En août dernier, Didier Drogba a fait savoir qu’il comptait se présenter à la présidence de la fédération ivoirienne. Une candidature qui n’est pas du goût de tout le monde…
Pas un jour sans que Didier Drogba ne se fasse égratigner par d’anciens coéquipiers du temps des Eléphants, par certains médias ivoiriens ou encore par l’homme de la rue. Que reproche-t-on finalement à celui qui souhaite succéder à Sidy Diallo (deux mandats, en poste depuis 2011), lequel ne se présente pas mais dont le vice-président, Sory Diabaté, est candidat ? Pêle-mêle, on lit et on entend qu’il ne connaîtrait pas (ou pas assez) le « contexte » ivoirien. Son football profond, la vie quotidienne des clubs et des joueurs, leurs difficultés à survivre. La réalité des compétitions et des infrastructures, la problématique économique du foot local. Qu’il n’est pas dirigeant de club. Bref, qu’il serait le candidat de l’extérieur (son annonce sur les antennes de RFI avaient énervé certains…).
Aujourd’hui, on reproche donc à Drogba ce qu’on a reproché à George Weah lorsque ce dernier s’est présenté pour la première fois à la Présidentielle du Liberia, en 2005.
Alors oui, Drogba peut être perçu comme le candidat de l’anti-système car il n’a pas exercé de fonctions au sein de la FIF, à l’inverse de Sory Diabaté et Idriss Diallo, ancien vice-président, ses deux rivaux. Oui, il s’est forgé un palmarès hors du pays avec ses clubs. Mais il a également qualifié son pays pour plusieurs Coupes du monde (2006, 2010, 2014) et mené la sélection à deux reprises en finale de CAN (2006, 2012). Drogba ne dirige aucun club local mais il a été – il l’est peut-être encore – actionnaire du WAC de Williamsville, un club de D1 nationale. Il y a quelques jours, l’une des familles du football ivoirien appelée à voter – il y aura en tout 81 entités, entre clubs de D1, D2, D3 et associations (arbitres, anciens internationaux, etc) – a pris fait et cause pour Sory Diabaté, le candidat de la continuité. Il s’agit de l’association des anciens internationaux, dont Drogba est membre. Sur 14 voix émises, 11 se sont reportées sur Diabaté pour trois nuls… Un signe, selon certains.
Plusieurs anciens coéquipiers ont fait savoir qu’ils ne porteraient pas sa candidature, et c’est leur droit le plus strict. Comme c’est le droit le plus strict de Drogba de pouvoir défendre son programme (« Renaissance ») auprès des collèges de présidents par exemple. Il s’y est essayé à l’automne dernier mais ces derniers n’étaient pas venus l’écouter en nombre, notamment ceux de D1. Aujourd’hui, on reproche donc à Drogba, l’ancien capitaine et buteur des Eléphants ce qu’on a reproché à George Weah lorsque ce dernier s’est présenté pour la première fois à la Présidentielle du Liberia, en 2005. Un joueur de football ne serait donc pas fait pour être dirigeant, politique ou sportif, c’est bien ça ? Certes, le manque de connaissance des « arcanes » du pouvoir sportif peut pénaliser une candidature. Mais Drogba, qui s’est déclaré très longtemps à l’avance, a justement le temps de rôder son discours, de le patiner auprès de dirigeants qui attendent avant tout plus de moyens pour que leurs clubs redeviennent plus compétitifs en particulier. Plus de ressources, de mesures de protection pour leurs joueurs et staffs, plus d’infrastructures aussi. Entre autres.
Il est venu pour «rassembler»
Les plus virulents, parmi ceux qui critiquent aujourd’hui celui qu’ils ont vénéré sous le maillot orange, n’ont certainement ni mémoire ni connaissance du fait que, dans un passé récent, plusieurs anciens joueurs importants du continent ont piloté leurs fédérations respectives, avec certes plus ou moins de réussite. On va leur rafraîchir la mémoire : Rachid Mekhloufi (Algérie), Driss Bamous (Maroc), Salif Keita (Mali), Jean-Michel Mbono (Congo), Kalusha Bwalya (Zambie). Alors, qu’adviendra-t-il de cette candidature de Drogba ? On le voit mal ne pas recueillir
les parrainages nécessaires au dépôt de son dossier. Mieux, on ne voit pas celui qui fut un exceptionnel compétiteur renoncer dans la course à la présidence de la FIF. A 42 ans, Drogba l’a bien expliqué lorsqu’il annoncé qu’il se portait candidat : il est venu pour «rassembler» et aider le football de son pays. Des choses qu’il a su parfaitement accomplir lorsqu’il était le porte-drapeau des Eléphants, entre 2002 et 2015. Alors, juste avant de débattre, écoutons-le et laissons-le s’exprimer sur son programme, au même titre d’ailleurs que MM. Diabaté et Idriss Diallo. N’est-ce pas cela aussi, la démocratie ?
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