La nouvelle d’un décès surprend toujours les vivants, quel que soit l’âge du défunt, jeune ou vieux. Je fus donc confondu, il y a quelque cinq jours, quand mon ainé, l’homme d’Etat N’Faly Sangaré, m’informa tôt le matin de Washington, du décès de notre frère Djibril Tamsir Niane. Je fus surpris d’autant plus, parce) que je gardais encore à l’esprit le souvenir du séjour que Tamsir, Mory Kaba et moi avions effectué ensemble, hier, “dans mon esprit”, à Mamou et ensuite à Timbo pour assister avec Professeur Boubacar Barry chez Al-Hadji Guelugueldji Barry aux cérémonies de l’anniversaire de la grande et élégante mosquée de Karamoko Alpha Mo Timbo.
Bien que Tamsir ait grandi à Baro non loin de Kankan et ait passé le Certificat d’études élémentaires, diplôme alors important à l’ère coloniale, à Kankan, comme me le confirma N’Faly Sangare, je fis sa connaissance seulement en juin 1972 à Londres. N’ayant pas fait le lycée de Conakry et n’ayant pas enseigné en Guinée, je n’étais pas au courant de ses services en Guinée, ni de ses recherches en archéologie et en historiographie avec les griots et les maitres de la tradition orale. Mais, c’était une joie que de l’écouter traiter les vastes panoramas de l’histoire des peuples de la savane et des collines. Il maitrisait le monde guinéen dans son intégralité, de l’antiquité à l’indépendance en 1958 et à la Seconde République, en plus de la vaste connaissance qu’il démontrait sur bien d’autres questions.
Ce fut donc à Londres, à la grande Conférence internationale sur la civilisation mandingue organisée par le Professeur Dalby et les autorités britanniques que mes rapports avec Tamsir commencèrent et s’approfondirent. Vite des liens cordiaux s’établirent entre nous, y compris sa mère et son épouse.
A Londres, j’ai remarqué que Niane faisait objet d’écoute des personnalités telles que : le Président L. S. Senghor, les leaders de la Gambie, du Mali et bien d’autres. En fait, tout le monde l’écoutait, y compris les érudits venus des États-Unis, de l’Union Soviétique et du Canada. A Londres, on remarquait aussi la présence des professeurs Yves Person, Robert Mauny, Germaine Dieterlen tous de Paris. Il convient aussi de rappeler la présence de Sekene-Mody Cissoko, de Laye Camara, de Baba Ibrahima Kake, de Sory Kantara Camara. Tamsir brilla dans sa discussion de Soundjata et de l’épopée mandingue en session plénière et révéla aussi sa grande appréciation des traditions du Khasso et de la Gambie. Sa thèse de Diplôme de Bordeaux qui porte le même nom l’avait déjà rendu célèbre dans le monde universitaire.
Niane excellait dans la synthèse des grands thèmes et des faits dans un style oratoire élégant, presque chantant et remarquable de par sa clarté et sa simplicité, ainsi qu’il le démontra dans ses autres ouvrages: Le Soudan Occidental, L’histoire des Mandingues de l’Ouest. En homme de culture, Niane écrivait aussi sur le théâtre. A cause de sa maitrise de l’art oratoire, de son écriture limpide, il mérita le titre de professeur honoraire à l’Université Howard de Washington et à l’Université de Tokyo au Japon.
La Guinée et l’Afrique ont perdu un grand et honorable fils, et le monde universitaire un maitre digne de la grande tradition qui fit honneur à l’intelligentsia universelle.
Que le défunt et sa sœur jumelle reposent dans la paix et la clémence éternelles de Dieu, Initiateur et Créateur Sublime des êtres et de l’univers.
Lansine Kaba, PhD
Professeur Chicago Illinois