Comment l’armée française a mené son raid contre le chef d’Aqmi

L’état-major des armées a donné mercredi des précisions sur l’opération conduite le 3 juin dans le nord du Mali qui s’est terminée par l’élimination d’Abdelmalek Droukdel.

L’opération a eu lieu en plein jour. Le 3 juin, dans l’extrême nord du Mali, à quelques kilomètres de la frontière algérienne, un véhicule 4×4 blanc s’est arrêté. Ses occupants sont descendus, ont installé une natte et se préparent apparemment à passer la nuit dans ce paysage escarpé, où de gros rochers offrent des abris discrets. Une quinzaine de membres des forces spéciales françaises lancent alors l’assaut, avec l’appui dans les airs de plusieurs hélicoptères et d’un drone Reaper. Les cinq hommes se dispersent immédiatement à pied, avant d’ouvrir le feu, pour au moins deux d’entre eux, sur les militaires français, alors très près, qui ripostent. A l’issue des combats, le chef d’Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi), Abdelmalek Droukdel, est tué, de même que trois de ses compagnons, dont Toufik Chaïb, présenté par l’armée française comme un responsable de la propagande du groupe terroriste. Tous sont enterrés sur place. Un dernier, plus jeune, finit par se rendre et se constitue prisonnier. Après interrogatoires, il doit être remis aux autorités judiciaires maliennes.

Vue sur le village de Talhandak, dans le nord du Mali, où les forces spéciales françaises ont annoncé avoir tué le chef d’Aqmi Abdelmalek Droukdel. Photo AFP

L’information ne sera révélée que le 6 juin au soir sur Twitter par la ministre des Armées Florence Parly. Elle représente un succès militaire pour la France, engagée au Mali depuis 2013 et plus largement au Sahel depuis 2014, date de lancement de l’opération Barkhane, dont les effectifs ont sensiblement augmenté ces derniers mois pour atteindre 5 100 militaires. Soit de loin la plus importante opération de la France, qui ne parvient pour autant pas à enrayer l’accroissement de la violence et la dégradation de la situation sécuritaire dans plusieurs pays de la région, notamment le Burkina Faso.

Selon une source à l’état-major des armées, la France a appris la présence «d’une cible d’intérêt» dans cette zone deux jours avant l’opération. Un croisement de différentes sources de renseignement a ensuite permis d’obtenir un «visuel sur l’objectif» le 3, jour de l’assaut. L’origine de ces renseignements est encore inconnue, le responsable des armées évoquant simplement des «signaux électromagnétiques» montrant que «quelque chose se passe», ce qui peut correspondre à une activité téléphonique. C’est assez inhabituel : les groupes terroristes de la région se savent surveillés et sont rompus aux techniques de clandestinité. Les Etats-Unis, qui disposent de plusieurs bases de drones au Niger voisin, ont indiqué avoir transmis à l’armée française des renseignements pour cette opération.

Matériel saisi

Une prise de vue aérienne délivrée par l’état-major des armées, jeudi, représentant un véhicule lors de l’opération française qui a mené à la mort du chef d’Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) Abdelmalek Droukdel dans le nord-ouest du Mali, le 3 juin. Photo état-major des armées. AFP

 

La localisation précise de Droukdel au moment de l’assaut, à quelques kilomètres à peine de l’Algérie, interroge tout autant. Venait-il de la traverser du Nord au Sud ou s’apprêtait-il à regagner l’Algérie après un séjour au Mali ? Et quel aurait été le but de cette visite, forcément risquée, au Mali ? «Ce n’est pas quelqu’un qui est souvent signalé sur le théâtre», reconnaît le responsable de l’état-major. Pour en savoir plus, l’armée française compte beaucoup sur le matériel informatique et les téléphones saisis dans le véhicule, toujours intact après l’assaut.

Ce raid intervient dans un contexte très particulier pour les principaux groupes terroristes actifs au Mali. Alors que les branches locales de l’Etat islamique et Al-Qaeda cohabitaient au Sahel, coopérant même de manière ponctuelle, elles s’affrontent désormais militairement. Des combats violents, que l’état-major dit n’avoir pas vus venir, mais qui ne contrarient pas ses plans, au contraire.

Quelques jours avant l’opération contre Droukdel, Barkhane avait mis la main sur un cadre de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et ses quatre accompagnateurs. Mohamed Mrabat a été arrêté au Nord de Gao le 19 mai, sans qu’un coup de feu n’ait été tiré, selon l’armée française. Ce ressortissant marocain est décrit par l’état-major comme un «vieux routier du jihad au Sahel [ayant] une influence idéologique très forte sur le mouvement et jouant un rôle actif dans le recrutement de combattants». Comme les deux chefs de l’EIGS, Mrabat était membre du Mujao, le groupe jihadiste qui régnait sur la ville de Gao. Il devra maintenant «répondre de ses actes devant la justice».

AFP avec Liberation.fr