Près de 12 tonnes d’écailles de pangolins, les mammifères les plus braconnés au monde, et 9 tonnes de défenses d’éléphants ont été saisies lundi à Singapour. La valeur totale de la prise, estimée à plus de 43 millions d’euros, illustre un trafic très lucratif qui sévit notamment en Afrique et en Asie.
La saisie est tristement impressionnante. Lundi, les autorités singapouriennes ont mis la main sur 12 tonnes d’écailles de pangolins ainsi que 9 tonnes de défenses d’éléphants. C’est lors d’une inspection de trois conteneurs transportant du bois que la douane de Singapour a découvert une énorme cache. La marchandise provenait de la république démocratique du Congo et se dirigeait vers le Vietnam. Pour en arriver à ces effroyables chiffres, environ 300 éléphants et 2 000 pangolins auraient été massacrés.
Puisque le pangolin est l’unique mammifère doté d’écailles, il est le mammifère le plus braconné au monde. D’après une étude de la Société pour la biologie de la conservation, une organisation professionnelle qui se consacre à l’étude scientifique du maintien et de la restauration de la biodiversité, entre 400 000 et 2 700 000 pangolins sont chassés chaque année dans les forêts centrafricaines. Vivant également dans les régions tropicales et équatoriales d’Asie du Sud-Est, les pangolins sont une espèce classée en voie de disparition. Depuis 2017, le commerce international des huit espèces de pangolins – 4 Africaines et 4 Asiatiques – est strictement interdit.
Cible privilégiée
«Les écailles de pangolins sont associées à des propriétés de médecine traditionnelle, notamment au Vietnam et en Chine, où elles sont utilisées pour guérir différentes maladies [acné, cancer, impuissance, ndlr]», explique Marcus Cornthwaite de Traffic, une ONG internationale qui travaille «sur le commerce des animaux et des plantes sauvages dans un contexte de la conservation de la biodiversité et du développement durable». La consommation de viande de pangolin, réputée savoureuse, est également vue pour certains comme «le symbole d’un statut» social élevé. «Ce sont des animaux qui sont aussi très vulnérables et qui n’ont peu de moyens de défense», ajoute Loïs Lelanchon, chargé du programme de sauvetages d’animaux sauvages pour IFAW France (Fonds international pour la protection des animaux).
Même sort tragique pour les éléphants qui sont une cible privilégiée des braconniers, en raison de leur viande, de leur peau mais surtout de leurs défenses en ivoire très convoitées. «L’ivoire a toujours été très recherché pour la création d’objets d’ornements et la confection de bijoux au Vietnam par exemple», souligne Loïs Lelanchon. Selon WWF, «entre 20 000 et 30 000 éléphants sont tués par les braconniers chaque année». En Afrique, 60% des décès d’éléphants à déplorer sont le fait de braconnage. «Environ 55 éléphants d’Afrique sont quotidiennement tués pour leur ivoire, leurs défenses transformées en sculptures et bibelots», déclarait en 2018 Tanya Steele, directrice de WWF Royaume-Uni.
Un trafic lucratif
Plus globalement, la valeur marchande sur le marché noir des écailles de pangolins, des défenses d’éléphants mais aussi des cornes de rhinocéros est extrêmement élevée. Selon la Convention de l’ONU sur le commerce des espèces menacées (Cites), le trafic d’ivoire représente 20 milliards de dollars par an, le plaçant ainsi en quatrième position du commerce illégal le plus lucratif.
A ce titre, la saisie totale de lundi à Singapour, qui sera par ailleurs
détruite «pour éviter [son] retour sur le marché» selon le bureau des douanes local, est estimée à plus de 48 millions de dollars. Soit 35 millions pour les écailles et 13 millions pour les défenses. «Le trafic d’espèces sauvages demeure une activité lucrative pour les réseaux criminels. Les marchés de consommation de pangolin et d’ivoire illicites existent toujours en Asie. Le Vietnam et la Chine sont des destinations clés pour ces produits et la demande des consommateurs [également européens et américains] continue d’alimenter la crise du braconnage en Afrique», assure Marcus Cornthwaite.
Ainsi, Singapour est un passage obligé pour le commerce illégal d’animaux sauvages. La cité-Etat est un hub mondial des échanges commerciaux en direction de l’Asie. Son port est l’un des plus fréquentés de la planète. «Ça peut être aussi une stratégie pour les réseaux organisés. Plus le port est fréquenté, plus les contrôles sont difficiles à cause du nombre important de cargaisons à vérifier», analyse Loïs Lelanchon.
L’histoire semble malheureusement se répéter. Depuis le début de l’année, Singapour a déjà mis le grappin sur plus de 37 tonnes d’écailles de pangolins. Fin mars, 9 tonnes d’ivoire présumé avaient également été saisies au Vietnam sur un bateau en provenance du Congo.
Source : Liberation.fr
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