Suite à la sortie récente du professeur ZOGBELEMOU, ancien Garde des sceaux de notre pays, notre Goliath en droit constitutionnel, moi, jeune juriste qui pourrait être David, je réponds à l’invitation du professeur qui souhaite qu’il y’ait un débat au tour de l’actualité brulante de notre pays (Cf. sa publication du 27 mai sur plusieurs sites de la presse en ligne)
Alerte : cet article n’est pas politique, il est juridique. Il serait donc bien de ne pas voir à travers lui ces deux choses :
- il n’est pas écrit dans le but de manquer du respect au professeur ZOGBELEMOU. Il est simplement une réponse à l’invitation faite par le professeur. Son but est donc d’alimenter le débat juridique ; et
- il n’est pas non plus écrit en guise d’opposition à un éventuel énième machin. La question n’étant pas officiellement posée.
Cela dit, dans cet article, j’ai fait le choix de répondre directement aux arguments du professeur. Le lecteur pourra ainsi mieux situer l’argument et le contre argument. Aussi, certains passages de l’article du professeur qui ne me paraissent pas importants de commenter ont été retirés pour diminuer la longueur de l’article.
Tout ceci précisé, le coup d’envoi peut être donné même s’il n’y ni arbitre ni modérateur.
Cher professeur, vous dites :
On ne défend pas une constitution en la violant. Aux termes des articles 7 et 11 de la constitution de 2010, chaque citoyen est libre de croire, de penser et de professer ses opinions politiques et philosophiques ; il est libre d’exprimer et diffuser ses idées et opinions par la parole, l’écrit et l’image. Surtout quand il s’agit d’une question d’intérêt national comme l’élaboration d’une nouvelle constitution.
Je dis :
Absolument Cher professeur. Mais cela doit se faire conformément au droit positif. Je ne vous apprends certainement rien en disant que ces droits et libertés ne sont pas absolus. Pour la quiétude et l’intérêt national, ils peuvent être (ils le sont d’ailleurs) limités très souvent. C’est pour cela que la liberté d’expression est limitée par la pénalisation de certains propos. Ainsi, au nom de la liberté d’expression, il est interdit de diffamer mais aussi et surtout de faire l’apologie de certaines idéologies réputées dangereuses pour la République et les valeurs auxquelles elle s’attache (Cf. Code pénal). A ce titre, il est possible de citer comme exemple le terrorisme. Personne ne pourrait, au nom de la liberté d’opinion ou de pensée ou d’expression, faire impunément l’apologie du terrorisme. Cette interdiction est aussi valable pour tout ce qui serait de nature à mettre en danger les valeurs censées caractériser notre République à savoir la démocratie, l’état de droit, etc.
Ainsi, vous comprendrez que l’on ne puisse pas être d’accord avec quelqu’un qui fait l’apologie ou défend des thèses ou des démarches qui sont de nature à porter atteinte à l’État de droit (agir sans fondement juridique ou en contradiction au droit). S’y opposer est un acte républicain et légaliste. Ce serait une erreur d’interpréter cela comme une atteinte à la liberté d’expression des personnes. Dans une République chaque citoyen a des droits mais aussi des devoirs dont celui de respecter le droit qui fonde ses droits.
Cher professeur, vous dites :
- De quelques observations liminaires
Ces observations tendent à la clarification d’un certain nombre d’idées et de concepts dont la compréhension par certains citoyens et leaders politiques ou d’opinion crée la confusion dans le débat actuel.
Le Président ne pourrait pas proposer au Peuple une nouvelle constitution pour au moins trois raisons :
-
n
- il a déjà été élu deux fois sur la base de la constitution de 2010 ;
- il est en fin de mandat : la constitution limitant le nombre de mandat présidentiel à deux, le moment n’est plus idéal ;
- il y a les dispositions intangibles de l’article 154 de la constitution.
Cet argumentaire amène, de prime abord, à observer que les constitutions ne prévoient généralement que les modalités de leur révision ; quant à l’adoption d’une nouvelle constitution, aucune constitution ne l’interdit. Il suffit à ce sujet de se référer à l’histoire constitutionnelle des États dans le monde. L’exception américaine de la constitution de 1787 ne peut constituer une règle, encore que dans ce cas il y a eu plus d’une vingtaine d’amendements.
Relativement à ces idées, il y a lieu de rappeler, sur le premier point, que conformément aux articles 51 et 152 de la constitution de 2010, l’initiative de proposer au référendum un texte constitutionnel appartient au Président de la République et aux députés, qu’il s’agisse d’une révision constitutionnelle ou d’une nouvelle constitution. Or à date, le mandat du Président actuel n’a pas encore expiré et aucun texte juridique ne lie l’exercice de ce pouvoir d’initiative, conféré par la constitution, à la limitation du nombre de mandat présidentiel ou à la durée du mandat présidentiel.
Je dis
Non professeur. Vous faites erreur. Contrairement à est ce que vous dites l’article 51 CG ne permet pas aux ORGANES CONSTITUÉS (président et parlement notamment) de soumettre une nouvelle constitution. Il concerne exclusivement les projets et/ou proposition de loi et au mieux les projets et/ou propositions de loi constitutionnelle VISANT À RÉVISER l’actuelle constitution. IMPOSSIBILITÉ DE SOUMETTRE PAR CE BIAIS UNE NOUVELLE CONSTITUTION. LE REFERENDUM DE L’ARTICLE 51 CONCERNE LE REFERENDUM LÉGISLATIF. Sinon comment comprenez vous l’alinéa 3 de l’article 51 qui veut que la Cour contrôle la conformité du projet avec l’actuelle constitution ? Comment peut on prévoir que la Cour puisse contrôler la conformité d’un projet ou proposition d’une nouvelle constitution par rapport à une autre constitution en vigueur ? A moins que les constituants de l’actuelle constitution soient tous des incompétents, je ne vois pas comment est ce possible de le faire. Je vous rappelle juste que vous étiez membre du CNT qui a élaboré cette constitution avec le concours des experts étrangers dont l’ancien président de la Cour constitutionnelle du Bénin, le professeur Holo. Je vous fais remarquer également que même De gaulle (dont l’attitude « controversée » en 1962 semble vous avoir inspiré) n’a pas proposé une nouvelle constitution à la France par le biais de l’article 11 de la Constitution française. Il a procédé à sa révision.
Cher professeur, vous dites :
Sur le second point, la constitution n’indique pas la période au cours de laquelle peut être entreprise une initiative tendant à modifier ou à abroger la constitution : il n’existe pas de moment idéal, c’est une question d’opportunité politique, surtout lorsque le débat s’ouvre plus d’un an et demi avant l’élection présidentielle.
Je dis :
Vous avez raison mais en partie seulement. Il est vrai que la Constitution n’indique pas de période au cours de laquelle la révision de la Constitution peut être proposée. Le Président de la République détient ce droit jusqu’au dernier jour de son mandat (sous réserve des limitations de l’article 153 CG). En revanche, vous faites erreur de rajouter à cela l’abrogation. Aucun organe constitué ne peut abroger une constitution à moins d’avoir reçu expressément ce mandat du peuple (consultation populaire ou promesse de campagne).
Cher professeur, vous dites :
Il a été par ailleurs reproché que l’initiative n’a pas été prise dès 2011. A cela, on peut observer que la constitution ne datant que de mai 2010,
aucun candidat à l’élection présidentielle de 2010 n’avait dans son programme l’initiative d’une révision constitutionnelle, encore moins l’élaboration d’une nouvelle constitution. Par ailleurs, les troubles socio-politiques de 2013 et l’épidémie de fièvre à virus Ebola à partir de 2014 n’auraient pas permis avant 2015, année de l’élection présidentielle, d’entreprendre une initiative constitutionnelle.
Je dis
Votre analyse est intéressante mais incomplète. Car, le problème avec ceux qui veulent donner ce droit à un pouvoir constitué est qu’ils oublient qu’en 2015 aucun candidat à l’élection présidentielle n’avait proposé une nouvelle Constitution. Si cela avait été fait, l’élection de la personne qui portait ce projet aurait pu être interprétée comme une adhésion de la majorité à l’idée d’une nouvelle constitution. Cette personne serait alors fondée pour mettre en place un pouvoir constituant originel qui travaillerait sur une nouvelle constitution qu’il pourrait alors faire adopter par le peuple. Mais, cela n’étant pas fait. Aucun pouvoir constitué ne peut sur la base de l’actuelle constitution user de ce droit. S’il veut le faire, il lui faudra solliciter le peuple à cet effet. Cela revient à dire, qu’aussi longtemps que nous serons dans une période normale et sous le régime de l’actuelle Constitution, le pouvoir constituant qui souhaite proposer une nouvelle constitution doit obtenir ce mandat du peuple. De plus, je vous frais remarquer que les références faites à certains pays pour affirmer que le président dispose de ce droit ne tiennent pas. Les personnes qui les font oublient souvent que dans ces pays, les acteurs (président de la République) qui ont exercé ce droit l’avait annoncé pendant la campagne présidentielle précédente. Ainsi, Ouattara avait promis pendant la campagne que s’il est élu, il proposerait au peuple une nouvelle constitution. Son élection était ainsi une marque d’adhésion à son projet
Cher professeur, vous dites :
L’idée de règles supra-constitutionnelles reflétant des valeurs sociales est une idée relative, surtout quand il s’agit d’une constitution comme celle de 2010 dont le reproche majeur est de n’avoir pas été adoptée par référendum.
Je dis
Vous avez raison professeur. Personnellement j’ai des réserves quant à la prise en compte de valeurs sociales pour l’élaboration d’une nouvelle constitution. Cela dit, je relève juste que le reproche que vous évoquez à présent comme majeur vous semblait minime en 2013 (voir en ce sens l’article que vous avez publié dans la revue ivoirienne d’informations juridiques et judiciaires pages 85, 86 et 87). Alors, certes, vous avez le droit de faire évoluer votre position, mais, faites nous le plaisir de nous expliquer les raisons avec des arguments objectifs.
Cher professeur, vous dites :
- Sur la proposition d’une nouvelle constitution au peuple de Guinée
Le débat porte bien sur la question, non d’une révision constitutionnelle au sens de l’article 152 de la constitution de 2010, mais d’une nouvelle constitution. Une révision constitutionnelle laisse subsister la constitution, elle n’affecte que certaines de ses dispositions.
Je dis :
Merci professeur de dire que l’article 152 concerne la révision de la Constitution. Prière donc aux personnes qui prennent vos propos comme l’évangile d’arrêter désormais de nous parler de l’article 152 CG, car, vous, leur pape, avez fait cette prêche.
Cher professeur, vous dites :
L’âpreté du débat tient au fait que la notion de constitution est liée dans les sociétés modernes à celle de la démocratie qui apparaît comme sa finalité. La constitution a donc une fonction politique, elle est porteuse d’un projet de société.
Aussi pour sortir d’un régime d’exception, d’une crise politique ou de la dénaturation d’une
constitution consécutive à une pratique politique en marge des textes juridiques (accords politiques), il peut apparaître nécessaire d’établir une nouvelle constitution pour revenir à un ordre constitutionnel normal tirant les leçons des événements de la vie socio-politique du pays.
Je dis :
Rien de cela n’est le cas en Guinée. Nous ne sommes pas dans un régime d’exception mais sous la troisième République. Il n’y a pas de crise politique et la faible dénaturation de la constitution par une pratique politique (accords politique) ne peut être mise en avant pour rendre nécessaire une nouvelle constitution, car, dans ce cas, l’urgence n’est pas une nouvelle Constitution mais l’application effective et rigoureuse de l’actuelle.
Cher professeur, vous dites :
La constitution de 2010, dont l’abrogation est visée par l’établissement d’une nouvelle constitution, est une constitution de sortie d’un régime militaire d’exception instauré après le coup d’État du 23 décembre 2008 consécutif au décès du Président Lansana CONTE : elle a été rédigée dans la précipitation par le Conseil national de la transition, installé seulement le 13 mars 2010 pour préparer les bases juridiques (y compris le code électoral) d’une élection présidentielle dont le premier tour était prévu pour fin juin 2010 car la déclaration de Ouagadougou du 15 janvier 2010 avait fixé à cet effet un délai de six mois.
Si par sa composition sociologique, la légitimité du Conseil national de la transition, (devenue assemblée constituante souveraine) était moins contestable, en revanche la non maîtrise de l’articulation entre les différentes institutions constitutionnelles de l’État et la défense des intérêts catégoriels ou politiques ont conduit à un processus d’écriture relevant bien plus de la perception des acteurs sociaux composant le CNT que de la réalité politique.
Dans ces conditions, l’écriture d’une constitution par une élite politique seule justifie la conclusion d’un nouveau pacte politique.
Il a, en effet, été régulièrement fait grief à la constitution de 2010 d’avoir été adoptée par une assemblée non élue ou par voie décrétale, de sorte que la non-organisation d’un référendum constitutionnel affecte, selon les critiques, la légalité de ladite constitution. Dans un article publié en France dans la Revue Juridique et Politique des États Francophones en 2013 (n°2, page 195), et consacré au contexte et innovations de la constitution guinéenne de 2010, j’avais analysé les conditions (contraintes financières et de temps, en particulier) dans lesquelles cette constitution a été rédigée et qui explique le non-recours au référendum.
Je dis :
Soit, cher professeur. Néanmoins, je vous fait remarquer : i) il faut que cela se fasse conformément au droit ; et ii) ce n’est pas ce que vous disiez il y’a quelques temps dans la revue juridique précitée. A l’époque vous disiez « la Constitution de 2010 marque un tournant réel dans la vie politique du pays dans le sens de la construction de l’état de droit et d’un ancrage social de la démocratie ». Vous disiez aussi que « la constitution a été élaborée après avoir consulté plusieurs constitutions africaines et les multiples propositions des guinéens de l’étranger et des ONG nationales, de même que les contributions de simples citoyens guinéens ». Vous comprendrez donc qu’il peut être difficile pour nous d’accepter que vous nous dites aujourd’hui que cette constitution a été rédigée dans la précipitation.
De même concernant sa non adoption par référendum, je vous rappelle que dans l’histoire constitutionnelle de notre pays, c’est seulement la constitution de 1990 qui a été adoptée par référendum. Et, même si c’est l’idéal, il n’est pas obligatoire qu’une constitution soit adoptée par référendum. Si un organe représentatif du peuple a ce mandat, il peut l’exercer valablement. Des exemples de cette pratique existent et la doctrine le conçoit (A toutes fins
utiles, voir en ce sens les ouvrages de droit constitutionnel notamment ceux des professeurs Gicquel et/ou du professeur Louis Favoreu).
Cher professeur, vous dites :
L’occasion serait donc opportune de restaurer le Peuple dans ses prérogatives de détenteur du pouvoir constituant originaire.
Je dis
Le peuple est déjà dans ses prérogatives. Maintenant si vous poursuivez d’autres buts, inutile de se cacher derrière cet argument.
Cher professeur, vous dites :
Par ailleurs, la constitution de 2010 est souvent critiquée pour son manque de clarté quant à la définition des rapports entre le Président de la République et le Premier ministre (dont la fonction a été pour la première fois constitutionnalisée), notamment en matière de nomination des cadres de l’administration publique, des forces de défense et de sécurité et de conduite du dialogue avec les partenaires sociaux.
Je dis :
Non professeur, en ces matières la Constitution n’est pas confuse. Je vous explique.
- Concernant la nomination des cadres de l’Administration publique, la Constitution dit expressément dans son article 46 que le président nomme en Conseil des ministres aux emplois civils DONT LA LISTE EST FIXÉE PAR UNE LOI ORGANIQUE. Dans le même sens l’article 58 dispose que le Premier ministre dispose de l’Administration et nomme à tous les emplois civils excepté ceux réservés au président de la République. Partant, il n’y a pas de confusions. C’est la non adoption de la loi organique prévue à l’article 46 précitée qui annihile l’application des prévisions constitutionnelles et biaise les rapports entre le président de la République et le Premier ministre. Si la loi organique avait été prise comme le prévoit la Constitution chacun des deux têtes de l’exécutif aurait su clairement à quels postes il pouvait exercer son pouvoir de nomination. Ce n’est pas donc la faute à la Constitution. Elle est même victime car en l’espèce elle n’a pas été respectée. D’ailleurs, je vous fais remarquer que dans la plupart des constitutions le pouvoir de nomination est partagé exactement comme l’a fait notre constitution.
- Concernant les nominations des forces de défense, je ne comprends pas non plus quand vous dites qu’il y’a une ambiguïté de la Constitution. Je constate juste de mon côté que l’article 47 de la Constitution dispose que le Chef de l’État nomme à tous les emplois militaires. Et, sauf erreur de ma part, en aucun cas il n’est dit ailleurs dans la Constitution que le Premier ministre détient un pouvoir concurrent à celui du PRG en la matière. Je ne vois donc pas d’ambiguïté au plan constitutionnel, et
- je ne vois pas l’ambiguïté de la constitution pour ce qui concerne le pouvoir du Premier ministre de conduire le dialogue social avec les partenaires sociaux. Cela ne relève en aucun cas du pouvoir présidentiel. Si la pratique a favorisé cela ce n’est pas parce que la Constitution a des failles, c’est parce qu’on ne la respecte simplement pas.
Cher professeur, vous dites :
En particulier au niveau des attributions, une confusion s’est glissée dans la rédaction des articles 45 alinéa 4 et 52 alinéa 2 : alors qu’elle déclare que ‘’le Président de la République détermine et contrôle la conduite de la politique de la Nation’’ (article 45 alinéa 4), la constitution affirme dans le même temps que ‘’le premier ministre est chargé de diriger, de contrôler, de coordonner et d’impulser l’action du gouvernement’’ (article 52 alinéa 2).
Je dis
Oui professeur, à ce niveau il y’a une ambiguïté. Mais, je me demande comment cela a pu passer alors que le CNT était composé de ce que le pays espérait avoir de mieux en matière de droit constitutionnel dont vous, le professeur Sylla, le magistrat Thiam, etc. Cela dit, cette lacune peut être résolue par une simple révision
constitutionnelle sur la base de l’article 152 CG.
Cher professeur, vous dites :
Une clarification s’impose d’autant plus que le Premier ministre, nommé par le Président de la République, est responsable devant celui-ci qui peut le révoquer (articles 52 et 53 de la constitution de 2010).
Je dis
Ce reproche ne peut être fait à la Constitution mais à ceux (dont vous) qui l’ont rédigé. Ce n’est pas elle qui a dit je veux créer un PM qui dépend entièrement du président de la République. Vous ne pouvez donc pas dire que c’est de sa faute. C’est plutôt celle de ceux qui ont fait ce choix. Il faut dire qu’il y’a eu là un problème de vision. Car, espérer qu’un PM entièrement dépendant du PRG sera émancipé relève de l’utopie. En cette matière le pouvoir constituant n’a pas tiré les conséquences de notre histoire compliquée avec les PM, mais, surtout, il n’a pas tenu compte des revendications du peuple en 2007, lesquelles avait esquissé le profil de PM dont le peuple avait besoin : un véritable chef de Gouvernement capable d’exister sans être étouffé par le PRG (voir en ce sens les accords tripartites de 2007).
Cher professeur, vous dites :
Au-delà des griefs que les uns et les autres peuvent alléguer à l’encontre de la constitution de 2010, force est de reconnaître que les différents accords politiques conclus ont mis en mal les fondements juridiques du pays. Une réflexion s’imposerait dans le cadre d’une nouvelle constitution pour refonder l’État de droit, hors de la pression d’une élection présidentielle à tenir dans l’immédiat, et ce dans le sens d’une modernisation plus accrue des institutions.
Je dis
Non Professeur, les accords politiques ne peuvent justifier un changement de constitution. Il faut plutôt arrêter les accords politiques contraires à la Constitution. L’urgence est là.
Cher professeur, vous dites :
L’occasion serait opportune pour évoquer, en plus des problèmes ci-dessus, d’autres questions comme la notion d’institutions républicaines étendue aujourd’hui à toutes les institutions créées par la constitution. La mode constitutionnelle des années 1990 avait conduit à l’insertion dans la constitution de structures d’Etat chargées de l’exécution de services publics relevant traditionnellement de l’administration publique. Il faut clarifier les choses pour ne retenir que les institutions inhérentes à l’existence même de l’Etat à travers ses fonctions découlant de la séparation des pouvoirs. L’incidence financière de la multiplication des institutions constitutionnelles devrait être appréciée.
Je dis
Cher professeur, peut être qu’il y’a en effet plusieurs institutions dans notre constitution et que certaines auraient pu être régies par des dispositions exclusivement législatives. Mais, je vous fais remarquer que là aussi c’est le choix du pouvoir constituant dont vous étiez membre. Plus encore, je vous rappelle que dans la revue ivoirienne précitée vous présentiez ces structures comme des « innovations » utiles de la nouvelle Constitution (page 87 de la revue).
CHER PROFESSEUR, Vous dites
NOS POPULATIONS ONT ACQUIS UNE CERTAINE MATURITÉ GRÂCE AUX MOYENS DE COMMUNICATION MODERNES : IL FAUT DONC ÉDIFIER LEUR OPINION ET LES LAISSER DÉCIDER
Je dis
Absolument et c’est pour cela qu’il faut être TRÈS RIGOUREUX dans les analyses juridiques
Cher professeur, vous dites :
Par ailleurs, il faudrait tirer les leçons :
- de la pratique de certaines dispositions comme la déclaration de politique générale du Premier ministre après sa nomination (article 57 de la constitution) : le vécu de cette prescription constitutionnelle invite à revoir le mécanisme de façon à permettre à l’Assemblée nationale, à travers une résolution, de donner son
appréciation générale de la politique présentée et de faire des suggestions au gouvernement.
Je dis
Cher professeur, ce que vous demandez n’est pas interdit par l’actuelle constitution. Nulle part. Rien d’interdit aux députés de voter une résolution (qui par principe n’a pas force de loi) dans laquelle ils feraient des propositions au PM. Je vous rappelle que la déclaration du PM est même suivie d’un débat (sans vote). Si c’est seulement pour permettre aux députés de s’exprimer sur le sujet, ils ont donc ce droit. Mais si vous voulez qu’il leur soit reconnu le pouvoir de l’adopter ou de le rejeter, il faudrait le dire. Tout en sachant que cela fera évoluer notre régime vers ce qu’on qualifie de régime parlementaire. Personnellement, j’avoue que je trouve certaines vertus à cette forme de régime.
- de la qualité de la production législative quand on sait de l’Assemblée Nationale ne travaille qu’au cours de deux sessions ordinaires de six mois en tout sur douze, hormis quelques sessions extraordinaires ;
Je dis
L’instauration d’une session unique pourrait être en effet utile, mais cela n’est pas une garantie de la qualité des textes législatifs. C’est à l’échelle et à l’intérieur du parlement qu’il faut agir. Je vous rappelle que l’essentiel de la procédure légisaltive est régit par une loi organique qui est le règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
- du fonctionnement de certaines institutions comme la Cour constitutionnelle dont les crises internes ont largement affecté la crédibilité : la composition et surtout le renforcement du contrôle du respect des règles de désignation des membres pourraient être revus.
Je dis
Alors concernant la Cour constitutionnelle, il y a en effet un souci. Le pouvoir constituant de 2010 a fait du vrai n’importe quoi à ce niveau, surtout par rapport à la durée des mandats et le processus de renouvellement de la Cour. La crise qui a secoué l’institution à l’occasion de son premier et dernier renouvellement est ainsi imputable aux lacunes du pouvoir constituant qui a prévu des dispositions ambiguës voire contradictoires.
Cher professeur, vous dites :
Dans l’euphorie de l’établissement de la constitution de 2010, certaines dispositions qui relèvent normalement de lois organiques ou ordinaires, y ont été insérées. C’est le cas, par exemple, de la composition du Conseil supérieur de la magistrature, si bien que la réforme de la composition dudit conseil arrêtée au cours d’un atelier organisé avec l’assistance d’un expert de l’Union Européenne, n’a pu être mise en œuvre.
Ce serait aussi l’occasion d’agir en consolidation et renforcement des droits des citoyens au plan du respect de leur intégrité physique, du droit à un procès équitable dans un délai raisonnable, etc. Le principe de la laïcité de l’État devrait être proclamé avec force. Et surtout, la question importante de la parité homme-femme, qui vient de faire l’objet d’une loi, devrait être abordée dans l’optique de la conciliation entre les principes d’égalité et d’équité par rapport au genre dans les organes et assemblées délibérants.
La vocation panafricaniste de la Guinée, consacrée par les constitutions de 1958 et 1982, mais abandonnée dans les constitutions de 1990 et 2010, pourrait être réaffirmée.
Je dis
Professeur votre objectif est ailleurs. Avouez le. Tout ce que vous dites ci-dessus est déjà consacré dans la Constitution. Je vous l’illustre :
- l’intégrité physique des citoyens est préservée par l’article 5 de la Constitution,
- le droit à un procès juste et équitable se trouve dans l’article 9 de la Constitution,
- la laïcité est fortement consacrée, elle est même une intangibilité constitutionnelle (article 154 de la Constitution), il n’est donc pas possible de faire mieux.
Pour la
question de la parité homme – femme, pourquoi pas ? Mais allons nous adopter une nouvelle constitution pour cela alors qu’une révision le permet ? D’ailleurs, est ce une urgence capitale ? Surtout que, comme vous le dites vous même, la question vient de faire l’objet d’une loi. N’est ce pas suffisant si elle est appliquée ?
Cher professeur, vous dites :
- Sur la procédure à suivre
Le débat ne concernant pas une révision de la constitution de 2010 mais l’établissement d’une nouvelle constitution, les dispositions des articles 152 à 154 de la constitution relatives à la procédure et aux limites matérielles et temporelles de la révision, ne peuvent trouver à s’appliquer.
L’élaboration d’une nouvelle constitution, à l’initiative du Président de la République, a donc pour base légale l’article 51 de la constitution qui dispose que :
« Le Président de la République peut, après avoir consulté le Président de l’Assemblée Nationale, soumettre à référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur la protection et la promotion des libertés et droits fondamentaux, ou l’action économique et sociale de l’Etat, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité.
Il doit, si l’Assemblée Nationale le demande par une résolution adoptée à la majorité des deux tiers des membres qui la composent, soumettre à référendum toute proposition de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ou concernant les libertés et les droits fondamentaux.
Avant de convoquer les électeurs par décret, le Président de la République recueille l’avis de la Cour constitutionnelle sur la conformité du projet ou de la proposition à la constitution.
En cas de non-conformité, il ne peut être procédé au référendum.
Lorsque le référendum a conclu à l’adoption du projet ou de la proposition, la loi ainsi adoptée est promulguée dans les conditions prévues à l’article 78 ».
Contrairement à ce qui a pu être soutenu, le pouvoir du Président de la République de proposer une nouvelle constitution à la consultation populaire repose sur l’article 51 et non sur les articles 2 alinéa 1er et 21 alinéa 1er de la constitution de 2010, qui sont relatifs à la souveraineté du Peuple dans la libre détermination de ses choix politiques, donc autorisent le recours aux consultations populaires.
De ce texte, il résulte que l’initiative du référendum constitutionnel appartient concurremment au Président de la République (alinéa 1er) et à l’Assemblée Nationale (alinéa 2).
Le référendum doit, dans son objet, porter notamment sur l’organisation des pouvoirs publics ou sur la promotion et la protection des libertés et droits fondamentaux. Or de par son essence, la constitution, au sens matériel, est l’ensemble des règles relatives à la dévolution et à l’exercice du pouvoir politique, donc des règles relatives aux organes de l’État, à leur désignation, à leur compétence et à leur fonctionnement.
Je dis
Je recopie mon précédent commentaire (page 2).
Non professeur. Vous faites erreur. Contrairement à est ce que vous dites l’article 51 CG ne permet pas aux ORGANES CONSTITUES (président et parlement notamment) de soumettre une nouvelle constitution. Il concerne exclusivement les projets et/ou proposition de loi et au mieux les projets et/ou propositions de loi constitutionnelle VISANT À RÉVISER l’actuelle constitution. IMPOSSIBILITÉ DE SOUMETTRE PAR CE BIAIS UNE NOUVELLE CONSTITUTION. IL S’AGIT D’UN REFERENDUM LÉGISLATIF. Sinon comment comprenez vous l’alinéa 3 de l’article 51 qui veut que la Cour contrôle la conformité du projet avec l’actuelle constitution ? Comment peut on prévoir que la Cour puisse contrôler la conformité d’un projet ou proposition d’une nouvelle constitution par rapport à une autre constitution en vigueur ? A moins que les
membres du pouvoir constituant qui ont rédigé l’actuelle constitution soient tous des incompétents, je ne vois pas comment est ce possible de le faire. Je vous rappelle juste que vous étiez membre du CNT qui a élaboré cette constitution avec le concours des experts étrangers dont l’ancien président de la Cour constitutionnelle du Bénin, le professeur Holo. Je vous rappelle que même De gaulle (dont l’attitude « controversée » en 1962 semble vous inspirez) n’a pas proposé une nouvelle constitution à la France par le biais de l’article 11. Il a procédé à sa révision.
Cher professeur, vous dites :
Cependant dans l’exercice de cette attribution constitutionnelle, le Président de la République doit respecter une double formalité substantielle :
- la consultation préalable du Président de l’Assemblée nationale pour un avis consultatif (non conforme) sur le projet de référendum constitutionnel ;
- l’avis conforme de la Cour constitutionnelle sur le projet avant la convocation du corps électoral par décret.
Je dis
L’avis conforme de la Cour par rapport à quoi ? La Cour va comparer l’hypothétique nouvelle Constitution à l’actuelle ? Ça n’a pas de sens cher professeur. Comment contrôler la conformité d’une nouvelle constitution par rapport à l’ancienne ? Un peu plus de rigueur. Plus encore, supposons que l’on accepte votre théorie, qu’elle sera la suite ? La Cour va contrôler l’hypothétique nouvelle constitution, et de deux chose l’une :
- si celle-ci est identique avec l’actuelle, aurait elle un intérêt ? Si elle doit est différente mais conforme aux procédures et aux exigences (notamment les intangibilités) établies par l’actuelle, il ne s’agirait plus de nouvelle mais d’une révision de l’actuelle ; et/ou
- si l’hypothétique nouvelle constitution est différente, il serait donc impossible d’organiser le référendum car en la matière l’avis obligatoire de la Cour est contraignant pour l’exécutif.
Cher professeur, vous dites :
Ces formalités accomplies, le référendum constitutionnel peut valablement avoir lieu.
Je dis
Cher professeur, un référendum constitutionnel visant à réviser l’actuelle Constitution peut avoir lieu. Il peut l’être sur la base de l’article 152 CG. L’article 51 concerne le référendum législatif. C’est cela le droit.
Cher professeur, vous dites :
En définitive, le débat actuel doit être conduit avec sérénité, sans passion ; l’intoxication et les menaces ne doivent être de mise comme on le constate sur le web et les réseaux sociaux : la qualité du débat doit reposer sur la confrontation des idées, de façon à éclairer le peuple sur les enjeux de toute consultation populaire.
Il appartient à l’élite d’agir avec moins de subjectivité et plus d’objectivité, car la décision appartient au Peuple, en application des articles 2 alinéa 1er, 21 alinéa 1er, 51 alinéas 1er et 2 et 152 alinéa 2 de la constitution de 2010.
Je dis
Très bien cher professeur, vous avez ouvert le débat, je propose qu’on le poursuive avec ce droit de réponse. Sur toutes ces questions et sur mes propos, si vous n’êtes pas d’accord, respectueusement, je vous invite à poursuivre le débat. Vous le Goliath et moi le David.
David/Cellou DIALLO
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