Ce vendredi 31 janvier 2020, le préfet de Faranah à l’occasion d’une conférence-débat qu’il a animée a démenti la version de l’histoire enseignée jusque-là à l’école. En effet, Elhadj Ibrahima Kalil Keïta a déclaré que ce n’est pas Christophe Colomb qui a découvert l’Amérique, mais plutôt un Guinéen en ces termes : « Ce n’est pas Christophe Colomb qui a découvert l’Amérique, c’est bien Aboubacar 2 Keïta, c’est un Guinéen. Donc, nous devons connaître notre passé glorieux. » Depuis cette déclaration, la polémique enfle dans la cité sur les réseaux sociaux. Le préfet est tantôt mis en dérision par certains, tantôt congratulé par d’autres. Face à ce débat de plus en plus houleux qu’en est-il de la vérité des faits ? Un Africain a-t-il précédé Christoph Colomb en Amérique ? Si oui, cet Africain était-il un Guinéen ? Telles sont les interrogations auxquelles, Dr. Mamadou Dindé Diallo, Maître de Conférences en Histoire contemporaine, Université de Kindia tentent des réponses.
- Histoire de la découverte de l’Amérique par Christoph Colomb en 1492
Nous avons tous appris à l’école que le continent américain a été découvert en 1492 par Christoph Colomb. La « découverte de l’Amérique » correspond usuellement au débarquement sur l’actuel continent américain (aussi appelé « Nouveau Monde ») d’un groupe d’une centaine de personnes commandées par l’amiral Christophe Colomb et mandatées par les rois espagnols Isabelle Ire de Castille et Ferdinand II d’Aragon, dans l’idée d’atteindre les Indes orientales par la mer, ignorant qu’un continent se trouve sur la route. Durant la nuit du 11 au 12 octobre 1492, Christoph Colomb et son équipage abordent l’île de Guanahani (actuel San Salvador, Caraïbes) avec deux caravelles (La Pinta et La Niña) et une caraque, La Santa María. Naïvement, Christoph Colomb croit alors être arrivé en Inde qui était sa destination à son départ de l’Espagne. Il reçut en héro en Espagne et ennoblit par le roi. Il fera trois autres voyages en Amérique en découvrant ainsi successivement : île des Bahamas appelée Guanahani (probablement San Salvador, mais dont la localisation exacte est encore discutée), le Cuba, l’île d’Hispaniola actuellement partagée entre Haïti et la République dominicaine, la Desiderada (La Désirade), Maria Galanda (Marie-Galante), la Dominique, Karukera ou Santa Maria de Guadalupe de Estremadura (Basse-Terre de la Guadeloupe), Montserrat, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, Porto Rico, Jamaïque, Venezuela, Saint-Vincent, Grenade, Trinité, Margarita., Veragua et le Panamá. Jusqu’à sa mort en 14506, Christoph Colomb et tout l’Europe étaient persuadés avoir découvert la route maritime la plus droite pour atteindre l’Inde sans contourner le content africain.
Le premier voyage de Christoph Colomb a eu lieu de 1492 à 1493, le deuxième de 1493 à 1496, le troisième de 1498 à1500) et quatrième voyage de 1502 à 1504.
Ce moment marque sans doute, la rencontre de deux sociétés (Europe et Amérique) qui avaient quasiment évolué indépendamment l’une de l’autre pendant environ 12 000 ans, après la disparition du pont terrestre de la Béringie.
Le nom « Amérique » vient du navigateur italien Amerigo Vespucci qui est l’un des premiers Européens à comprendre que Christoph Colomb n’avait atteint les Indes mais qu’il avait plutôt fait la découverte d’un continent jusque-là inconnu des Européens en 1503. C’est là aussi l’origine du terme « Nouveau monde » parlant de l’Amérique.
- Les tentatives de découverte avant Christoph Colomb
Il est aujourd’hui avéré que Christophe Colomb n’est pas le premier homme du monde connu de l’époque à être allé en Amérique depuis un autre continent, c’est en revanche son expédition de 1492 qui a initié l’exploration et la découverte du continent en tant que tel, ainsi que les échanges intercontinentaux avec l’Amérique.
- La découverte des Scandinaves ou la colonisation des Viking
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Vers l’an 1000 des Vikings auraient atteint l’Amérique. Restée longtemps à l’état légendaire, la véracité de ces récits ne fut confirmée qu’en 1960, lors de fouilles archéologiques à l’Anse aux Meadows (pointe septentrionale de l’île de Terre-Neuve). Les Vikings ont donné à des terres américaines des noms nordiques comme: Groenland (Terre verte), Helluland (Terre des pierres plates. Ce pourrait être la Terre de Baffin), Markland (Terre des forêts. On pourrait y voir le Labrador), Vinland (Terre des pâturages, localisation exacte incertaine, entre Terre-Neuve, Nouvelle-Écosse et Nouvelle-Angleterre).
- Autres contacts précolombiens
Plusieurs hypothèses, basées sur des données archéologiques ou des documents anciens dont l’authenticité ou l’interprétation est contestée par les historiens, ont été publiées au sujet de débarquements en Amérique en provenance d’autres continents, avant 1492. On peut par exemple citer les hypothèses de la découverte de l’Amérique par les Phéniciens (Libanais) à cause de la forme de la montagne de Pedra da Gávea et de traces d’érosion interprétées de manière erronée et nationaliste, au début de l’indépendance du Brésil au xixe siècle, comme des inscriptions phéniciennes, par les Carthaginois (Tunisiens) lors des guerres puniques, par les Chinois lors d’une des campagnes d’exploration maritime de Zheng He, au début du XVe siècle ou encore par les Maliens via Aboubakri II au début du xive siècle.
- La pérégrination de Mansa Abubakari II KEITA
Selon un certain nombre de sources , Abubakari II, Mansa (roi) de l’Empire du Mali au XIVe siècle, aurait conduit des marins maliens en Amérique, plus précisément au Brésil actuel, près de 200 ans avant l’arrivée de Christophe Colomb. Abubakari II a dirigé ce qui était sans doute le plus riche et le plus vaste empire de la planète, couvrant la quasi-totalité de l’Afrique de l’Ouest.
Abubakari voulait savoir si l’océan Atlantique – comme le grand fleuve Niger qui avait balayé le Mali – avait une autre “banque”. Il croyait à un monde fabuleux derrière cette grande et dont voulait aussi connaitre les limites. Soundjata Keita, son prédécesseur et oncle, avait déjà fondé l’empire du Mali et conquis une bonne partie du désert du Sahara et des grandes forêts qui bordent la côte ouest-africaine ».
L’historien afro-guyanais Ivan Van Sertima, écrivant sur le témoignage de l’empereur Kanku Moussa enregistré par l’arabe Ibn Amir Hajib et transcrit par Al Omari au XIVe siècle en Égypte lors du pèlerinage de Moussa, et sur la description de l’empire du Mali fabriqué par Ibn Battuta au 14 ème siècle, a expliqué:
« Attiré par l’exploration, Abubakari II a appelé des ingénieurs du lac Tchad connus pour construire des navires comme leurs ancêtres égyptiens et pour étudier tous les navires sur les rivières Djoliba (Niger) et le Sénégal afin de l’aider à lancer une immense flotte au-dessus de l’océan.
Il a également embauché une équipe nombreuse et diversifiée de marins, commerçants, constructeurs, artistes, guerriers et hommes instruits, et leur a fourni des rations suffisantes pour deux ans. La flotte a ensuite traversé le grand océan occidental en s’appuyant sur un système unique de communication de batterie.
Quand un seul navire est revenu avec un seul capitaine, disant au roi « qu’après plusieurs jours passés en mer, les navires ont été aspirés par une sorte de rivière avec un puissant courant sur l’océan et que tous les navires ont disparu à l’horizon », Abubakari décide d’effectuer lui-même le voyage.
Abubakari II passa son trône à son frère, Kankou Moussa, et partit pour une expédition dans l’inconnu en 1311 renonçant ainsi à tout pouvoir et à tout or pour acquérir des connaissances et faire des découvertes».
Son frère, Kankou Moussa, plus connu sous le nom de Mansa Musa, deviendrait l’homme le plus riche de toute l’histoire.
Certains historiens disent que rien n’a été entendu d’Abubakari II après, et
pour cette raison, certains estiment que les Maliens n’ont pas navigué vers les Amériques à cette époque.
Mais d’autres disent qu’il est bel et bien arrivé en Amérique où il a régné sur une colonie qu’il a appelé Boure Bambouk,
En 1314, Abubakari aurait renvoyé un bateau au Mali pour demander un soutien à son frère. Mansa Musa est impressionné par les nouvelles récoltes qui lui sont présentées (le maïs, les haricots, les arachides, le tabac, le coton, le riz, le mil et le sorgho, les fruits tropicaux, les bovins, les ovins et les pintades). Ainsi commence un échange de marchandises bamboukiennes en échange d’une aide malienne. L’agriculture du maïs, des haricots, des cacahuètes, des poivrons et du coton va déclencher une explosion démographique au Mali, qui fournira les futurs colons venus de l’autre côté de la mer.
Bien que tous les historiens ne s’accordent pas pour dire qu’il existait des preuves du voyage et du débarquement d’Abubakari II dans les Amériques, beaucoup s’accordent pour dire qu’il y a peut-être eu une présence africaine noire dans les Amériques bien avant Christophe Colomb.
Tiemoko Konate, responsable du projet de recherche sur les voyages d’Abubakari II, a déclaré à la BBC que Christophe Colomb lui-même avait déclaré avoir trouvé des commerçants noirs déjà présents sur le continent américain. De plus, les analyses chimiques des pointes d’or découvertes par Christophe Colomb sur des lances en Amérique montrent que l’or provenait probablement d’Afrique de l’Ouest.
Certains disent qu’au-delà de Christophe Colomb, les contributions africaines à la civilisation américaine incluent «l’importation de l’art de la construction de pyramides, des systèmes politiques et des pratiques religieuses ainsi que des mathématiques, de l’écriture et d’un calendrier sophistiqué».
Conclusion :
Au regard de ce qui précède, l’on peut dire qu’il y’auraient plusieurs « Découvertes » du continent américain avant Christoph Colomb. Mais la « découverte » officiellement reconnue par les historiens est celle, documentée, du continent américain par les européens de la Renaissance donc celle de Christoph Colomb.
Mansa Abubakri II était-il Guinéen ? A cette question, nous répondons que son empire couvrait presque toute l’Afrique de l’Ouest du Nigéria au Sénégal même si la capitale de l’Empire du Mali se trouvait à Niani. Ainsi Maliens et Guinéens peuvent légitimement revendiquer la paternité des hauts faits de ces empereurs.
NB : Lire Ivan van Sertima auteur du best-seller They came before Columbus (1977) traduit en français quelques années plus tard sous le titre Ils y étaient avant Christophe Colomb (Flammarion). Ils y étaient avant Christophe Colomb : 1976.
Dr. Mamadou Dindé DIALLO Maître de conférences Vice-Doyen chargé des Etudes / Faculté des Sciences Sociales Université de Kindia
Source: Guinee7.com