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Dubreka: Les assauts du Tribunal contre le stellionat !

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Dubreka. Sous le pied du mont Kakoulima qui culmine à 1011 mètres d’altitude. Comme cette imposante montagne, joyau de la nature, la Justice locale a décidé de prendre de la hauteur. Pendant que la contrée fourmille d’affaires domaniales, le parquet de Dubreka se lance à l’assaut des stellionataires, ces « affairistes » qui font leur beurre sur le dos des acquéreurs terriens. Vu l’engagement du Tribunal à mettre fin à cette pratique délictuelle, notre reporter a rencontré un brillant et jeune magistrat, Marwane Baldé, substitut du procureur de la République près le Tribunal de 1ère instance de Dubreka. Grande interview.

Bonjour Monsieur le substitut du procureur de la République. Présentez-vous à nos lecteurs et au public guinéen!

Bonjour Monsieur le journaliste. Je suis Marwane Baldé, Substitut du procureur de la République près le Tribunal de 1ère instance de Dubreka.

Parlez-nous de vos études universitaires et post-universitaires!

J’ai fait une partie de mes études ici en Guinée, notamment à l’université Général Lansana Conté de Sonfonia. J’y ai été titulaire d’une maîtrise. Après ce diplôme, nous avons procédé à un examen d’Etat pour la magistrature en tant qu’auditeurs de justice. À la suite du concours, nous avons été sélectionnés parmi les candidats. J’ai été déclaré admis pour la magistrature. J’ai eu à faire quelques années au Centre de formation et de documentation judiciaire (CFDJ) ayant son siège à l’enceinte de la Cour d’appel de Conakry. À l’issue de la formation dans ce centre, j’ai bénéficié d’un diplôme, un brevet de magistrat. À la suite de cela j’ai été nommé juge d’instruction, mon premier poste dans la magistrature.

J’ai été magistrat instructeur à la Justice de paix de Dubreka. Au cours de cette fonction, nous avons bénéficié d’une bourse du gouvernement français qui nous a permis d’approfondir les études en France, où j’ai eu un diplôme de l’ENM de Paris. J’ai fait un stage pratique au Tribunal de grande instance d’Amiens (toujours en France) où nous avons eu beaucoup de connaissances et de pratiques judiciaires.

Parallèlement à ces diplômes nous avons eu à faire des cours de formation dans beaucoup de centres dans la sous-région, notamment à l’académie de Gaborone sur la corruption, où j’ai bénéficié d’un diplôme des États-Unis d’Amérique. J’ai eu un séjour de formation à Dakar dans le cadre des droits de l’homme et la justice. Sans pour autant compter les autres diplômes et attestations des autres centres.

Le métier de substitut du procureur est méconnu du public. Expliquez-nous en quoi cela consiste !

Le métier en un mot c’est la magistrature. Celle-la est une profession qui englobe en son sein plusieurs secteurs. Nous avons les magistrats du siège et les magistrats du parquet. C’est comme s’il y a deux départements. Les magistrats du parquet sont des magistrats debout. Ce sont ceux-là les procureurs. Il y a des magistrats du parquet auprès des cours, notamment les procureurs généraux, et auprès des tribunaux (les procureurs de la République). Au niveau de chaque parquet, il y a un procureur de la République, qui est le chef du parquet, et ses substituts. Le substitut est un procureur. Le substitut du procureur est l’adjoint du procureur. Vous savez, à la magistrature en Guinée, il n’y a pas de carrière ; il n’y a pas de spécialisation d’autant que, du jour au lendemain, le procureur peut se retrouver président de tribunal et celui qui officiait comme président de tribunal peut être envoyé comme procureur. Personne n’est nommé pour faire uniquement la carrière de procureur. À tout moment, vous pouvez changer de fonction. Le substitut du procureur de la République est l’adjoint du procureur de la République.

Le procureur de la République est le coordonnateur du service du parquet. C’est le chef du parquet. Il coordonne les activités au même titre que le procureur général au niveau de
la Cour d’appel qui a aussi des avocats généraux et des substituts généraux. Mais pour les tribunaux de 1ère instance, il n’y a que le procureur de la République et ses deux substituts. En ce qui concerne le tribunal de 1ère instance de Dubreka, je suis le premier substitut du procureur de la République.

Merci de ces précisions. Comment se porte la justice à Dubreka ?

La justice à Dubreka se porte très bien surtout avec l’érection de la justice de paix en tribunal de première instance. Ça c’est une avancée remarquable dans le cadre du programme de la réforme judiciaire en République de Guinée. Le fait de transformer les justices de paix de Coyah, Dubreka, Pita, etc. en tribunaux de 1ère instance est quelque chose que nous saluons vraiment.

Le volume des affaires, des infractions nécessitait qu’il y ait des magistrats du siège et des magistrats du parquet, au lieu d’être dans l’unicité comme fonction d’une justice de paix où le juge de paix est à la fois juge et procureur. Il poursuit, juge et instruit en même temps. Dans un tribunal il y a les magistrats du parquet, les magistrats du siège et aussi les juges d’instruction qui sont des enquêteurs aussi. Dans une justice de paix, toutes ces casquettes sont sur le juge de paix. Voyez-vous que cette réforme engagée par le gouvernement de la République actuelle est à saluer. C’est une volonté de l’État de droit et un rapprochement de la Justice aux justiciables.

En ce qui concerne Dubreka, je note ce côté positif. Il y a aussi le fait que nous, magistrats qui animons ce tribunal, avons réussi à entretenir nos locaux. Nous avons tous contribué pour donner une bonne image de cette juridiction. Ce, parce que nous aimons notre travail. En ce qui concerne les nouvelles, les infractions, la poursuite est là. Aujourd’hui à Dubreka il y a un parquet qui poursuit toutes les infractions qui troublent à l’ordre public. Nous sommes entrain de poursuivre toutes les infractions qui troublent la société indépendamment du siège.

Nous, nous ne pouvons que constater les infractions, interpeller, déférer et traduire les auteurs qui peuvent être des suspects bénéficiant d’une présomption d’innocence jusqu’à ce qu’il y ait un jugement définitif. Mais nous jouons notre rôle avec nos officiers de police judiciaire qui sont sous notre direction. Nous veillons au respect des textes ; à une bonne application de la loi. Nous avons regard sur nos officiers de police judiciaire. Autrefois, tout seul, le juge de paix ne pouvait faire le tour de la police et de la gendarmerie pour constater, par exemple, si les délais de garde à vue sont respectés conformément au code de procédure pénale. Aujourd’hui le parquet est là pour constater ce qui se passe dans les unités.

Les conflits domaniaux et l’expropriation sont récurrents à Dubreka. Quel est votre constat en tant que magistrat ?

C’est bien vrai. Les infractions les plus courantes ou fréquentes sont des infractions liées aux affaires domaniales : le stellionat et les occupations illégales, puisque Dubreka est devenue la banlieue de Conakry de nos jours. Il y a des terres inoccupées. Il y a aussi des coutumiers qui en sont les propriétaires. Enfin, il y a des personnes, sans vergogne, qui se permettent de livrer la même parcelle à plusieurs acheteurs potentiels. Ce comportement est déjà prévu par le législateur pénal. Il a prévu ces agissements qui pourraient se réaliser dans la société. D’où le concept de stellionat. Le législateur pénal a dit que « quiconque cède un immeuble (entendez parcelle) à une personne, en sachant pertinemment qu’il n’a pas la propriété exclusive, est passible de peine de prison ».

Aujourd’hui à Dubreka et à Coyah, les registres sont remplis de ces infractions. Tout comme les infractions criminelles telles que le viol et le vol. Voilà des infractions aussi fréquentes dans le ressort de Dubreka. Très malheureusement, pour le stellionat, on ne fait pas de cette infraction un tabou. Toutes les catégories de personnes
peuvent se livrer au stellionat qui est une infraction délictuel. Quand je dis toute catégorie, auprès de la société, ce que vous y verrez même certains notables, certains religieux et certaines autorités qui sont impliqués indirectement. Ces personnes ne considèrent même pas cela comme une infraction.

Nous le parquet, nous n’avons pas autre chemin que de veiller à l’application correcte de la Loi. La Loi n’a pas de couleur. Nul n’est au-dessus d’elle. La Loi est dure mais c’est la Loi. Il y a des complicités par certaines autorités techniques qui délivrent des actes certifiant l’acquisition de parcelles. Et si ce sont les mêmes services techniques, sachant bien que cet immeuble ou parcelle a fait l’objet d’immatriculation au nom d’une autre personne et qui, malgré cela, continuent d’enregistrer la même parcelle pour le compte d’autres personnes, voilà des faits de complicité.

C’est pourquoi lorsque nous avons des éléments objectifs en face, rien ne nous empêchera d’orienter la poursuite vers ces autorités, ces différents services techniques.

Le Tribunal de 1ère instance de Dubreka ne sera pas donc clément sur le sujet. Que dire des « intouchables » qui se livrent au stellionat ?

La Loi n’exempte personne. Tout individu qui est en porte-à-faux avec elle doit subir sa rigueur. Il est vrai qu’il y a de ces personnes qui se croient au-dessus de la Loi. Mais en ce qui nous concerne, le parquet de Dubreka ne suit pas ce genre de considération partisane et subjective.

De façon générale, on croit toujours que la justice guinéenne est intimement inféodée à l’Executif. Est-ce qu’à Dubreka les autorités préfectorales s’immiscent dans les affaires judiciaires ?

À Dubreka ici, conformément à cette déclaration que vous avez apprise à vol d’oiseau, c’est tout à fait le contraire. Ici les services de l’administration et les représentants du pouvoir exécutif n’interviennent pas dans le judiciaire. Je ne sais pas quelle est la réalité dans les autres juridictions, mais à notre ressort ici, il n’y a pas eu interférence des autorités préfectorales dans les affaires judiciaires.

Par contre, même si ces autorités sont impliquées quelque part, rien n’empêchera notre parquet de déclencher la poursuite à leur égard, en utilisant une option de poursuite, sans pour autant tordre le cou à la Loi.

On constate qu’en Guinée, les décisions de justice ne sont pas suffisamment appliquées…

Généralement en Guinée, je ne dirai pas avec certitude que les décisions de justice sont suffisamment respectées. L’application de la Loi, c’est du ressort du pouvoir judiciaire. Si les magistrats en charge de respecter et faire appliquer la Loi ne l’appliquent pas, ce serait très grave et contraire à la déontologie de la profession. Ces magistrats sont passibles de poursuites disciplinaires devant le Conseil supérieur de la Magistrature.

Ce qui est clair,  en ce qui concerne Dubreka, la loi est correctement appliquée. C’est une avancée, une révolution judiciaire. J’invite tous les magistrats, où qu’ils soient en Guinée, en particulier les jeunes auxquels des postes de commandement ont été confiés, de se conformer à la Loi, de dire le droit, rien que le droit, sans passion, avec objectivité. C’est cela l’éthique de cette profession. Aujourd’hui la présence de jeunes magistrats aux postes de commandement, bien que je n’en fasses pas partie, est quelque chose de salutaire. Je salue cette initiative du gouvernement visant à promouvoir la jeunesse.

La Guinée est devenue le pays du viol et des crimes de sang impunis. Qu’en est-il au niveau de Dubreka ? Que faut-il pour inverser la tendance ?

Il y a effectivement des dispositions prévues. Puisque le principe dans notre politique pénale à Dubreka, c’est la tolérance zéro pour les affaires criminelles. Effectivement le taux d’infraction de viol n’y est pas mal. Je ne dirai pas que c’est à 100 % mais voilà, ça fait partie des
infractions les plus fréquentes. Surtout le viol sur mineure. Et tout récemment, à l’occasion de nos audiences criminelles, il y a eu des condamnations.

J’étais le représentant du ministère public à ces audiences où j’ai demandé des peines de condamnation de 20 ans de réclusion criminelle. J’ai toujours demandé la peine la plus élevée. Pas parce que le procureur est là uniquement pour mettre les gens en prison, mais les faits à eux reprochés sont de nature grave. C’est pourquoi il faut demander la peine maximale. Mais nous, nous ne pouvons que demander. C’est le jugement qui décide avec ses assesseurs. À Dubreka on ne tolère pas le viol et les crimes de sang. Les auteurs sont tous en détention. Certains sont dans la maison d’arrêt de Kindia pour purger leur peine. Très prochainement, nous allons encore relancer ces audiences criminelles, à l’intention des criminels en attente de procès. Ils ne bénéficieront d’aucune circonstance atténuante.

La Justice sénégalaise est très puissante et protège la femme. Faut-il un sursaut national pour que la Justice guinéenne fasse autant ?

Comme le Sénégal, la Guinée a son arsenal d’instruments juridiques de protection des couches vulnérables, dont les femmes et les enfants. En République de Guinée les mineurs sont protégés. Notre Etat a également souscrit aux conventions internationales en la matière. Il y a aussi le département de l’Action sociale qui veille au grain.

Avez-vous un message à l’endroit du peuple de Guinée en général et des populations de Dubreka en particulier ?

C’est un message de citoyenneté. J’invite les Guinéens à respecter les institutions, à faire montre de bonne conduite, à respecter la Loi et les autorités. Bref à mener une vie paisible de bon citoyen. Un citoyen civilisé est celui-là qui respecte la hierarchie et l’ordre naturel des choses, respecte les règles de conduite de sa société, en commençant par la cellule de base qu’est la famille. Je demande à tous de ne pas se livrer à des activités prohibées et d’éviter tout comportement de nature à troubler l’ordre public. J’engage tout le monde aux respect des Lois qui régissent la République, en ne se rendant pas justice et en ayant foi dans la Justice qui a ses représentations à tous les niveaux. J’invite les habitants de Dubreka à proscrire le stellionat. Qu’ils gardent dans l’esprit que c’est interdit par le législateur pénal ! J’exhorte l’ensemble du peuple de Guinée à la consolidation de la paix.

Propos recueillis par Sambegou Diallo

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