Le musicien sud-africain Johnny Clegg, surnommé le « Zoulou blanc », est décédé, mardi, des suites d’un cancer à l’âge de 66 ans. Musicien engagé, il incarnait avec ses chansons la résistance à l’apartheid puis la réconciliation.
L’Afrique du Sud vient de perdre une icône. Le chanteur Johnny Clegg est décédé, mardi 16 juillet, d’un cancer, à l’âge de 66 ans.
« Johnny est décédé paisiblement aujourd’hui, entouré de sa famille à Johannesburg (…), après une bataille de quatre ans et demi contre le cancer », a déclaré son manager Roddy Quin sur la chaîne de télévision publique SABC.
« Il a joué un rôle majeur en Afrique du Sud en faisant découvrir aux gens différentes cultures et en les rapprochant », a-t-il ajouté dans un communiqué. « Il nous a montré ce que cela signifiait d’embrasser d’autres cultures sans perdre son identité ».
Un mélange inédit des cultures
Musicien engagé, Johnny Clegg incarnait en effet avec ses chansons, mélange inédit de rythmes zoulou et de pop occidentale, la résistance à l’apartheid puis la réconciliation. Longtemps victime de la censure en Afrique du Sud, il a connu le succès à l’étranger avant d’accéder au statut de star dans son pays.
Pendant les pires heures du régime raciste, ses chansons ont été interdites. Pour contourner la censure, il a été contraint de se produire avec son groupe Juluka, formé avec le musicien zoulou Sipho Mchunu, dans les universités, les églises, les foyers de migrants et chez des particuliers.
Malgré tout, l’intraitable police de l’apartheid a interdit certains de ses concerts et le chanteur a été à plusieurs reprises arrêté, accusé de violer les lois sur la ségrégation raciale. Le gouvernement raciste blanc ne pouvait pas non plus tolérer qu’un des siens puise son inspiration dans l’Histoire et la culture zoulou.
Des tubes planétaires
À l’étranger pourtant, et notamment en France, Johnny Clegg a rapidement trouvé un public. En 1982, la sortie de son album « Scatterlings of Africa » le propulse en tête des hit-parades en Grande-Bretagne et en France.
Cinq ans plus tard, il s’affirme comme un artiste « politique » avec le titre « Asimbonanga » (« Nous ne l’avons pas vu », en langue zoulou), tube planétaire dédié à Nelson Mandela, le héros de la lutte anti-apartheid alors emprisonné à Robben Island (Afrique du Sud). La seule évocation du chef du Congrès national africain (ANC) est alors strictement interdite. Le régime de Pretoria bannit le titre.
Quelques années après la fin de l’apartheid, l’auteur et le héros de cette chanson, désormais libre, s’étaient retrouvés sur scène à Francfort , en Allemagne, pour un concert aussi magique qu’inattendu. Alors que Johnny Clegg chantait « Asimbonanga », le public s’était levé comme un seul homme. « J’ai aperçu du coin de l’œil quelqu’un derrière moi qui était en train de monter sur la scène, en dansant (…). C’était Mandela ! Ça a été un choc. Je ne savais même pas qu’il était là », avait raconté Johnny Clegg à l’hebdomadaire français Le Nouvel Observateur. À la fin de la chanson, Mandela avait lancé de sa voix posée, au micro : « C’est la musique et la danse qui me mettent en paix avec le monde. »
Un parcours atypique
Né en 1953 au Royaume-Uni d’un père britannique et d’une mère zimbabwéenne, chanteuse de jazz de cabaret, Johnny Clegg débarque à l’âge de 7 ans dans une Afrique du Sud où la minorité blanche règne en maître absolu sur la majorité noire. Initié aux cultures locales par son beau-père journaliste, Johnny Clegg assure que son refus de l’apartheid n’a rien de politique.
Les yeux ouverts dans
un pays borgne, il se glisse dès 15 ans dans les foyers de travailleurs noirs, au mépris des interdits. Là, il découvre les danses et les mélodies zoulou et s’invite secrètement pour danser avec les troupes traditionnelles. Quand l’apartheid tombe définitivement en 1994, « c’est comme si nous étions tous nés une seconde fois », confiera-t-il.
Un article de France24 avec AFP