Face à la double actualité guinéenne marquée par la Covid-19 et les violences meurtrières de Coyah, Dubréka et Kamsar, Lamarana-Petty Diallo nous livre ici un de ses messages les plus poignants.
Née du plus profond des entrailles et de la fibre patriotique de l’auteur, cette plume interroge le présent et marquera indiscutablement les générations futures.
Bonne lecture !
Le sang a encore coulé en Guinée. Certains diront, c’est habituel. Une habitude pourtant macabre, faite de larmes et de sang. Une habitude presque séculaire dont seul notre pays a le secret.
Un rituel sanglant qui se répète dans un contexte mondial où un mal inédit, la Covid-19, fait plus de 300 mille morts. Comme si le chiffre enregistré en Guinée ne suffisait pas, le pouvoir vient en aide à la Covid pour alourdir le bilan macabre.
C’est ainsi que le pouvoir, cannibale, dira-t-on, a encore fait parler les armes le 12 mai 2020 pour arracher à notre affection 8 citoyennes et citoyens. A Coyah: Mamadama Bangoura, 32 ans (4 enfants), Aboubacar Soumah ; Aboubacar Diallo ; Abdoulaye Bangoura ; Seydouba Fadiga ; Mamadou Yaya Bah. Il a également ôté la vie de Mohamed Soumah, à Dubréka. Froidement assassiné Mamadou Oury Barry à Kamsar.
Ces citoyens lâchement abattus ne sont pas opposés à l’existence de barrages en soi. Ils se sont révoltés contre les exactions du pouvoir sous forme d’escroqueries, de contrôles injustifiés et autres agissements de ceux qui sont censés veiller sur leur sécurité. Ils ont voulu donner de la voie contre la vie chère et l’absence d’eau dans le pays appelé Château d’eau d’Afrique de l’Ouest. Contre le manque de courant dans notre pays aux 45 fleuves et plus de1200 rivières et autres sources d’eau.
Au-delà de la Basse-Guinée, c’est tout le pays qui est à nouveau endeuillé. Le pouvoir guinéen ne s’est pas contenté des derniers massacres de Nzérékoré.
Non, cela ne lui suffit pas. Un système dictatorial, sadique et sanguinaire a toujours besoin de sang. Plus il en coule. Plus il en redemande.
Des larmes, du sang. Rien que du sang
et des larmes
Le pouvoir d’Alpha Condé se nourrit en plein XXIe siècle du sang des Guinéennes et des Guinéens comme Dracula s’abreuvait du sang des Carpates au XIXe siècle. Cette réalité macabre doit nous conduire à un questionnement très simple : celui de la part d’humain et de monstre de celui qui nous dirige.
Le peuple de Guinée n’a jamais autant pleuré que sous Alpha Condé. Pourtant, on a connu des pires de Sékou Touré à Dadis. Sékou tuait dans les geôles alors qu’Alpha tue à ciel ouvert. L’un était cynique alors que le second est ouvertement sadique.
Pourquoi ce besoin, cet amour renouvelé de sang ? Sommes-nous tous coupables ou complices ? Les deux à la fois ? A chaque guinéenne et Guinéen de se poser cette question épistémologique, philosophique et sociétale.
Au moment où sévit une pandémie mondiale, la Covid-19 ; au moment où les chefs d’Etat du monde entier veillent sur la vie de leur peuple, le président guinéen veille à ce qu’on envoie au cimetière plus de Guinéens. Et encore de Guinéens. Il veille à ce que ses administrés ne lèvent pas le pouce. Au risque, non de le couper, mais de l’emporter outre-tombe.
Au moment où les responsables politiques du monde entier passent en boucle des messages de paix, d’appels au respect des règles de confinement pour la protection de la vie humaine, le pouvoir guinéen tue en masse. Sept (7) morts en un jour en plus des victimes de la Covid au compte du régime-Condé. Sept (7) vies cueillies par des forces barbares aux ordres de dirigeants prompts à tuer et incapables de préserver la vie.
Des meurtres donc commandités en renfort des victimes de la Covid.
En Guinée, on dirait que la Covid-19 ne fait pas bien son travail
Aux yeux du régime guinéen, la Covid-19 ne fait pas suffisamment de victimes. Il faut lui en venir en aide.
Appuyer son action tant son bilan serait insignifiant au regard de l’envie de sang et de morts dont se nourrit le système.
Hasard des choses ou différence de personnalité, de président et de présidence ? C’est le mardi 12 mai 2020 exactement que le président sénégalais Macky Sall s’est adressé de manière responsable, humainement touchant et affectueux, aux Sénégalais. Une adresse à la nation qui prouve à suffisance qu’il y a quelque chose d’affable, une bonne écoute, une sorte de symbiose entre ce président et son peuple.
Parcourez tous les médias du monde, regardez toutes les télévisions de la sous-région ouest-africaine et au-delà, partout les chefs d’Etat en appellent à leur peuple.
Leur exposent les gestes barrières, leur édictent de manière ferme mais respectueuse les règles et consignes à observer. Ils mettent leurs administrés devant leur responsabilité en leur expliquant que se passer temporairement de certaines habitudes quotidiennes ou traditionnelles, (se serrer la main, faire des accolades…) sauveraient des vies.
On a vu, encore au Sénégal, un officier supérieur expliquer à la télévision le bien-fondé du respect des consignes dans la lutte contre la Covid-19. Au même moment, que font d’autres ? Assassiner impunément, gratuitement, sciemment des pauvres citoyens qui, au-delà de la Covid, souffrent d’une misère endémique.
Jusqu’où ira-t-on ?
Bon sang, jusqu’où ira-t-on en Guinée ? Dadis et la junte ont fait tuer en plein Ramadan en 2009. On les a fait partir et le capitaine est en confinement au pays des hommes intègres pour qu’il voit ce que signifie le mot « intégrité », tout au moins.
Alpha Condé et son pouvoir font de 2010 à 2020 comme Dadis et la jungle : ils tuent. Pire, ils reproduisent, dans une moindre mesure, certes, le même scénario de 2009 en tuant en plein jour des citoyens à jeun. Que fait-on ? On dénonce.
Depuis le départ Dadis on ne fait que dénoncer. Isolément, collectivement. Dénoncer et encore dénoncer, manifester, comptabiliser des morts, adresser des condoléances, des mises en garde sans fin. Voilà ce à quoi se réduit la lutte politique en Guinée.
Entre temps, le pouvoir sévit. Tue. Assassine. Pille. Arrête. Enferme. Déporte ! Extermine. Jusqu’où cela peut-il aller ? Jusqu’à quand ce cercle infernal va-t-il continuer ? Et dire qu’un troisième mandat plane sur nos têtes comme l’aigle au ciel.
Dénoncer, dis-je. Mais si ce verbe est une arme politique, il est loin d’être la plus efficace. Peuple de Guinée, prétendants au pouvoir de toute obédience, Guinéennes et Guinéens, sachons-le une fois pour de bon.
D’ici-là, je dis : Bon Dieu ! Au secours si toutefois nous sommes encore secourables. Accorde au peuple de Guinée la Miséricorde au nom du Mois Saint.
Devrions-nous
aussi savoir
Se contenter de dénoncer n’a jamais conduit au fauteuil présidentiel. Dénoncer ne libère pas un peuple. Nos ancêtres se sont battus, armes à la main contre la colonisation. C’est la seule liberté que nous ayons acquise.
Depuis, nous sommes soumis aux colons noirs : nos frères ou nos fils.
Il faut plus que dénoncer pour accéder au pouvoir et pour se libérer d’une dictature. Le journaliste, l’écrivain, dénonce. L’homme politique agit autrement.
Ainsi, à force d’être uniquement dénoncé, le pouvoir guinéen s’est habitué à refaire les mêmes actes : arrêter, tuer si ce n’est massacrer.
Quand huit (8) personnes désarmées, tombent le même jour, en même temps, sous les balles d’un pouvoir politique, il ne s’agit plus de meurtre, mais de massacre. Et c’est ce qui s’est produit le 12 mai 2020 à Coyah, Dubréka, Kamsar comme ailleurs depuis 2010.
Aux acteurs politiques guinéens de l’opposition, au FNDC, ou autres, de montrer enfin aux Guinéens qu’ils ont la capacité de mettre fin à ce système qui sévit et règne par le sang et la terreur.
A eux de prouver qu’ils ne se contenteront plus d’enterrer ceux que le pouvoir tue mais qu’ils
sont capables aussi, d’enterrer politiquement parlant, les assassins et leurs commanditaires.
A eux de faire savoir que le jeu de chaises musicales entre préfets ou ministres au lendemain de chaque violence dans le seul but de leurrer les citoyens ne marche plus.
A eux de dire qu’ils en ont assez de l’arrogance d’un pouvoir qui incrimine ses victimes dans des propos aussi cyniques que ceux-là : «… toutes les personnes tenues responsables de ces troubles répondront de leur acte devant la loi ». Entendons bien, « troubles » et non meurtres. On nous parle de loi aussi.
Mais de quelle loi parle-t-on quand des femmes enceintes sont abattues ? Quand des mères de famille, comme Mamadama Bangoura sont lâchement arrachées à leur famille et à leurs enfants ?
Une femme se rendant au marché pour dépenser ses maigres revenus afin de faire souper la maisonnée à la fin d’une Journée Sainte de Ramadan ne mérite pas d’être assassinée. La seule faute de Mamadama Bangoura, et de bien d’autres, c’est d’être Guinéenne. N’oublions pas qu’une autre femme, enceinte de surcroît, se bat à l’hôpital entre la vie et la mort.
De quelle loi nous lance-t-on sur la figure quand la jeunesse, sève vivifiante de la nation, espoir des lendemains, est continuellement massacrée ? Cela depuis 2010.
De quelle loi est-il question en Guinée quand un malheur divin, un phénomène naturel (à chacun son appréciation), la Covid-19 s’abat sur le monde et qu’un président, le nôtre en l’occurrence, concurrence ce mal dans l’extermination de son peuple en faisant ou laissant tuer ?
C’est au peuple de Guinée de mettre définitivement fin à la tradition macabre du pouvoir sanguinaire de Conakry. A cette marche vers la mort qui le guette de jour en jour.
Cette tradition faite de larmes et de sang avec son cortège d’orphelins et de foyers éplorés ne doit plus continuer.
Les Guinéens ont trop enduré. Que Dieu les Sauve enfin.
Par Lamarana- Petty Diallo