comme une des meilleures politiques agricoles.

Chers collègues, ainsi que vous pouvez le constater les défis auxquels fait face notre communauté sur la voie de son intégration économique et sociale sont énormes mais je sais que nous pouvons faire des avancées significatives car j’ai foi en notre engagement individuel et collectif et notre volonté commune de contribuer à l’agenda continental de réaliser à l’horizon 2063 l’Afrique que nous voulons, une « Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens, et représentant une force dynamique sur la scène internationale ».

Tout en vous remerciant une fois de plus pour votre confiance, je déclare clos les travaux de la 55eme session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO.

Vive la CEDEAO

Je vous remercie

 

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