Opinion/Une députée noire odieusement traitée d’esclave (Par Aliou TALL)
L’iconographie négrophobe « Made in France » s’est popularisée depuis le début de la traite négrière, amusant les français qui ont pris goût à s’en délecter sans vergogne, à faire subir aux Noirs des vexations, discriminations et traitements inhumains et dégradants. Depuis lors, ces clichés méprisants du Nègre ont imprégné et maculé l’imaginaire collectif des français sur les Noirs, et ce, jusqu’à maintenant. Le piteux magazine « Valeurs actuelles » insulte tous les Noirs, en caricaturant, dans la couverture de son numéro du 27 août 2020, la députée Noire, française, Danièle OBONO. Ce magazine extrémiste réveille les démons des caricatures répugnantes du magazine français l’Illustration. Le racisme exprimé jadis par ce magazine contre les Noirs, du 19ème au 20ème siècle, était normal aux yeux de la population française : gravures et dessins outrés, appuyés par les récits burlesques et les photographies de villages primitifs véhiculés par les colons et les missionnaires catholiques en Afrique. C’est ahurissant de constater qu’en 2020, une partie de la population française soutienne cette écœurante négrophobie.
Un racisme grégaire exubérant, sur fond de lâcheté et d’hypocrisie.
Ce n’est pas une affaire personnelle de la députée Noire calomniée. En l’insultant, les français qui se retrouvent dans les contre-valeurs du piteux magazine d’extrême droite « Valeurs actuelles » insultent tous les Noirs. C’est une manière lâche, honteuse et minable d’exprimer leur conviction qu’un Noir n’a pas sa place à l’assemblée nationale française. Que sa place est dans les monstrueux bateaux négriers, comme ceux promus et affrétés par le roi négrier Louis XIV ; dans les marchés d’esclaves et les plantations des Antilles et du Pacifique, sans lesquels la France ne se serait pas enrichis sur le sang des Noirs, et ne serait pas devenue le pays riche qu’elle est aujourd’hui.
Ce sont des gens faibles qui, sous couvert de la liberté de presse, de la liberté d’expression, de caricaturer et de blasphémer, veulent assouvir leur soif de domination raciale et leur nostalgie des crimes odieux perpétrés pendant des siècles par leur nation contre les Noirs. Ce sont des lâches. Ils n’oseront pas déverser leur bile sur les juifs, en caricaturant un juif sur le chemin d’Auschwitz, pour y être massacré par les affreux Nazis. Parce qu’ils sont lâches, ces adeptes et idéologues de l’extrême droite, soutenus par des suprématistes blancs, des xénophobes et d’hypocrites racistes grimés en républicains patriotes, n’assument pas leur publication et bottent en touche en affirmant que le texte publié n’est pas raciste. Or, ce n’est pas du texte publié qu’il est question, mais de leur représentation nauséabonde d’une députée Noire en esclave.
Ce magazine et les conservateurs racistes qui le soutiennent devraient, au contraire, avoir honte, à chaque fois qu’on évoque l’esclavage et la traite des Nègres. Car un être humain ne peut ragaillardir son âme et son égo, pour avoir privé de liberté, asservi, agressé, violé, et tué de manière systémique d’autres êtres humains, pendant des siècles.
Des représentations négrophobes qui font partie de l’héritage français.
Dans le subconscient des negrophobes, le Noir restera toujours perçu comme un esclave, un colonisé dominé, un être hideux, sans âme, atroce, indolent, dont la science, pas plus développée que celle des chimpanzés, se résume à un éternel recommencement de gestes quotidiens primitifs. A cela s’ajoute leurs convictions religieuses négrophobes selon lesquelles le Noir à du mauvais sang, et l’Afrique est le pays de Canaan, petit-fils de Noé, maudit par celui-ci. Les Noirs seraient les héritiers de cette malédiction de Canaan, dont le père Cham aurait rapporté à ses frères la nudité de leur père Noé, alors qu’il s’était enivré (La Bible : Genèse 9). Selon la Bible Noé aurait dit : «
Maudit soit Canaan ! Qu’il soit l’esclave des esclaves de ses frères ! ». Les racistes Blancs sont persuadés que les Noirs sont les descendants de Canaan, et justifient encore l’esclavage la traite des Nègres, la colonisation, le néocolonialisme, l’impérialisme religieux catholique, la pauvreté, les maladies, les pandémies et famines en Afrique par cette malédiction divine de la Bible. Persuadés qu’ils sont, eux, les descendants des fils bénis de Noé, Japhet et Sem, les racistes et extrémistes catholiques qui soutiennent le magazine « Valeurs actuelles » aspirent toujours à rabaisser le Noir, à lui rappeler que son mérite c’est l’esclavage, comme le prévoit la Bible selon eux, et non l’Assemblée nationale ou le gouvernement français, non comme ingénieur, comme cadre ou directeur d’une entreprise en France.
Pis, en 1454, pour bénir l’esclavage et la traite des Nègres, l’Eglise catholique déclara, par une bulle du Pape Nicolas V (Romanus Pontifex), que les Noirs sont des êtres sans âme. Cette loi divine esclavagiste encourage les racistes Blancs dans leur élan négrophobe. Toutes ces abominables représentations, qui font partie de l’héritage des racistes français, les confortent dans leur haine des Noirs.
Dans son ouvrage « Essai sur l’inégalité des races humaines » paru en 1853, Artur de Gobineau, défend une hiérarchisation des races, avec les Blancs au sommeil et les Noirs au bas de la pyramide. Avec une démonstration ethnologique faussée dès le départ par un postulat tiré des considérations de l’ancien testament de la Bible, il vocifère une affirmation abhorrée selon laquelle les Noirs ont une intelligence inférieure et un penchant pour les choses et les agissements grotesques et outranciers. Il défend que le seul mérite du Nègre réside dans sa disposition à sombrer dans l’émotion artistique, et aucunement à s’élever par la raison. Les racistes français en sont toujours convaincus.
L’ancien président sénégalais et académicien français Léopold Sédar Senghor (Un Noir), tellement obnubilé par les Blancs et leurs sciences, conforté en cela par l’éducation qu’il a reçu chez les missionnaires catholiques, a repris à son compte ce postulat raciste très tôt vulgarisé par Gobineau. Certainement sans le vouloir, il a conforté cette affirmation négrophobe (alors qu’il réclame sa négritude), en affirmant que « l’émotion est nègre, comme la raison est hellène ». Les racistes français ont dû l’applaudir. C’est regrettable !
Un racisme systémique et sociétal, même contre les tirailleurs sénégalais forcés de faire la guerre pour la France.
A la fin de la deuxième guerre mondiale, pour ne pas ternir la pureté blanche de l’armée française, le Général De Gaulle et l’état major de l’armée française procèdent à son blanchissement en renvoyant chez eux des milliers de tirailleurs sénégalais qui seront exclus de la gloire de la Libération. La France n’avait plus besoin d’eux, leur couleur noire devenait subitement un problème pour l’image de son armée. Mais la France n’a pas eu honte de compter sur la bravoure des combattants Noirs pour sauver sa peau face à la férocité et à la coriacité de l’armée allemande.
A la fin de la deuxième guerre mondiale, malgré que plus de 80 000 combattants Noirs eussent perdu leurs vies pour la France, les tirailleurs sénégalais redevenaient ces êtres disgracieux aux traits du visage proéminents, ces Nègres pressés de poser leurs armes pour se livrer à des danses macabres comme la Bamboula, ces mâles impurs à qui l’état major français voulait empêcher de fréquenter les femmes blanches. Ils ont été victimes des racistes français qui les désignaient péjorativement par « Banboula », pour les ramener à un statut d’être primitif et sauvage. Une bande dessinée a même été a été dédiée à ces clichés méprisants des Noirs : « Les aventures de Bamboula », qu’une maison d’édition française sans scrupule avait voulu rééditer en 2018.
Plus choquant encore, les français ne s’étaient pas ouvertement indignés quand la
défunte biscuiterie Saint-Michel avait donné le nom raciste de Bamboula à un de ses biscuits, et avait imaginé un village de Nègres dénommé « Babouland ». Ce mépris des Noirs a été poussé à son paroxysme quand cette marque a voulu créer en France un zoo humain, illustrant des villageois ivoiriens (Les lions et girafes extorqués du Serengeti ne les suffisaient plus pour égayer les visiteurs de leurs zoos. Il leur fallait maintenant du Nègre).
On voit bien que le piédestal de la haine des Noirs par les racistes français a été forgé depuis des siècles, et que chaque génération de racistes apporte à l’édifice haineux sa pierre négrophobe. Les Noirs de tous pays doivent se mobiliser contre chaque acte négrophobe, pour imposer le respect de leur dignité.
Il faut toutefois préciser que cette dynamique négrophobe ne concerne pas tous les français. Loin de là. Mieux, une grande partie des pitoyables racistes qui remplissent les rangs de l’extrême droite n’est pas d’origine française : ce sont xénophobes zélés, des fachos et des frustrés issus de l’immigration blanche, moins français que les Noirs issus d’anciennes colonies ou territoires français.
Aliou TALL,
Président du Réseau Africain de Défense des Usagers, des Consommateurs, et du Citoyen (RADUCC).