Honorable Boubacar Siddighy Diallo président de l’UMP: «Je préfère la Constitution de 2010, mais … »
Dans un entretien accordé à notre rédaction cette semaine, le président de l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP) a donné son avis sur la participation à l’élection présidentielle du 18 octobre 2020. Honorable Boubacar Siddighy Diallo pense que la Constitution de mai 2010 que défend le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) n’a plus sa raison d’être. Aussi, dans cet entretien, il regrette ce nombre élevé des morts pendant des manifestations politiques dont l’objectif n’est pas atteint. Pour une sortie de crise, il fonde l’espoir sur la médiation de l’ancien champion du monde de boxe, le Belge d’origine guinéenne, Lansana Béa Diallo. Et dans ses propos, le jeune député insiste sur l’alternance générationnelle au sein de la classe politique guinéenne.
Lejour.info : Honorable Boubacar Siddighy Diallo, vous êtes élu sous la bannière de votre parti politique, l’UMP. Quelle est votre impression ?
Boubacar Siddighy Diallo : J’ai été élu député au compte d’une alliance qui a été faite autour du Bloc de l’Opposition Constructive (ADC-BOC). Alors ma première impression est que nous avons réussi l’étape primaire où nos aînés n’ont pas pu s’entendre pour réussir. Il n’y a jamais eu une lutte commune de plusieurs partis politiques de l’opposition dans ce pays pour aller à une élection nationale. Nous avons été les premiers à le faire et je suis fière d’avoir appartenu à une alliance qui regroupe plusieurs formations politiques qui se sont convenues se battre ensemble derrière les couleurs d’un seul de leur sans querelles de leadership, d’intérêt ou de personne.
A un moment donné, on vous jugeait très proche de Cellou Dalein Diallo et vous avez milité au sein du FNDC. Aujourd’hui vous n’avez pas les mêmes visions. Qu’est qu’on peut retenir de votre alliance avec le leader de l’UFDG ?
Une perte de temps ! On a perdu assez de temps avant de réaliser, et pour mon grand-frère (NDLR : Cellou Dalein Diallo) et pour moi-même qu’on n’a pas les mêmes visions, les mêmes missions et les mêmes soucis pour le pays. Et donc c’était un mariage forcé. Un accident de parcours. Et lui et moi, je pense que chacun a compris qu’on n’était pas le bon couple. De façon très civilisée, on a accepté de se quitter sans regret. Chacun de nous a compris que l’un n’est pas fait pour l’autre. Et c’est la plus belle façon de se séparer.
Maintenant au parlement, que peuvent s’attendre de vous les Guinéens dont le choix a été porté sur votre personne ?
L’intégralité. Le don de soi. La pertinence dans tous ce que je fais. Et je le ferai en âme et conscience.
Que direz-vous à vos anciens compagnons de l’opposition, celle qui est devenue extra-parlementaire, pour une sortie de crise ?
Moi je pense qu’aujourd’hui une perche est tendue à tous les Guinéens. Il y a notre compatriote, Lansana Béa Diallo, qui est très écouté et respecté, qui incarne des valeurs que chacun de nous voudrait en avoir au niveau de la scène internationale. S’il y a le moindre remue-ménage dans le pays, tous les leaders politiques (y compris le pouvoir) courent pour sortir à l’étranger, pleurer devant les institutions internationales. Aujourd’hui si on a un Guinéen qui a la confiance totale de la communauté internationale, en l’occurrence Béa Diallo qui est un homme politique très aguerri, qui a 20 ans de carrière politique, -15 ans comme député au parlement fédéral belge et depuis 5 ans premier échevin de la commune d’Ixelles en Belgique,- un pays de compromis et beaucoup d’antagonismes linguistiques et communautaires, si un tel vient dire « mes frères donnons-nous la main, asseyons autour de la même table ; moi j’ai l’accomplissement de toute la communauté internationale vers laquelle vous partez de façon divisée, pour aller demander de l’aide ; moi je
viens avec l’appui de ces gens-là pour qu’on parle entre frères afin de laver le linge sale en famille, faire la justice, mais aussi réparer les indemnités, se pardonner et passer le cap en respectant les lois… ». J’estime que ce Monsieur doit être écouté. Je pense qu’aujourd’hui tout politique qui ne s’inscrit pas dans cette dynamique-là est un raté. Et ce politicien peut à travers son influence réelle et sa capacité de manipuler les masses induire le pays dans des incertitudes qui ne seront pas bénéfiques même pour lui, qu’il soit du pouvoir ou de l’opposition. Donc aujourd’hui la médiation proposée par Béa Diallo est la plus belle manière de sortir de cette crise. Connaissant Béa, il est sans langue de bois ; il peut nous sortir de cette situation de façon franche et sincère.
Mais comment sortir de cette crise politique, les leaders politiques membres du FNDC ne veulent pas entendre parler d’Alpha Condé à cette élection présidentielle.
Il y a des exigences qui frisent la comédie. Vous ne pouvez pas appeler des manifestations pour maintenir l’Etat de droit dans un pays et avoir des exigences qui violent les lois du pays. Des Guinéens sont morts pour des revendications où des opposants pensent qu’ils tiennent la loi. Donc on fait tuer les militants parce qu’on pense ce qu’on demande est légale. Mais aujourd’hui si on a des exigences qui ne tiennent pas de lois, on peut aussi amener des Guinéens à mourir parce qu’on veut qu’Alpha Condé ne soit pas candidat ? Au terme de lois actuelles en vigueur en Guinée, aucune loi n’empêche Alpha Condé d’être président. En plus, aucun leader politique n’a une compétence légale à priver quelqu’un de son droit d’éligibilité. Il y a des institutions qui reçoivent des demandes de candidatures, ces institutions ont la compétence d’écarter toute candidature qui serait illégale ou non conforme. Aucun leader n’a cette compétence. Comment peuvent-ils en faire une exigence et penser qu’ils sont en train d’aider le pays ? Je ne discute plus avec un politicien quelle est la loi que tu reconnais, quelle est la constitution qui est applicable. On ne demande pas à un citoyen s’il aime une loi qui lui soit applicable ou pas. Dans les pays de modèle démocratique auxquels on veut ressembler un tel comportement n’existe jamais. Je n’ai jamais entendu un Français dire je reconnais la loi de 1958 et je ne reconnais pas celle de 2001. Aucun Américain ne vous dira que c’est la loi A que je reconnais et je ne reconnais pas l’amendement B. Donc ce n’est pas nos leaders qui vont inventer ça quand même.
Le FNDC est déjà divisé quant à la participation à cette élection. Et pourtant le combat que menait ce front était que le président ne soit pas candidat. Aujourd’hui d’aucuns estiment que participer à cette élection c’est légitimer la nouvelle Constitution et les institutions républicaines telle que l’Assemblée nationale. En plus ce serait trahir la mémoire de ceux qui ont perdu la vie pendant cette lutte. Qu’en dites-vous ?
Si vous parlez de cette opposition qui n’est pas intelligente, qui a appelé ses militants à défendre des choses qui ne sont pas défendables, je dirai elle a mené ses militants dans un bateau qu’elle-même ne contrôlait pas, et ils (NDLR : les opposants politiques membres du FNDC) étaient conscients qu’ils n’avaient pas le contrôle du bateau, et que les enfants des gens sont morts, je suis vraiment triste. Par ce que ce sont des gens qui sont morts dignement dans leur âme, dans leur esprit et dans leur combat. Ils avaient la morale de défendre des droits et des valeurs. Eux vis à vis de l’histoire c’est des héros. C’est des gens bien. Mais ceux qui ont occasionné ces manifestations pour les envoyer dans cette
boucherie savaient très bien qu’ils envoyaient des enfants des gens dans une ‘’guerre’’ qu’ils ne pouvaient pas gagner. Et pour des résultats qu’ils ne pouvaient pas obtenir. Aujourd’hui c’est à eux qu’il faut demander « ces gens-là sont morts pourquoi ? ». Ils sont morts, la Constitution a été changée. Et aussitôt que les gens ont tourné la page pour griffer à la nouvelle Constitution afin de bénéficier des avantages qui en découlent. Parce que participer à une élection c’est de bénéficier des avantages que la loi accorde à chaque citoyen d’exercer son droit d’être électeur ou éligible. Donc vous voulez bénéficier de la nouvelle loi contre laquelle vous avez occasionné la perte de la vie des enfants des autres. Mais en Guinée ici mêmes les militants sont coupables de ceux dont ils sont responsables. Si aujourd’hui, on réveillait les 200 morts depuis dix ans et on leur posait la question voilà la situation actuelle de vos leaders, est-ce que vous êtes prêts à mourir pour eux ou bien vous regrettez d’être morts. Tous vont regretter s’ils voient aujourd’hui ceux à quoi leur mort aura servi.
Les élections présidentielles sont prévues le 18 octobre 2020. Le parti UMP aura-t-il son candidat à cette joute électorale ?
Premièrement l’UMP vient de décider de ne pas présenter un candidat. Mais également de participer au processus électoral. C’est pourquoi dans le cadre de notre alliance de la CARP (Convention nationale des acteurs pour la Relève politique) nous avons décidé de prendre une part active et d’accompagner un des candidats.
A votre entendement, est ce que ce scrutin est tenable ?
C’est la CENI qui a la compétence constitutionnelle de faire un chronogramme et c’est au président d’appeler le corps électoral. Et aucune élection n’est acceptable. Même aux États-Unis. Le perdant va toujours refuser de reconnaître. Mais je ne m’inscris pas dans la logique d’une élection non contestable. Toutes les élections sont contestables. Mais ce qui est important c’est de renouveler la confiance des dirigeants aux périodes indiquées par nos lois.
Votre réaction sur la caution de la participation de cette élection qui va à la hauteur de 800 millions ?
Moi je pense que l’Etat guinéen est en train d’avilir les institutions politiques parce que si vous fixez le cota à des allures milliardaires, vous poussez les institutions politiques à des courses effrénées à l’argent. Donc ça crée d’autres types de politiciens. Ceux qui ont les âmes sensibles vont courir à chercher l’argent. Mais le politicien par définition n’est pas un homme riche. Donc il faut mettre un seuil qui ne permet pas à tout le monde de venir, mais aussi qui permet à une institution normale qui vit de cotisation de pouvoir au moins payer. Car 80 milles dollars c’est exagéré. Mais puisque les détenteurs de la loi ont agi conformément à leur compétence, on ne peut que respecter ça. Elle est mauvaise, mais on la respecte. C’est comme la Constitution actuelle, moi je ne voulais pas qu’elle vienne. Mais une fois que je suis battu démocratiquement, je me soumets. Je préfère la Constitution de 2010, mais puisque j’ai été battu je ne vois pas pourquoi je vais continuer à rendre criminel ce qui est légal.
Selon-vous que faut-il pour une sortie de crise réelle en Guinée ?
C’est de donner la chance à Béa Diallo de finir sa médiation. Et je pense qu’au terme de sa médiation, c’est un homme franc qui ose dire la vérité à qui qu’il soit. Il n’est pas dépendant ni de Paul ou de Pierre et il n’a aucune ambition personnelle pour quoi que ce soit. Il est échevin, il gère un budget de plus de plus 400 millions d’Euros et il a toutes les compétences
de sa commune. Je ne vois pas pourquoi, il va avoir ambitions d’être un petit leader politique ici comme nous. Donc ça c’est une garantie. En outre, Bea Diallo fait partie des hommes politiques les plus respectés de l’Europe. Et donc la communauté internationale prendra tout fait et cause de ce que dira et comprendra et suivra ses ressortissants. Et Bea est Belge d’origine guinéenne. Donc aujourd’hui s’il est dans une dynamique, c’est obligatoire la Belgique, la France le soutiendront, les Russie le soutiendra tout comme l’Italien. Ainsi, un homme qui a cette adresse qu’aucun de nos leaders politiques ne dispose en toute sincérité mérite d’être écouté et suivi pour nous sortir de cette crise. Donc si lui, il vient pour nous dire « Ecoutez ! Réunissons-nous et parlons, moi j’ai le soutien de tous ceux vers lesquels vous partez tendre la main », je pense que la façon de sortir grand et digne avec un résultat propre, c’est de soutenir cette idée et lui faciliter la tâche.
Si on vous choisissait un jour d’être candidat aux élections présidentielles, c’est quoi sera votre priorité ?
Si on me choisit pour la présidentielle, ma priorité serait d’abord de me battre pour qu’il y ait l’alternance générationnelle. Vous ne pouvez bâtir un Etat que lorsque vous avez un interlocuteur de même niveau. Hélas, aujourd’hui la scène politique est disproportionnelle. C’est de vieux malades fatigués contre des jeunes qui n’ont pas les moyens, pour la plupart ambitieux. Donc moi, ma priorité serait de faire en sorte que tous ces vieux, accompagnateurs naturels du Pr Alpha Condé partent avec lui. Ils n’ont qu’à l’accompagner et partir avec lui. Comme ça on va dire voilà l’ancien président et les anciens opposants. Ils deviendront nos conseillers qu’on consulte quand c’est nécessaire.
Si la CARP (Convention nationale pour la Relève politique) n’avez pas été créée et vous en personne n’aviez pas décidé d’y prendre part, qui auriez-vous choisi pour l’accompagner ?
Je n’aurais choisi personne. J’allais rester neutre. Mais puisque ce n’est pas moi seul qui décide dans mon parti, j’ai ouvert des concertations et mon parti m’a donné des orientations. Moi seulement j’aurais été neutre. Et si Alpha Condé me tend la main, je répondrais à une condition. S’il est prêt à nous garantir l’alternance générationnelle après lui. Tout ce qu’il fait c’est le peuple qui va juger. Et s’il est candidat et veut que je l’accompagne, il faut qu’il me garantisse qu’après lui, ça va être notre génération.
Votre mot de fin
C’est de dire que nous devons avoir aujourd’hui tous les jeunes pour qu’ils se battent en faveur d’une alternance générationnelle. Le premier cap du développement vient d’abord des ressources humaines qui gèrent ce pays.
Réalisé par Tidiane Diallo/Lejour.info