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Quand le décret isole : un phénomène social préoccupant en Afrique et ailleurs

Dans nos sociétés africaines, les liens d’amitié et de solidarité ont toujours constitué des piliers fondamentaux. Pourtant, un phénomène social inquiétant s’installe progressivement : l’isolement progressif des nouveaux promus par décret présidentiel. Ces personnes, souvent issues de milieux modestes, modifient leurs comportements dès qu’elles accèdent à de hautes responsabilités, notamment en ne répondant plus aux appels de leurs anciens amis.

 ▪︎Une rupture brutale avec le passé.

Le phénomène est universel, mais il semble particulièrement marqué en Afrique. Dès qu’un individu bénéficie de la confiance de la plus haute autorité du pays à travers une nomination présidentielle, son réseau social se transforme radicalement. Le nouveau promu adopte souvent une posture sélective dans ses relations, priorisant les contacts « au même niveau sociétal ». Résultat : les anciens compagnons de route, ceux qui ont partagé les galères et les rêves, sont souvent relégués à l’arrière-plan, voire totalement ignorés.

« C’est comme si, à travers le décret, on recevait également une nouvelle liste d’amis à fréquenter et d’autres à oublier », confie x, un commerçant à Conakry qui a vu plusieurs de ses proches s’éloigner après leur ascension sociale.

▪︎Une double fracture sociale.

Ce comportement alimentaire est une double fracture. D’une part, il exacerbe les inégalités en renforçant l’élitisme et l’exclusion. D’autre part, il engendre une perte de confiance entre les membres d’une même communauté, créant un sentiment d’abandon et de trahison parmi les anciens amis.

Dans un contexte où les défis sociaux et économiques sont déjà importants, cette dynamique contribue à fragiliser les liens sociaux. Les anciens amis se sentent trahis et méprisés, tandis que les nouveaux promus, souvent submergés par leurs nouvelles fonctions, justifient leur comportement par des contraintes professionnelles ou des obligations de discrétion.

▪︎Un phénomène universel ?

Ce phénomène n’est pas propre à la Guinée ou à l’Afrique. Dans de nombreuses sociétés à travers le monde, l’adhésion à des responsabilités élevées entraîne souvent un éloignement des cercles amis d’origine. Cependant, la situation est amplifiée en Afrique par des attentes culturelles fortes : le succès d’un individu est perçu comme une victoire collective, et ses proches attendant qu’il continue à jouer un rôle actif dans leur vie.

▪︎Les solutions possibles. 

Pour résoudre ce problème, il est essentiel de promouvoir des valeurs d’humilité, de reconnaissance et de fidélité dans la gestion des relations sociales, quelle que soit la position occupée. Les dirigeants, qu’ils soient politiques ou administratifs, doivent se rappeler que leurs ascensions ne sont souvent possibles que grâce au soutien de leurs communautés.

« La grandeur d’un homme ne se mesure pas uniquement à sa réussite, mais aussi à sa capacité à rester fidèle à ses racines », souligne une sociologue.

En un mot comme en mille, il est temps de repenser nos rapports à la réussite et à l’ascension sociale. Car si le décret peut ouvrir des portes, il ne devrait jamais en fermer sur l’amitié et la solidarité, ces valeurs qui unissent et bâtissent des sociétés résilientes.

 

Par Aboubacar SAKHO

Juriste-journaliste