Où sont ceux qui disaient « Je suis Charlie » sur les réseaux sociaux ? Qu’attendent-ils pour déclarer haut et fort « Je suis musulman de Bayonne » ? Où sont les hommes politiques français qui faisaient l’amalgame entre les terroristes islamistes et toute la communauté musulmane ? Tolèrent-ils le terrorisme quand les victimes sont musulmanes ? Où sont les présidents étrangers qui avaient fait le déplacement en France pour condamner le terrorisme contre les journalistes de Charlie Hebdo ? Vont-ils se rendre en France pour manifester contre le terrorisme islamophobe qui prend son envol ? L’attentat commis contre les musulmans à Bayonne n’est que la partie visible de l’iceberg généré par une banquise islamophobe, froidement entretenue par des politiciens et des idéologues de la haine.
Du discours islamophobe aux attentats islamophobes.
Le terrorisme doit être combattu sous toutes ses formes, quelles que soient l’origine, la nationalité ou la religion des auteurs et des victimes. Le rejet sélectif de la haine religieuse aura l’effet pervers de produire encore plus haine. Quand les auteurs des attentats perpétrés au nom de la religion ou de la xénophobie sont musulmans, toute la communauté internationale s’indigne et se mobilise. Quand les victimes de ces attentats sont des musulmans, la mollesse des réactions et le silence de ceux qui combattent intellectuellement, politiquement, et militairement le terrorisme musulman, sont déconcertants. Certains se disent probablement « c’est bien fait pour leurs gueules ». Dans leurs petites cervelles, les barbaries et crimes odieux perpétrés par des fanatiques musulmans justifient la haine contre l’Islam et tous les musulmans. Assoiffés de vengeance, ils bénissent ou enclenchent des guerres contre les communautés musulmanes, au nom de la lutte contre le terrorisme ; favorisent des guerres civiles dans ces communautés, pour affaiblir l’Islam ; et votent des lois dans leurs pays pour restreindre ou anéantir l’exercice du culte musulman. Dans leur élan, ils entrainent une grande partie de leurs populations qui, décomplexée de sa haine contre l’Islam, approuve les lois islamophobes, exprime librement des propos islamophobes dans les medias (Eric Zemmour et consorts), ou passe à l’acte par des agressions (Julien Odoul, élu du Rassemblement National au Conseil régional de Bourgogne-France comté, qui a agressé publiquement une musulmane voilée devant son fils), ou des attentats contre les musulmans et leurs lieux de culte (Le terroriste Claude Sinké à Bayonne) . Ils plongent la France dans un spectre islamophobe nauséabond. Ceux qui y nourrissent le discours et l’idéologie islamophobes sont aussi responsables que ceux qui y commettent des attentats antimusulmans. Ils devraient être pénalement punis, au même titre que les terroristes.
Qu’on ne nous serve pas le déséquilibre mental pour expliquer l’attentat du terroriste christianiste de Bayonne.
Claude Sinké, le terroriste christianiste de Bayonne, explique son passage à l’acte par sa volonté de venger l’incendie de Notre Dame de Paris, dont il attribue la responsabilité aux musulmans. Ce mobile, clair et réfléchi, ne laisse aucune place au déséquilibre mental. Au moment de l’incendie de Notre Dame de Paris, beaucoup de français pensaient, comme lui, que c’est l’œuvre de terroristes musulmans. Ce qui ne fait pas d’eux des fous. Leur doute était légitime, après les attentats odieux commis en France par des fanatiques musulmans. Par ailleurs, ce terroriste christianiste, âgé de 84 ans, ne faisait pas l’objet d’un signalement ou d’un suivi psychiatrique pour démence ou altération partielle des facultés mentales. Comment serait-il devenu subitement un déséquilibré mental, pour avoir commis un attentat contre les musulmans ? Une telle approche permettrait de disculper tous les terroristes islamistes. Des attentats de Charlie Hebdo aux attentats de Nice, en passant par ceux du Bataclan, aucun terroriste ne pouvait bénéficier
de l’irresponsabilité pénale pour cause de déséquilibre mental. On ne peut pas excuser les actes de criminels, qui programment sciemment et lâchement de tuer des gens, par une interprétation médicale leur état psychique post-attentat. Si on faisait passer des examens psychiatriques aux terroristes musulmans de Daesh ou de Boko Haram, des médecins auraient probablement conclu que certains sont tellement aveuglés par leur fanatisme religieux qu’ils n’ont plus une capacité de discernement pour mesurer la gravité de leurs actes. Est-ce que cela justifie ou explique leurs barbaries ? Aucunement ! Le terroriste christianiste de Bayonne préside une association et avait été candidat du Front national aux élections départementales de 2015, lors desquelles il avait obtenu 17% des suffrages dans son canton. S’il était fou, comment ce parti, ni les électeurs qu’il a convaincus, ni les autorités, ni les membres de son association n’ont pu détecter en lui des signes de démence ? Des armes et des grenades d’exercice ont été retrouvées chez lui. Elles étaient déclarées. Comment les autorités françaises auraient-elles pu autoriser à un déséquilibré mental, de surcroît militant d’extrême droite, de posséder de telles armes ? L’irresponsabilité pénale de ce terroriste engagerait nécessairement la responsabilité de ceux qui lui ont permis de briguer un mandat politique et de posséder des armes avec lesquelles il pouvaient massacrer des dizaines de musulmans. Il est d’usage de manipuler l’irresponsabilité pénale de certains criminels, pour calmer les tensions sociales ou minimiser les répercutions de leurs actes sur un intérêt général ou politique, ou sur la réputation d’un pays. La France ne gagnerait pas à surfer sur cette vague.
Le Sénat français serait-il éclaboussé par la vague islamophobe ?
Au nom de la laïcité, le Sénat français, reprenant un amendement du sénateur « Les républicains » Jérôme Bascher, a voté une proposition de loi interdisant le port de signes religieux aux parents accompagnateurs lors des sorties scolaires. C’est malsain de détourner la finalité de loi pour exprimer une haine contre les musulmanes voilées. Avec des débats bidons et ridicules sur la laïcité, qui visent en réalité à restreindre l’exercice du culte musulman dans l’espace public, la France va se mordre la queue en piétinant des principes fondamentaux et constitutionnels qu’elle aime bien vendre au reste du monde : liberté de conscience, liberté religieuse, interdiction des discriminations en fonction de l’origine ou de la croyance, etc. La droite française, représentée par le parti « Les républicains », vient de faire preuve d’une lâcheté inouïe. Les sénateurs de ce parti on fait preuve d’une irresponsabilité politique sans précédent au parlement français. Le port de signes religieux est interdit aux agents et aux intervenants du service public de l’éducation, à qui la loi de 1905 sur la laïcité impose le principe de la neutralité religieuse. Depuis 2004 des lois interdisent le port de signes religieux dans les écoles, de même que la pratique du prosélytisme aux abords des établissements scolaires. Même si la neutralité religieuse concerne aussi les activités scolaires en dehors des établissements, les femmes musulmanes voilées qui accompagnent les élèves lors des sorties scolaires ne sont pas des collaborateurs du service public de l’éducation, contrairement à que prétendent des sénateurs de droite. En 2013 le Conseil d’Etat s’est prononcé dans ce sens dans un rapport où il est clairement indiqué que les accompagnateurs des sorties scolaires ne sont pas des collaborateurs du service public, et ne sont donc pas tenus à l’obligation de neutralité religieuse.
L’objectif de cette loi n’est pas de combattre la radicalisation et le communautarisme. Le parti « Les républicains », qui risque la déconfiture, essaie de ressusciter son âme en instrumentalisant la laïcité. En forçant la polémique et en montrant des muscles par une stratégie d’exclusion des musulmanes voilés de la société française, ce parti prospecte
des clients d’extrême droite. Il fait de la concurrence au Rassemblement National (Ex Front National de la famille Le PEN), et espère attirer ses électeurs lors des prochaines élections. En effet, cette proposition de loi, mortifère pour l’unité nationale française, va charmer les islamophobes, les xénophobes et autres frustrés et déçus de leurs vies, qui croient que l’Islam ne peut pas appartenir à la nation française, et qui complotent la théorie de l’envahissement et du grand remplacement identitaire par les musulmans. Ce n’est pas en magnifiant l’identité judéo-chrétienne de la France ; en distribuant de la haine contre les musulmans et en fomentant un islamisme politique qu’on parviendra, par une boulimie législative, à anéantir le culte musulman en France, ou à convertir les musulmans de France aux mœurs du christianisme. Avec de telles dérives politico-législatives, au mieux le communautarisme sera renforcé, au pire des tensions confessionnelles seront encouragées.
Ces sénateurs font preuve de lâcheté en essayant d’exclure des mères de famille qui font l’effort de se socialiser et de vivre la République, en accompagnant leurs enfants à des sorties scolaires. Ils sont lâches en ce qu’ils auraient dû, en lieu et place, s’attaquer aux évangélistes qui font constamment du prosélytisme de la propagande religieuse dans les rues de France. Ils sont lâches en ce qu’ils auraient dû, en lieu et place, s’ils sont honnêtes et convaincus de leur démarche, proposer une loi interdisant le port de signes religieux dans toutes les écoles, publics comme privés, pour les intervenants comme les accompagnants. Hélas, ils ne feront pas. Car cela reviendrait à interdire aussi le port de la Kippa dans les écoles juives. Alors qu’ils n’ont pas le courage de proposer des lois qui vont à l’encontre la pratique et du port de signes religieux juifs.
Les sénateurs de la droite française, notamment Gerard Larcher, président du Sénat ; Max Bisson, rapporteur de la commission du sénat sur l’éducation, très fougueux pour l’adoption de cette loi; Bruno Retailleau, sénateur de la Vendée ; Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice du Val-d’Oise ; Jean Luc Masson, sénateur de la Moselle, devraient avoir un peu de retenu et de décence en reportant l’examen de ce texte idéologique. Au lendemain de l’attentat terroriste d’un supermarché juif à Parais en 2015, ou si le terroriste de Bayonne avait attaqué une synagogue, ils n’auraient pas maintenu l’examen d’une proposition de loi visant à interdire la viande Cacher ou la Kippa. Mais pour les musulmans, l’attentat terroriste de Bayonne n’a pas calmé leurs ardeurs. Au contraire, ils se sont défoulés au Sénat pendant des heures, faisant des amalgames malsains entre port du voile, immigration et terrorisme. Le sénateur Jean Luc Masson, qui regrette que le texte de loi n’aille pas plus loin, à proféré au sein du Sénat, des injures racistes et xénophobes contre les musulmanes voilées. Il les a cyniquement assimilées à des sorcières d’Halloween, avant de leur demander de retourner d’où elles viennent si elles ne sont pas contentes. Alors que ces femmes musulmanes sont des citoyens français ayant les mêmes que lui et sa famille ; les mêmes droits que les juifs qui portent la Kippa et des accoutrements religieux ostentatoires, à qui il n’osera pas demander de retourner en Israël. Ces sénateurs se moquent éperdument des principes fondamentaux consacrés par les constitutions françaises de 1946 et de 1958 qui identifient la France comme une république laïque, respectueuse de toutes les croyances et de l’égalité entre les citoyens, sans distinction de religion ou d’origine. Leur attitude peut libérer la haine islamophobe et encourager d’autres terroristes christianistes à agresser ou tuer des musulmans.
De la confrontation entre le christianisme politique promu et l’islamisme politique décrié, naitra fatalement une troisième guerre mondiale. Elle sera confessionnelle, asymétrique et sournoise. Peut-être même qu’elle a déjà commencé.
Aliou TALL,
nPrésident du RADUCC.