La mobilisation fait suite à celle, le 5 juin, de milliers de Maliens descendus dans la rue pour exiger le départ du chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Keïta.
Le chef de file de la contestation en cours contre le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, l’imam Mahmoud Dicko, a appelé à manifester « en masse » contre le pouvoir, vendredi 19 juin, malgré les signes d’ouverture émis par le chef de l’Etat.
L’influent religieux a accusé mercredi le président de n’avoir pas entendu le message des dizaines de milliers de personnes descendues dans la rue le 5 juin à Bamako. « Il n’a pas tiré la leçon, il n’écoute pas les gens. Mais cette fois-ci, il va comprendre », a-t-il déclaré en bambara devant la presse. Le prêcheur rigoriste et patriote, grand contempteur du pouvoir, est la figure dominante d’une coalition hétéroclite contre le chef de l’Etat.
Elle canalise l’exaspération nourrie par la mort de milliers de personnes tuées ces dernières années dans des attaques djihadistes et des violences intercommunautaires, par le ressenti de l’impuissance de l’Etat, le marasme économique, la crise des services publics et de l’école et la perception d’une corruption répandue. Elle rassemble des responsables religieux et des personnalités de la société civile comme du monde politique. Le mouvement « du 5 juin », avait réclamé la démission du président dans les rues de la capitale.
Le président, à la tête depuis 2013 de ce vaste pays pauvre pris dans la tourmente, a tenté l’apaisement mardi. Il a annoncé des discussions en vue d’un gouvernement d’union nationale, et laissé la porte ouverte à une dissolution du Parlement. Il a exprimé sa volonté « d’apaisement ». Dans une autre démarche conciliatrice, le premier ministre, Boubou Cissé, s’est rendu mercredi auprès du chérif de Nioro, Bouyé Haïdara, dirigeant musulman respecté et mentor de l’imam Dicko. Ce dernier a cependant signifié le maintien du rassemblement « pacifique » de vendredi ainsi qu’une « mobilisation sans pareille ». Bouyé Haïdara ne réclame pas publiquement la démission du président et s’est à nouveau dit prêt au dialogue avec tout le monde, « jusqu’à ce que les préoccupations des Maliens soient satisfaites ».
Trajectoire divergente
Une délégation de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) est annoncée jeudi à Bamako, où elle devrait rencontrer les acteurs de la crise.
Celle-ci culmine alors que le président malien est confronté à la persistance et la propagation des violences djihadistes et intercommunautaires. Parties du nord du pays en 2012, elles ont gagné le centre et le Burkina Faso et le Niger voisins.
Une attaque imputée aux djihadistes a fait au moins 27 morts et 5 disparus dans les rangs de l’armée malienne dimanche à Bouka Weré, selon un nouveau bilan de source militaire.
Deux sous-préfets ont été enlevés mercredi dans les environs de Tombouctou (nord), a dit à l’AFP un responsable du ministère de l’administration territoriale, évoquant un acte soit crapuleux, soit djihadiste.
Le Mali se trouve à un moment délicat où les acteurs internationaux divergent sur la trajectoire des progrès accomplis, ou non, contre les djihadistes et sur la voie d’un rétablissement de la souveraineté de l’Etat, où la question du maintien de la Mission de l’ONU (Minusma) est sur la table et où celle de la poursuite de l’engagement américain au Sahel reste en suspens.