Les journalistes, notamment d’investigation, en Afrique de l’Ouest paient souvent le prix fort pour leurs enquêtes et révélations, et sont victimes de persécutions, d’attaques physiques et d’arrestations arbitraires. Reporters sans frontières (RSF) se mobilise en mettant en place un réseau d’avocats pour leur proposer une assistance juridique en cas d’arrestation ou de nécessité de saisir des institutions judiciaires régionales.
C’est une initiative importante pour la protection des journalistes d’investigation en Afrique de l’Ouest. Une dizaine d’avocats mobilisés par RSF s’engagent à fournir une assistance juridique et à défendre des journalistes arrêtés arbitrairement, persécutés ou attaqués dans le cadre de leur travail.
La création de ce réseau d’avocats a aussi pour objectif de proposer aux journalistes des réunions d’informations sur leurs droits. Il a aussi vocation à mobiliser, quand nécessaire, plusieurs avocats sur une même affaire.
“Il était urgent de mettre en place un réseau permettant de répondre aux graves attaques dont sont trop souvent victimes les journalistes en Afrique de l’Ouest. Du Niger au Sénégal, des avocats reconnus dans leur pays ont accepté de répondre à notre appel et de s’engager à se mobiliser en cas de besoin pour apporter une assistance juridique à des journalistes attaqués en raison de leur travail. RSF salue leur engagement pour la protection des journalistes, dans le cadre de ce réseau qui va s’élargir pour mailler toute l’Afrique de l’Ouest, afin que les journalistes d’investigation puissent exercer leur mission d’information librement.”
Le réseau a été mis en place à l’issue d’une consultation organisée en février 2024 à Lomé, la capitale du Togo, avec des avocats expérimentés de ce pays dont Elom Kpadé, qui a défendu les journalistes d’investigation Ferdinand Ayité et Isidore Kouwonou, respectivement directeur de publication et rédacteur en chef du bi-hebdomadaire et média en ligne L’Alternative.
D’autres avocats venus du Sénégal, du Niger et du Bénin étaient également présents, ainsi que des organisations telles que la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO), le Collectif des associations contre l’impunité au Togo (CACIT), le Consortium togolais des journalistes d’enquête (Togo Reporting Post) ou encore des journalistes d’investigation qui ont plusieurs fois été victimes d’arrestations au cours de leur travail.
Un besoin crucial pour les journalistes en zones de crise
Le journaliste d’investigation togolais et directeur de publication du site d’information togolais Laabali, Édouard Kamboissoa Samboé, qui a été arrêté trois fois ces deux dernières années alors qu’il était en reportage, a pris part à la consultation. Il témoigne et plaide pour davantage d’assistance juridique dans les zones éloignées : “Je n’ai pas eu l’assistance d’un avocat, j’ai compris que les journalistes installés dans les zones de crise, éloignées des capitales, doivent impérativement en avoir. Leur sécurité en dépend.”
Un réseau nécessaire dans un contexte de recrudescence des atteintes à la liberté de la presse
Pour l’avocat sénégalais Moussa Sarr, qui a défendu plusieurs journalistes dont le directeur du site d’information Dakar Matin, Pape Alé Niang, le directeur de publication du quotidien Yoor-Yoor Bi, Serigne Saliou Guèye et le chroniqueur judiciaire de Walf TV, Pape Ndiaye, cette initiative est primordiale aujourd’hui. Surtout dans un contexte de recrudescence des atteintes à la liberté de la presse en Afrique de l’Ouest, où des autorités contournent les textes liés à la dépénalisation des délits de presse, tandis que des juntes continuent de mettre la pression sur les professionnels de l’information. “Ce réseau va donc être un cadre d’échanges d’expériences et de bonnes pratiques professionnelles pour mutualiser nos efforts, en vue d’assurer une défense efficace et efficiente pour les journalistes attaqués en justice”, estime-t-il.
Me Brice Houssou, avocat béninois qui a défendu plusieurs journalistes dans son pays, estime que certaines autorités utilisent la menace sécuritaire endémique comme prétexte pour restreindre à l’extrême les droits dont devraient normalement jouir les journalistes, dans la recherche, la collecte et la diffusion de l’information. Face à une telle situation, “la mise en place d’un réseau d’avocats, à des fins d’assistance juridique systématique, s’impose, pour aider les professionnels des médias interpellés ou poursuivis devant les tribunaux pour les infractions de presse ”, souligne l’avocat.
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Sadibou Marong
Responsable du bureau Afrique / Head of the Africa desk
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