La tension monte dans le pays à l’approche du double scrutin de dimanche, législatif et référendaire. Les Guinéens vont en effet voter pour élire leurs députés, mais aussi pour le référendum sur la Constitution proposé par le président Alpha Condé. Un vote dénoncé par l’opposition comme une manœuvre du chef de l’État pour briguer un troisième mandat à la fin de l’année, alors que l’actuelle Constitution en limite le nombre à deux.
Avant-hier mardi, l’armée guinéenne a été invitée par les autorités à se mettre en alerte. Vive réaction du FNDC, rapporte le site guinéen Ledjely. « Le Front national pour la défense de la constitution voit là le signe d’une certaine panique de la part des autorités. « Les forces armées ont été réquisitionnées dans le seul but de tenter d’intimider les populations civiles pour sauver un pouvoir corrompu, illégitime et fébrile qui tue en toute impunité », affirme ainsi le FNDC. Et les opposants à la nouvelle constitution invitent l’armée à rester « républicaine, à ne pas protéger un seul Guinéen, Alpha Condé, contre tout le Peuple de Guinée et par conséquent à refuser d’être utilisée pour tirer les marrons du feu ». »
Contestations et violences
L’opposition politique donne de la voix également : Cellou Baldé de l’UFDG affirme ainsi, rapporte Aminata, qu’ « Alpha Condé a d’ores et déjà distribué les sièges de députés. « Alpha Condé et les pseudos partis qui l’ont accompagné ont attribué à chacun, ce qu’ils voulaient leur donner, dénonce-t-il. Ils ont préparé des résultats, il n’y aura pas de vote, ils le savent. Alpha Condé et son acolyte maître Salif Kébé veulent proclamer des résultats pour des élections qui n’ont jamais été organisées ». »
Et puis, des violences éparses se poursuivent à la veille du scrutin. À Labé, dans le nord du pays, rapporte le site AfricaGuinée, « les locaux de la préfecture, au quartier Kouroula, ont été incendiés mardi soir par des inconnus. Et il y a des risques que tout le matériel servant au double scrutin du 1er mars ne soit réduit en cendre. Car le siège de la Commission électorale préfectorale indépendante se trouve dans l’enceinte des bureaux de la préfecture. »
Ligne rouge
Pour en revenir à la nouvelle constitution soumise à référendum dimanche, pourquoi fait-elle polémique ? « Ce n’est pas son contenu qui est en cause, pointe Jeune Afrique – en effet ce projet de Constitution, s’il était adopté, doterait la Guinée de l’une des Lois fondamentales les plus progressistes d’Afrique francophone. »
Mais là où le bât blesse, « c’est une équation toute simple : nouvelle Constitution égale nouvelle République, remise à zéro des compteurs des mandats présidentiels et donc possibilité pour le chef de l’État actuellement en fonction de se représenter à l’élection suprême prévue pour octobre de cette année. Certes, poursuit Jeune Afrique, Alpha Condé n’a toujours pas dit
explicitement s’il comptait user de cette possibilité en cas de victoire du « oui » au référendum du 1er mars. Mais l’opposition, pour qui il s’agit là d’une ligne rouge, en est persuadée – et il est difficile de lui donner tort sur ce point. »
Les réserves de l’OIF
En tout cas, coup dur pour le régime : « L’organisation internationale de la Francophonie, l’OIF, a fait savoir lundi qu’elle ne pouvait plus « soutenir le processus électoral » en Guinée. L’OIF émet en effet des réserves sur le fichier électoral qui comporterait des irrégularités. »
« C’est une sandale à la face d’Alpha Condé, s’exclame Le Pays à Ouagadougou. Et un coup de pouce inopiné à l’opposition politique, poursuit le quotidien burkinabé, qui peut y trouver des raisons de continuer à ruer dans les brancards. C’est donc peu de dire que ce retrait de l’OIF, à un moment aussi crucial, pourrait avoir des conséquences dommageables pour le maître de Conakry, estime Le Pays. Car, non seulement cela contribue à l’isoler davantage dans sa volonté tant décriée de se remettre dans le jeu électoral à la faveur du référendum constitutionnel, mais aussi cela vient jeter le discrédit sur le processus électoral que le chef de l’État guinéen semble vouloir mener au forceps, malgré la clameur populaire qui monte. ».