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Tribune: Le Fouta Djalon n’est pas un Califat

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Le Fouta Djalon connaît une sérieuse crise de leadership. Opérateurs économiques et personnalités religieuses s’attribuent des titres dans la confusion la plus complète.

Voici quelques jours, lors des obsèques d’un notable de Pita, un groupe d’individus sans mandat ni légitimité a proclamé l’avènement d’un calife.

Tout connaisseur de l’histoire de l’islam et du Fouta Djalon ne peut lire cette nouvelle qu’avec un mélange de surprise et de tristesse.

En 1445/2023, il n’existe aucun califat dans la oumma. Ni le Commandeur des Croyants alaouite (Maroc), ni le Sultan de Sokoto (Nigéria), ni le Sultan de Bruneï ou les Protecteurs des Lieux Saints de l’islam (Arabie Saoudite et Jordanie) ne revendiquent ce titre.

Le 3 mars 1923, la déposition du souverain ottoman Abdul Mejid a marqué la fin du califat. Seule un usage religieux du titre demeure, dans certaines « turuq » (« confréries ») d’inspiration soufie. En outre, le califat désigne un territoire et ses habitants – lesquels confèrent sa légitimité à leur dirigeant au moyen d’une allégeance (bay’a) formelle.

Par conséquent, ni la politique ni la religion ne justifient le recours à ce titre dépourvu de tout fondement dans notre histoire.

La confédération théocratique du Fouta Djalon (XVIII-XIXe s) a produit une civilisation originale et une culture politique d’une grande sophistication.

Seul l’almami était en mesure de parler au nom du Fouta Djalon – et cet individu était « enturbanné » au terme d’une procédure débutant au sein de sa lignée (le ñol), se prolongeant dans sa province (diiwal) et se concluant par l’approbation du parlement confédéral (mbatu Fuuta Jaloo).

Cette fonction était héréditaire, élective, et s’exerçait en bonne intelligence avec un dispositif administratif, judiciaire et politique reliant la misiide (commune) la plus reculée au chef-lieu de son diiwal (province) et aux capitales de la confédération.

Chaque province disposait de sa famille régnante (musidal lamugal), de son parlement (mbatu) et de ses leaders d’opinion.

Cet ordre politique a permis d’organiser une communauté humaine autour de valeurs, d’une vision partagée et de priorités clairement définies.

Rien de commun avec notre époque, où l’ignorance, la confusion, le triomphe des vanités et les combines d’un groupe d’individus prétendent régir nos destinées.

Ni l’ascendance, ni la science, ni la probité de quelques représentants autoproclamés ne justifient pareille revendication.

La Guinée et le Fouta Djalon traversent une période de mutations dont les défis sont considérables.
Cette transition mérite l’attention de chacun plutôt que la distraction permanente d’entrepreneurs « politiques » qui, au nom de l’islam ou de la culture fuutanke, cherchent à atteindre des objectifs profanes.

Le Fouta Djalon gagnerait à réfléchir aux modalités de sélection et de soutien de ses autorités morales. Ce chantier, aussi longtemps qu’il est d’intérêt public, nous semble digne d’un travail collectif.

Il ne pourra être mené à bien sans tenir compte de l’existant – notamment l’héritage moral et culturel représenté par les cuuɗi laamu (maisons du commandement) et cuuɗi ganndal (maison du savoir).

Le Fouta Djalon a une capitale politique (Timbo) et une capitale religieuse (Fougoumba) où se tenaient les assemblées et se prenaient les décisions.

Utiliser le prétexte de funérailles (hiwrondiral faatunnde) pour procéder à une consultation (confidentielle) et annoncer à la presse la désignation d’un notable (sans citer ni critères de sélection ni profession de foi) est une manœuvre qui n’honore ni la religion ni le Fouta Djalon.

Notre culture, nos valeurs et notre civilisation ne peuvent être souillées par ceux qui prétendent s’en réclamer.

Le moment est venu de se ressaisir et de cesser toutes les démarches qui mélangent religion, culture et ambitions personnelles – en ignorant les besoins spirituels, économiques et politiques des filles et des fils du Fouta Djalon.

Signé : Fuuta ko aldi fotti

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